Irak
L’ONU édulcore les sanctions contre Bagdad
Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité une résolution d’inspiration américaine qui devrait faciliter l’importation de biens civils en Irak. Le texte vise à améliorer le sort des civils tout en privant le régime de Bagdad de l’argument selon lequel les Nations unies sont responsables des malheurs de son peuple.
De notre correspondant à New York (Nations unies)
Les Etats-Unis tentent désespérément de sauver un régime de sanctions qui prend l’eau de toutes parts. En assouplissant l’embargo qui pèse sur l’Irak, Washington n’entend pas revenir sur ses projets d’offensive militaire contre Bagdad. Il s’agit plutôt de priver Saddam Hussein de l’argument selon lequel son peuple est persécuté par la communauté internationale, qui le prive des biens les plus élémentaires. A l’unanimité, les quinze membres du Conseil de sécurité ont donc voté une résolution d’inspiration américaine qui, selon l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, John Negroponte, va «considérablement faciliter le flux des marchandises civiles et purement humanitaires vers l’économie irakienne».
Les experts considèrent que la nouvelle résolution est l’avancée la plus significative depuis l’adoption en 1996 du programme pétrole contre nourriture. Il devait permettre à l’Irak d’importer des biens humanitaires de première nécessité avec l’argent de ses exportations de pétrole, contrôlées par l’ONU. Il s’agissait déjà à l’époque d’améliorer le sort de la population irakienne maintenue dans la pauvreté et le sous-développement par un embargo complet. Seul problème: ce programme n’a pas vraiment amélioré la condition de la population civile. L’Irak a sa part de responsabilité, en rechignant souvent à exporter son pétrole. De leur côté, les Etats-Unis ralentissent le flux des biens civils qu’il prétendent aujourd’hui «faciliter» en bloquant arbitrairement pour plusieurs milliards de dollars de contrats en direction de l’Irak (parfois des vaccins, des camions, des ordinateurs...), au prétexte que Bagdad pourrait en faire un usage militaire.
Washington veut sauver un système de sanctions jugées «cruelles»
La nouvelle procédure adoptée par l’ONU devrait limiter ces procédures de blocage, en définissant de façon limitative, clairement et par avance quels sont les biens à double usage. Par exemple, alors que jusqu’à maintenant, il était difficile d’exporter des camions vers l’Irak (pour cause d’obstruction des Américains qui faisaient valoir que les camions pouvaient servir au transport de troupes), la chose sera désormais beaucoup plus facile. Seul un type de camions (transport de chars) consigné par l’ONU dans une liste de biens à double usage pourra être bloqué.
Les Etats-Unis espèrent ainsi sauver un régime de sanctions dont l’image ne cesse de se détériorer: il est perçu comme frappant durement les civils, qui meurent par milliers faute de soins appropriés, sans affecter le régime de Saddam Hussein qui jouit de la contrebande de son pétrole avec les pays voisins, hors contrôle de l’ONU. De plus en plus de voix s’élèvent pour demander la levée de ces sanctions jugées «cruelles». En réaction, l’administration Bush a lancé voilà plus d’un an un projet de sanctions dites «intelligentes». Il s’agissait alors d’alléger la pression sur les civils tout en resserrant le volet militaire des sanctions, notamment en demandant la coopération des pays voisins de l’Irak pour lutter contre la contrebande. Le projet prévoyait également le déploiement de contrôleurs internationaux aux frontières de l’Irak.
En raison d’une opposition déterminée des pays arabes, les «sanctions intelligentes» ont été peu à peu perdu leur volet militaire. L’administration Bush, qui tente de masquer ce fait, semble se contenter d’une victoire en termes d’image. La «générosité» de Washington place Saddam Hussein au pied du mur. «Le gouvernement irakien à l’occasion de prouver» qu’il cherche à améliorer le sort de ses concitoyens, a affirmé la Maison Blanche peu après le vote de la résolution qui selon l’allié britannique «supprime les prétextes fallacieux avancés par Saddam (Hussein) pour justifier les souffrances qu’il inflige au peuple irakien».
Encourager aujourd’hui pour mieux blâmer, voire attaquer, demain? «Les Etats-Unis utiliseront tous les prétextes à leur disposition pour justifier une attaque contre l’Irak», estime l’ambassadeur irakien à l’ONU, Mohammed Al-Douri. «Cette résolution a été imposée par les Américains» ajoute-t-il, «elle ne représente pas un allègement, mais impose au contraire de nouvelles restrictions sur les produits importés de l’extérieur par l’Irak.» Le jugement, sans doute excessif, marque l’opposition de principe de l’Irak à toute nouvelle résolution qui perpétue le régime de sanctions. «Le programme devrait permettre à la marge d’améliorer le sort de la population irakienne, estime pour sa part un diplomate occidental. Mais l’Irak a besoin d’une vraie relance économique».
Or, les Etats-Unis n’ont pas voulu lever l’embargo sur les investissements ou les services (constructions de ponts, prospections pétrolières...) qui paralyse l’économie irakienne. Plusieurs pays comme la France ou la Chine ont donc voté sans enthousiasme excessif cette dernière résolution, considérée comme un progrès très modéré. De son côté, la Russie, principal allié de l’Irak au Conseil de sécurité, estime que «ce n’est qu’à travers une levée des sanctions que l’Irak pourrait revivifier son économie», selon les mots de l’ambassadeur russe à l’ONU Sergeï Lavrov. Mais la levée des sanctions passe par le retour en Irak des inspecteurs en désarmement de l’ONU. Ils avaient quitté le pays en décembre 1998, à la veille de bombardements anglo-américains. Aujourd’hui encore, Kofi Annan tente de convaincre l’Irak de les laisser revenir.
Les Etats-Unis tentent désespérément de sauver un régime de sanctions qui prend l’eau de toutes parts. En assouplissant l’embargo qui pèse sur l’Irak, Washington n’entend pas revenir sur ses projets d’offensive militaire contre Bagdad. Il s’agit plutôt de priver Saddam Hussein de l’argument selon lequel son peuple est persécuté par la communauté internationale, qui le prive des biens les plus élémentaires. A l’unanimité, les quinze membres du Conseil de sécurité ont donc voté une résolution d’inspiration américaine qui, selon l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, John Negroponte, va «considérablement faciliter le flux des marchandises civiles et purement humanitaires vers l’économie irakienne».
Les experts considèrent que la nouvelle résolution est l’avancée la plus significative depuis l’adoption en 1996 du programme pétrole contre nourriture. Il devait permettre à l’Irak d’importer des biens humanitaires de première nécessité avec l’argent de ses exportations de pétrole, contrôlées par l’ONU. Il s’agissait déjà à l’époque d’améliorer le sort de la population irakienne maintenue dans la pauvreté et le sous-développement par un embargo complet. Seul problème: ce programme n’a pas vraiment amélioré la condition de la population civile. L’Irak a sa part de responsabilité, en rechignant souvent à exporter son pétrole. De leur côté, les Etats-Unis ralentissent le flux des biens civils qu’il prétendent aujourd’hui «faciliter» en bloquant arbitrairement pour plusieurs milliards de dollars de contrats en direction de l’Irak (parfois des vaccins, des camions, des ordinateurs...), au prétexte que Bagdad pourrait en faire un usage militaire.
Washington veut sauver un système de sanctions jugées «cruelles»
La nouvelle procédure adoptée par l’ONU devrait limiter ces procédures de blocage, en définissant de façon limitative, clairement et par avance quels sont les biens à double usage. Par exemple, alors que jusqu’à maintenant, il était difficile d’exporter des camions vers l’Irak (pour cause d’obstruction des Américains qui faisaient valoir que les camions pouvaient servir au transport de troupes), la chose sera désormais beaucoup plus facile. Seul un type de camions (transport de chars) consigné par l’ONU dans une liste de biens à double usage pourra être bloqué.
Les Etats-Unis espèrent ainsi sauver un régime de sanctions dont l’image ne cesse de se détériorer: il est perçu comme frappant durement les civils, qui meurent par milliers faute de soins appropriés, sans affecter le régime de Saddam Hussein qui jouit de la contrebande de son pétrole avec les pays voisins, hors contrôle de l’ONU. De plus en plus de voix s’élèvent pour demander la levée de ces sanctions jugées «cruelles». En réaction, l’administration Bush a lancé voilà plus d’un an un projet de sanctions dites «intelligentes». Il s’agissait alors d’alléger la pression sur les civils tout en resserrant le volet militaire des sanctions, notamment en demandant la coopération des pays voisins de l’Irak pour lutter contre la contrebande. Le projet prévoyait également le déploiement de contrôleurs internationaux aux frontières de l’Irak.
En raison d’une opposition déterminée des pays arabes, les «sanctions intelligentes» ont été peu à peu perdu leur volet militaire. L’administration Bush, qui tente de masquer ce fait, semble se contenter d’une victoire en termes d’image. La «générosité» de Washington place Saddam Hussein au pied du mur. «Le gouvernement irakien à l’occasion de prouver» qu’il cherche à améliorer le sort de ses concitoyens, a affirmé la Maison Blanche peu après le vote de la résolution qui selon l’allié britannique «supprime les prétextes fallacieux avancés par Saddam (Hussein) pour justifier les souffrances qu’il inflige au peuple irakien».
Encourager aujourd’hui pour mieux blâmer, voire attaquer, demain? «Les Etats-Unis utiliseront tous les prétextes à leur disposition pour justifier une attaque contre l’Irak», estime l’ambassadeur irakien à l’ONU, Mohammed Al-Douri. «Cette résolution a été imposée par les Américains» ajoute-t-il, «elle ne représente pas un allègement, mais impose au contraire de nouvelles restrictions sur les produits importés de l’extérieur par l’Irak.» Le jugement, sans doute excessif, marque l’opposition de principe de l’Irak à toute nouvelle résolution qui perpétue le régime de sanctions. «Le programme devrait permettre à la marge d’améliorer le sort de la population irakienne, estime pour sa part un diplomate occidental. Mais l’Irak a besoin d’une vraie relance économique».
Or, les Etats-Unis n’ont pas voulu lever l’embargo sur les investissements ou les services (constructions de ponts, prospections pétrolières...) qui paralyse l’économie irakienne. Plusieurs pays comme la France ou la Chine ont donc voté sans enthousiasme excessif cette dernière résolution, considérée comme un progrès très modéré. De son côté, la Russie, principal allié de l’Irak au Conseil de sécurité, estime que «ce n’est qu’à travers une levée des sanctions que l’Irak pourrait revivifier son économie», selon les mots de l’ambassadeur russe à l’ONU Sergeï Lavrov. Mais la levée des sanctions passe par le retour en Irak des inspecteurs en désarmement de l’ONU. Ils avaient quitté le pays en décembre 1998, à la veille de bombardements anglo-américains. Aujourd’hui encore, Kofi Annan tente de convaincre l’Irak de les laisser revenir.
par Philippe Bolopion
Article publié le 15/05/2002