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Liban

Le retour de la violence politique

L’assassinat du fils d’un chef radical palestinien et le meurtre d’un militant chrétien ont replongé le Liban dans un climat de violence politique qu’il n’avait plus connu depuis la fin de la guerre, en 1990.
De notre correspondant au Liban

Jihad Jibril est mort dans l’explosion d’une charge piégée placée sous le siège de sa voiture. L’incident s’est produit à Tallet el-Khayat, un quartier de Beyrouth-ouest qui n’avait plus connu ce genre d’attentat depuis quatorze ans. Jihad était le fils aîné d’Ahmed Jibril, chef du Front populaire pour la libération de la Palestine-Commandement général, une organisation radicale basée à Damas et hostile aux négociations de paix avec Israël. La victime était chef des opérations pour le Liban de ce mouvement dont plusieurs militants ont été récemment arrêtés par les autorités libanaises pour avoir tiré des roquettes sur le nord d’Israël.

Quelques heures après l’assassinat de Jibril, le corps de Ramzi Irani, un responsable estudiantin du parti chrétien dissous des Forces libanaises a été retrouvé dans le coffre de sa voiture. Irani avait disparu 14 jours plus tôt dans des circonstances mystérieuses. Sa mort remonte à une semaine.

Ces deux incidents ont été présentés par l’ensemble de la classe politique et de la presse libanaises comme de graves brèches dans le dispositif de sécurité que le gouvernement libanais et son allié syrien s’efforcent de mettre en place au Liban. Ils expriment les craintes d’un retour à un climat de violence politique que l’on croyait révolu; des craintes formulées par de nombreux observateurs au lendemain de l’assassinat, le 25 janvier dernier, de l’ancien ministre et chef de milice chrétien Elie Hobeika, dans l’explosion d’une charge actionnée par télécommande lors du passage de son convoi.

Une «campagne de déstabilisation» ?

Deux assassinats à la voiture piégée et le meurtre d’un activiste chrétien en quatre mois justifient sans doute ces appréhensions, alimentées par l’incapacité des multiples services de sécurité à retrouver les auteurs de ces actes. C’est assez, en tout cas, pour pousser une partie de la presse à parler d’une campagne de déstabilisation dont serait victime le Liban. Si certains journaux, comme notamment le très sérieux As-Safir, pointent déjà un doigt accusateur en direction d’Israël, l’enquête, elle, n’a pas permis à ce stade de confirmer cette thèse. Mais le fait que les assassinats de Hobeika et Jibril aient été revendiqués par des mouvements inconnus affirmant lutter contre «l’occupation syrienne» montre que la volonté de déstabilisation existe ailleurs que dans la tête de quelques analystes. Et si, pour le meurtre de Ramzi Irani, la thèse du règlement de compte personnel n’est pas totalement écartée par les enquêteurs, il n’en demeure pas moins que cette affaire dénote un relâchement sans précédent de la sécurité: un homme qui disparaît sans laisser de trace à une heure de pointe dans le quartier commercial de Hamra pour réapparaître deux semaines plus tard mort dans le coffre de sa voiture dans le quartier résidentiel de Raouché, ce n’est pas pour rassurer sur l’état de la sécurité au Liban.

Ce climat de violence politique, couplé à la crise économique et sociale qui secoue le Liban, conjugué à la précarité de la situation à la frontière avec Israël où le Hezbollah refuse de renoncer à l’option de la résistance armée pour «libérer les hameaux de Chebaa», montre que le Liban est loin d’être ce paradis que les dirigeants politiques ont promis d’édifier ces dix dernières années.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 05/06/2002