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Union européenne

La France privée de <i>golden share</i>

La condamnation de la France par la Cour européenne de justice remet en cause son droit de veto sur l’évolution du capital de la compagnie pétrolière privatisée TotalFinaElf. Cette décision risque de peser, dans l’avenir, sur l’ouverture éventuelle du capital d’entreprises jugées d’intérêt général ou de service public.
L’action préférentielle dont bénéficie l’Etat français dans le capital d’Elf Aquitaine depuis la privatisation, en 1993, de la compagnie pétrolière et étendue, en 2000, à TotalFinaElf porte «une atteinte grave à la libre circulation des capitaux» dans l’Union européenne, estime la Cour européenne de justice, dans un arrêt rendu le 4 juin. Cette «action en or» (golden share) détenue par la puissance publique prévoit que le franchissement du seuil des 10%, 25% et 33% du capital de l’entreprise pétrolière doit être approuvée par le ministre français de l’Economie.

La France avait estimé nécessaire de disposer d’un tel droit de veto, lors de la privatisation, afin d’éviter une offre publique d’achat hostile dans un secteur, celui de l’énergie, considéré comme essentiel pour le pays. Et, le même jour, le Portugal se voit également condamné par la Cour européenne de justice pour les limitations que ce pays impose aux étrangers, communautaires ou non, dans la détention du capital de ses sociétés privatisées.

Ainsi, dans les deux cas, la Cour donne la priorité à la libre circulation des capitaux dans l’Union européenne sur le souhait des Etats de préserver certains secteurs de l’économie pour des raisons d’intérêt général. Seules les entreprises de défense peuvent explicitement, aux termes du Traité de Rome, faire l’objet de mesures de protection de la part des Etats.

L’opinion attachée aux services publics

La France va donc d’être contrainte de modifier le décret instaurant cette action préférentielle pour se conformer à la décision de Luxembourg. Mais, pour l’avenir, la perte totale de contrôle sur des sociétés rendues au marché des capitaux risque de rendre la France plus frileuse et circonspecte. La Cour de Luxembourg a beau estimer que l’action préférentielle va «manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif invoqué par le gouvernement français, à savoir la prévention d'une atteinte à l'approvisionnement minimal en produits pétroliers en cas de menace effective», la privatisation d’Elf Aquitaine, à l’époque, n’avait pu avoir lieu qu’à ce prix.

Sans cette sécurité le gouvernement français n’aurait certainement pas approuvé la privatisation. Et, dans le débat sur l’éventuelle privatisation d’Electricité de France (EDF) la décision concernant TotalFinaElf va peser lourdement. D’autant que les dernières élections présidentielles et législatives en cours marquent l’attachement réitéré de l’opinion publique française à la notion de service public.

Du côté de l’Union européenne on souligne que rien n’interdit à un pays d’imposer des contraintes de service public ou de maintien de l’intérêt général à une entreprise privée. C’est d’ailleurs ce qui a évité à la Belgique d’être elle aussi condamnée par la Cour de justice européenne. En 1999 la Belgique a renoncé à contrôler l’évolution du capital de ses sociétés de distribution par canalisation et d’approvisionnement en gaz en se réservant un droit de regard sur les infrastructures.



par Francine  Quentin

Article publié le 04/06/2002