Congo démocratique
Kinshasa veut faire condamner Kigali
Les événements de Kisangani, la mutinerie du 14 mai dans le camp de la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), sont diversement appréciés et interprétés. Plusieurs centaines de morts sont annoncées et l’armée rwandaise est directement accusée par le gouvernement de Kinshasa qui saisit la Cour internationale de La Haye. Moïse Nyarugabo, chef du département Justice et droits humains au sein du RCD, soutenu par le Rwanda, dément toutes ces accusations.
RFI: Le RCD et son soutien le Rwanda sont directement mis en cause dans les représailles qui ont suivi la mutinerie du 14 mai dernier. Que répondez-vous à ces accusations ?
Moïse Nyarugabo: On a commencé par 250 morts, on est passé à 200, puis 150 et dernièrement, toujours selon les sources de l’Eglise catholique, à 50. Je pense que dans les jours qui viennent ils vont arriver à des proportions justes. Je peux vous dire qu’il n’y a pas eu de massacres organisés, à quelque échelon que ce soit. En revanche, il y a eu des batailles, des massacres, une mutinerie qui, c’est vrai, a été mâtée. Mais y-a-t-il eu des débordements ? Nous n’en savons rien pour l’instant. Nous avons créé une commission d’enquête qui fait déjà des investigations sur le terrain à Kisangani. Nous attendons des résultats et c’est seulement sur la base du rapport de cette commission que nous allons établir la lumière et les responsabilités des uns et des autres.
RFI: Autoriseriez-vous des commissions d’enquête indépendantes à se rendre sur place et à travailler parallèlement à vos propres investigations ?
M N: Une commission d’enquête internationale, si c’est vraiment nécessaire, est la bienvenue. Mais quant à savoir si c’est une commission de la MONUC (Mission des Nations-Unies au Congo, ndlr), là c’est discutable et nous allons examiner la demande.
RFI: Selon plusieurs sources concordantes des fosses communes auraient été découvertes. Confirmez-vous ces informations ?
M N: Les fosses communes dont on parle sont des fosses creusées par le CICR au sud de l’aéroport de Simi-Simi, derrière la morgue de l’hôpital général. Elles sont connues de tout le monde. C’est là que sont enterrées les victimes des combats qui ont opposé les mutins aux unités régulières de notre armée. Justement, la MONUC a demandé à vérifier ces différents points et elle l’a fait. La délégation de la MONUC n’a pas trouvé les «fameuses fosses communes» et je pense qu’une élémentaire honnêteté voudrait qu’elle dise qu’elle n’a rien trouvé.
«Il n’y a pas plus de Rwandais dans l’est du Congo»
RFI: Le gouvernement de Kinshasa vient d’annoncer son intention de déposer une plainte auprès de la Cour internationale de justice contre le Rwanda, votre principal soutien dans le conflit congolais. C’est peut-être aussi un moyen de vous accuser indirectement ?
M N: Si le gouvernement de Kinshasa accuse le Rwanda, les autorités de ce pays sauront se défendre. Mais je tiens d’ores et déjà à dire qu’il n’y a plus un seul militaire rwandais ici depuis que l’armée rwandaise s’est retirée de Kisangani, même pas en promenade ! Après la guerre de six jours avec l’Ouganda, il y a un peu plus d’un an, l’armée rwandaise s’est entièrement retirée d’ici. Je mets au défi quiconque d’apporter la preuve du contraire. Il faut aussi savoir qu’on appelle ici «Rwandais» tous ceux qui parlent le Kinyarwanda, comme moi du reste : des Tutsis, bien qu’ils soient des Congolais. Ils sont pourchassés, massacrés et parfois brûlés vifs. Aujourd’hui au Congo on persécute des gens parce qu’ils ont une certaine physionomie, un certain type et parlent une certaine langue. Cela aussi doit être dénoncé. Il faut savoir que pendant quelques heures le 14 mai dernier des mutins avaient pris une radio et ont appelé «les Congolais à prendre les armes pour chasser et tuer les Rwandais et Tutsis». Malheureusement ils ont été entendus par certaines personnes.
RFI: De nombreux témoignages ont fait état de corps flottant sur des rivières que les soldats du RCD auraient ramassés et enterrés, les contestez-vous ?
M N: Il y a eu des massacres et nous ne sommes toujours pas arrivés à identifier tous les corps. Certains de nos soldats étaient portés disparus et c’est la population qui nous a souvent alerté sur la découverte des corps à des endroits que nous ignorions. Nous avons ainsi repêché des corps dans la rivière Tshopo et il s’agissait de soldats issus de nos rangs qui sont au nombre de huit. Mais le problème maintenant c’est que des gens prennent des faits vrais pour leur donner des connotations diverses en insinuant des choses complètement fausses.
RFI: Où en sont aujourd’hui vos relations avec le gouvernement de Kinshasa ?
M N: Nous considérons que le gouvernement de Kinshasa a trahi le Dialogue inter-congolais. Il était sur le point d’aboutir à un compromis global, mais il a été torpillé par le gouvernement de Kinshasa qui a signé dans la précipitation un accord avec la rébellion de Jean-Pierre Bemba, pour le partage du pouvoir, sans avoir balisé le chemin. Tous n'avaient qu'un seul but : nous isoler pour nous mettre en position de faiblesse. Mais leur coalition a des intérêts divergents et n’aboutit à rien depuis qu’elle existe. Au lieu de faire des guerres de communiqués et de chercher à éliminer telle ou telle partie, nous leur conseillons plutôt de revenir à l’esprit qui fonde le dialogue inter-congolais, pour qu’ensemble on mette fin à la guerre qui détruit notre pays.
Moïse Nyarugabo: On a commencé par 250 morts, on est passé à 200, puis 150 et dernièrement, toujours selon les sources de l’Eglise catholique, à 50. Je pense que dans les jours qui viennent ils vont arriver à des proportions justes. Je peux vous dire qu’il n’y a pas eu de massacres organisés, à quelque échelon que ce soit. En revanche, il y a eu des batailles, des massacres, une mutinerie qui, c’est vrai, a été mâtée. Mais y-a-t-il eu des débordements ? Nous n’en savons rien pour l’instant. Nous avons créé une commission d’enquête qui fait déjà des investigations sur le terrain à Kisangani. Nous attendons des résultats et c’est seulement sur la base du rapport de cette commission que nous allons établir la lumière et les responsabilités des uns et des autres.
RFI: Autoriseriez-vous des commissions d’enquête indépendantes à se rendre sur place et à travailler parallèlement à vos propres investigations ?
M N: Une commission d’enquête internationale, si c’est vraiment nécessaire, est la bienvenue. Mais quant à savoir si c’est une commission de la MONUC (Mission des Nations-Unies au Congo, ndlr), là c’est discutable et nous allons examiner la demande.
RFI: Selon plusieurs sources concordantes des fosses communes auraient été découvertes. Confirmez-vous ces informations ?
M N: Les fosses communes dont on parle sont des fosses creusées par le CICR au sud de l’aéroport de Simi-Simi, derrière la morgue de l’hôpital général. Elles sont connues de tout le monde. C’est là que sont enterrées les victimes des combats qui ont opposé les mutins aux unités régulières de notre armée. Justement, la MONUC a demandé à vérifier ces différents points et elle l’a fait. La délégation de la MONUC n’a pas trouvé les «fameuses fosses communes» et je pense qu’une élémentaire honnêteté voudrait qu’elle dise qu’elle n’a rien trouvé.
«Il n’y a pas plus de Rwandais dans l’est du Congo»
RFI: Le gouvernement de Kinshasa vient d’annoncer son intention de déposer une plainte auprès de la Cour internationale de justice contre le Rwanda, votre principal soutien dans le conflit congolais. C’est peut-être aussi un moyen de vous accuser indirectement ?
M N: Si le gouvernement de Kinshasa accuse le Rwanda, les autorités de ce pays sauront se défendre. Mais je tiens d’ores et déjà à dire qu’il n’y a plus un seul militaire rwandais ici depuis que l’armée rwandaise s’est retirée de Kisangani, même pas en promenade ! Après la guerre de six jours avec l’Ouganda, il y a un peu plus d’un an, l’armée rwandaise s’est entièrement retirée d’ici. Je mets au défi quiconque d’apporter la preuve du contraire. Il faut aussi savoir qu’on appelle ici «Rwandais» tous ceux qui parlent le Kinyarwanda, comme moi du reste : des Tutsis, bien qu’ils soient des Congolais. Ils sont pourchassés, massacrés et parfois brûlés vifs. Aujourd’hui au Congo on persécute des gens parce qu’ils ont une certaine physionomie, un certain type et parlent une certaine langue. Cela aussi doit être dénoncé. Il faut savoir que pendant quelques heures le 14 mai dernier des mutins avaient pris une radio et ont appelé «les Congolais à prendre les armes pour chasser et tuer les Rwandais et Tutsis». Malheureusement ils ont été entendus par certaines personnes.
RFI: De nombreux témoignages ont fait état de corps flottant sur des rivières que les soldats du RCD auraient ramassés et enterrés, les contestez-vous ?
M N: Il y a eu des massacres et nous ne sommes toujours pas arrivés à identifier tous les corps. Certains de nos soldats étaient portés disparus et c’est la population qui nous a souvent alerté sur la découverte des corps à des endroits que nous ignorions. Nous avons ainsi repêché des corps dans la rivière Tshopo et il s’agissait de soldats issus de nos rangs qui sont au nombre de huit. Mais le problème maintenant c’est que des gens prennent des faits vrais pour leur donner des connotations diverses en insinuant des choses complètement fausses.
RFI: Où en sont aujourd’hui vos relations avec le gouvernement de Kinshasa ?
M N: Nous considérons que le gouvernement de Kinshasa a trahi le Dialogue inter-congolais. Il était sur le point d’aboutir à un compromis global, mais il a été torpillé par le gouvernement de Kinshasa qui a signé dans la précipitation un accord avec la rébellion de Jean-Pierre Bemba, pour le partage du pouvoir, sans avoir balisé le chemin. Tous n'avaient qu'un seul but : nous isoler pour nous mettre en position de faiblesse. Mais leur coalition a des intérêts divergents et n’aboutit à rien depuis qu’elle existe. Au lieu de faire des guerres de communiqués et de chercher à éliminer telle ou telle partie, nous leur conseillons plutôt de revenir à l’esprit qui fonde le dialogue inter-congolais, pour qu’ensemble on mette fin à la guerre qui détruit notre pays.
par Propos recueillis par Didier Samson
Article publié le 01/06/2002