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Madagascar

Madagascar : échec à Dakar

Les nouvelles négociations à Dakar, pour trouver une solution à la crise malgache ont abouti à un échec, puisque aucun des deux protagonistes n’a signé d’accord. Les efforts de médiation semblent aujourd’hui avoir atteint leurs limites. La communauté internationale va maintenant probablement adopter une position plus claire. Sans doute la reconnaissance du pouvoir de Marc Ravalomanana.
De notre correspondant à Madagascar

Les deux rivaux malgaches, Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana, se sont séparés dimanche soir à Dakar sans avoir conclu un accord. «C’est un échec total», estimait un Malgache proche des discussions. Les négociations dans la capitale sénégalaise auront duré moins de deux jours. Le groupe de facilitateurs, emmenés par le chef d’État sénégalais Abdoulaye Wade, n’a réussi qu’à proposer un «plan de sortie de crise». Ce plan prévoit l’organisation d’élections législatives anticipées avant la fin de l'année ou, en cas de difficulté, à l'échéance normale des mandats des députés, en mai 2003.

«Ces élections permettront au peuple malgache, par le biais d'une consultation populaire, de désigner une nouvelle majorité et une nouvelle légitimité dont il faudra tirer les conséquences», selon les termes communiqués par les chefs d’État facilitateurs, lors d’une conférence de presse dans la soirée. En attendant, la «transition» devrait être organisée, avec, notamment, la nomination par M. Ravalomanana d'un Premier ministre qui représenterait l'État malgache jusqu'aux législatives, toujours selon ce plan.

Le projet va être soumis pour approbation à l’OUA, notamment à l’organe central chargé de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits. La réunion est prévue dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Simplement, faisait remarquer ce lundi matin, un diplomate en poste à Antananarivo, «dans le contexte actuel à Madagascar, il paraît impossible d’organiser le moindre scrutin». «Le projet défini ce week-end à Dakar ne peut pas tenir la route», poursuit un autre diplomate, toujours sous couvert d’anonymat.

«Il fallait un bon échec»

Sur le plan diplomatique, la communauté internationale va maintenant officiellement attendre la décision de l’organe central de l’OUA. Mais officieusement, les représentants des chancelleries estiment déjà que les chefs d’État africains vont devoir faire le constat suivant : en substance, «on a fait Dakar I, on a tenté Dakar II, sans que la crise ne se débloque à Madagascar. A présent, ce n’est plus de notre ressort». Autrement dit, la communauté internationale va devoir adopter une nouvelle attitude. «Il fallait que cette rencontre à Dakar ait lieu, explique un autre diplomate. On se doutait dès le départ que les chances d’un accord étaient minimes. Mais il fallait que ce soit un bon échec.» Tout en saluant les nombreux efforts de médiation, les bailleurs de fonds vont maintenant probablement adopter une position plus claire, que certains d’ailleurs préconisent depuis plusieurs semaines : reconnaître le nouveau pouvoir à Madagascar, celui de Marc Ravalomanana.

Cette attitude tient notamment à l’évolution de la situation sur le terrain, en particulier depuis la signature de l’accord Dakar I, signé le 18 avril dernier. La Haute Cour constitutionnelle a proclamé officiellement la victoire de Marc Ravalomanana dès le premier tour. Il a été investi. Puis il a lancé une offensive militaire depuis presque 3 semaines, en remportant plusieurs succès, à Morondava, sur la côte ouest, ou à Sambava sur la côte nord-est. Par ailleurs, la passation de commandement effectuée vendredi dernier, au sein de l’état-major, entre des généraux nommés par Didier Ratsiraka et des généraux désignés par le nouveau président élu, prouve, selon les diplomates, qu’on assiste à un basculement de l’armée. «Le camp Ravalomanana commence à être en position de supériorité», confirme justement un expert étranger.

La porte semble donc s’ouvrir pour une reconnaissance. Un conseiller du nouveau président élu pousse d’ailleurs dans ce sens-là : «en voyant qui provoque le blocage de la situation, les bailleurs de fonds doivent maintenant se positionner et nous reconnaître.» En tout cas, poursuit ce conseiller, «on maintient notre position, à savoir l’avancée dans les provinces et l’assaut pour faire sauter les barrages. On avait prévenu : ça se passerait comme ça, qu’il y ait Dakar II ou non

Concernant le camp Ratsiraka, un expert étranger proche des négociations estime que le président sortant, à Dakar, a fait abstraction de l’évolution de la situation sur le terrain. Une évolution pas forcément en sa faveur. Confirmation d’une source diplomatique, qui laisse entendre que le camp de «l’Amiral» est peut être en train de se déliter.

Les jours qui viennent seront sans doute cruciaux dans la crise malgache. Certains prédisent un risque d’accrochages plus violents encore que ces dernières semaines, entre l’armée du pouvoir Ravalomanana et les «jusqu’au-boutistes» du camp Ratsiraka. Et d’évoquer notamment les villes de Majunga (sur la côte nord-ouest) et d’Antsiranana (à l’extrême-nord), encore aux mains de gouverneurs ratsirakistes. Quant au «front» diplomatique, les représentants des chancelleries vont se réunir ce lundi et dans les prochains jours. Sans doute pour adopter une position commune. Peut être pour commencer à envoyer des signaux protocolaires plus clairs, à l’endroit de Marc Ravalomanana.



par Olivier  Péguy

Article publié le 10/06/2002