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Congo démocratique

Kinshasa en appelle à La Haye

Le gouvernement congolais dépose une requête contre le Rwanda pour «violations massives des droits de l’homme» devant la Cour internationale de justice de La Haye. Cette initiative s’inscrit dans une logique d’installation de fait de l’autorité du gouvernement Kabila sur toute l’étendue du territoire congolais, face aux résistances du RCD, mouvement rebelle soutenu par le Rwanda.
Malgré les démentis du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie) et du Rwanda, sur la présence des soldats rwandais sur le sol congolais, le pouvoir de Kinshasa reste persuadé que qu’une bonne partie de l’est du territoire congolais est toujours sous influence étrangère. La requête devant la Cour internationale de justice vise à inciter la communauté internationale à condamner le Rwanda en lui ordonnant de «mettre fin immédiatement à la guerre d’agression contre la RDC». Kinshasa demande également des réparations pour les «exactions» commises depuis 1998, date d’intervention sur le territoire congolais des troupes rwandaises. Les autorités congolaises n’ont pas précisé la nature des réparations, mais ont par ailleurs introduit une demande d’embargo sur «l’or, le diamant, le coltan, ainsi que d’autres ressources provenant du pillage systématique et de l’exploitation illégale de richesses de la RDC dans sa partie occupée».

Les autorités congolaises ont fondé leur requête sur les conclusions d’une mission spéciale demandée par Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, qui relate un véritable pillage des ressources minières de la République démocratique du Congo, par toutes les parties impliquées dans le conflit congolais. Le Rwanda et l’Ouganda qui soutiennent des mouvements rebelles sont les premiers visés par ce rapport qui épingle aussi, mais dans une moindre mesure, la Zambie, le Zimbabwe ou l’Angola qui appuient les forces gouvernementales de Kinshasa. C’est pourquoi, parallèlement à l’action menée à La Haye, le gouvernement congolais saisit le Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’un embargo sur les armes en direction du Rwanda soit décrété.

Le gouvernement de Joseph Kabila cherche actuellement à transformer en acquis une conjoncture qui plaide en sa faveur. Après les résultats mitigés du dialogue inter-congolais de Sun City, en Afrique du sud, la «transition» selon Kinshasa est plus que jamais remise en cause. Le MLC (Mouvement de libération du Congo) de Jean-Pierre Bemba a signé un accord de partage du pouvoir, maintenant Joseph Kabila à son poste de président de la République. Ce ralliement du MLC conforte le pouvoir de Kinshasa qui n’a désormais que le RCD comme seul et unique adversaire. Le RCD refuse les termes de la «transition» selon Kinshasa et le MLC. Son soutien principal le Rwanda est accusé de tirer les ficelles du jeu sur fond de querelles ethniques. Le pouvoir de Kinshasa tient le Rwanda pour responsable du «génocide de plus 3,5 millions de Congolais» alors que le Rwanda l’accuse à son tour de livrer une guerre contre les Tutsis, victimes d’un génocide organisé par les Hutus.(Guerre du Rwanda en 1994). Les Tutsis au pouvoir à Kigali avaient justifié leur intervention au Congo par un souci de sécurité contre les Hutus se réfugiant au Congo. Le Rwanda reproche également au Congo de «traiter les Tutsis congolais de Rwandais et donc d’ennemis potentiels».

Le gouvernement de Kinshasa a le vent en poupe

Le RCD reconnaissant le récente mutinerie des ses rangs, à Kisangani, a néanmoins accusé Kinshasa d’avoir fomenté un coup pour « discréditer et liquider » le mouvement. La mutinerie du 14 mai aurait fait plusieurs dizaines de morts. Pour les uns les victimes sont des personnes tuées suite à l’appel des mutins à se débarrasser des Rwandais (Tutsis congolais). Pour les autres les victimes sont des personnes tuées lors des représailles conduites par le RCD et son parrain rwandais. Le général Moutanga Diallo, chef des forces de la Mission d’observation des Nations unies au Congo (MONUC) a déclaré «qu’aucune preuve» de la participation de l’armée rwandaise n’est établie dans les événements de Kisangani. Kofi Annan qui espère toujours pacifier cette région, fait remarquer que la ville de Kisangani n’est toujours pas «démilitarisée» comme s’y était engagée le RCD qui administre la ville. Selon ses responsables, tous les derniers événements les conséquences de leur refus de «cautionner une transition politique qui exclut une catégorie de citoyens». Mais les récents événement pourraient aussi trouver un début d’explication dans une certaine fronde née dans les rangs du RCD. De nombreuses voies se sont élevées pour contester l’omniprésence du parrain. «Nous avons été des marionnettes du Rwanda, nous en avons assez». Ces mêmes contestataires souhaitent une intégration de leurs miliciens dans une armée nationale congolaise et la participation à un gouvernement «même dirigé par Joseph Kabila» mais qui conduise aux élections générales.

Cette scission au sein du RCD fait le jeu du pouvoir de Kinshasa, qui se retrouve dans les habits du «défenseur» de la nation après avoir obtenu l’adhésion de tous les autres mouvements rebelles aux conclusions de Sun City. Au nombre des satisfactions du gouvernement de Kabila, il y a aussi la prolongation de la mission de la MONUC et l’augmentation des effectifs souhaitée par Kofi Annan lui-même pour le maintien de la paix au Congo. Un autre motif de satisfaction est l’annonce du Fonds monétaire international (FMI) qui envisage d’apporter un soutien financier de 750 millions de dollars à la République démocratique du Congo pour un programme économique de trois ans qu’il a validé. Le gouvernement de Kinshasa a actuellement le vent en poupe et compte bien transformer l’essai, (les succès diplomatiques), en victoire sur le terrain.



par Didier  Samson

Article publié le 14/06/2002