Serbie
Limogeage à Belgrade
Le limogeage du chef d'état-major des forces armées yougoslaves est présenté comme le signe d'un rapprochement avec l'Occident.
«De notre correspondante à Belgrade»
Le président Kostunica est celui qui a refusé le limogeage du général Pavkovic au lendemain de la «révolution» du 5 octobre 2000, malgré les voeux de la coalition réformiste et de l'Occident. C'est également par sa volonté que l'ancien commandant de la 3ème armée, responsable du Kosovo sous le régime de Slobodan Milosevic, partira, mais non sans avoir provoqué une tempête. Ce limogeage du chef d'état-major, salué par la communauté internationale, est présenté comme le signe tant attendu que la Yougoslavie avance vers le Partenariat pour la paix, l'antichambre de l'OTAN, et les réformes de l'armée. Mais il a pris l'allure d'un règlement de compte politique et montré les limites des réformes que le président Kostunica est prêt à accepter.
A la réunion du Haut Conseil de la Défense, dont le menu des discussions prévoyait les changements de cadres et la réforme de l'armée, le président Kostunica a demandé, comme à la précédente réunion, le limogeage du général Pavkovic. Le Haut Conseil de la Défense n'était pas contre. Mais il a exigé que d'autres hauts responsables soient limogés dans la foulée, notamment le responsable de la sécurité militaire auprès du président, le général Aca Tomic. On reprochait à celui-ci de tenter de manipuler l'armée à des fins politiques. Le président monténégrin Djukanovic aurait surtout insisté dans ce sens, se faisant le porte-parole sur ce point du Premier ministre serbe Zoran Djindjic. Rappelons que c'est Aca Tomic qui avait donné l'ordre en mars dernier d'arrêter pour espionnage le vice-président du gouvernement serbe et ancien chef d'état major Momcilo Perisic, sans prévenir le général Pavkovic ni le gouvernement serbe. Mais comme à la précédente réunion, le président Kostunica a refusé de lâcher son protégé. Il lui a donc fallu limoger le général Pavkovic seul, par décret. «Aucun homme n'est plus important que l'institution qu'il dirige, ni au-dessus de l'Etat», a justifié le président Kostunica. «Nous sommes redevables au général Pavkovic pour son rôle joué pendant les bombardements de 1999, mais son départ est nécessaire pour le contrôle civil de l'armée, la démocratie et la sauvegarde de l'armée en tant qu'institution», a-t-il expliqué. Pourtant en décembre dernier, le président Kostunica avait refusé de limoger le général Pavkovic au motif que «l'armée avait entamé sa réforme grâce au général Pavkovic»...
Des militaires toujours très influents
Considérant la décision comme inconstitutionnelle, le général refuse d'obtempérer et en appelle à la Cour Constitutionnelle et à l'arbitrage du Parlement auquel il a adressé une lettre classée «secret d’Etat». «Le président Kostunica agit par esprit de vengeance personnelle. Lui et son cabinet abusent de leur pouvoir dans l'intérêt de leur parti», a déclaré le général démis, en profitant pour informer l'opinion qu'en juin 2001 les membres du cabinet présidentiel en état d'ébriété l'avaient convoqué en pleine nuit pour lui demander d'investir les locaux du gouvernement serbe qu'ils soupçonnaient d'avoir installé un système d'écoutes de la présidence. Démenti du cabinet présidentiel. Cependant, le gouvernement serbe tout comme le Parlement fédéral demandent des explications. Dos au mur, le général a également tenté d'utiliser l'armée comme son bouclier, en convoquant l'état major. Mais la tentative s'est soldée par un échec. A l'issue d'une réunion avec les plus hauts dignitaires de l'armée, la présidence a en effet notifié par communiqué que «l'armée appliquera toutes les décisions du Haut Conseil de la Défense et du président yougoslave». Pourtant, selon le quotidien «Glas javnosti», le général Pavkovic avait reçu le soutien de l'état-major, convoqué dans la nuit. Isolé, le général et ancien proche de Slobodan Milosevic sera donc sans doute obligé d'obtempérer car si le premier ministre Zoran Djindjic a déclaré que la forme de la décision était «inconstitutionnelle» et «manquait de sérieux», il n'ira pas plus loin.
Il reste que l'affaire montre à quel point les rôles et prérogatives du Haut Conseil de la Défense, du président yougoslave et du responsable de la Sécurité militaire ne sont pas clairement définis, les interprétations de la Constitution étant variables même parmi les analystes. C'est précisément le contrôle civil de l'armée qui constitue une autre condition à remplir par la Yougoslavie pour entrer au Partenariat pour la paix. Et il n'est pas sûr que le président Kostunica soit prêt à renoncer au rôle de commandant suprême qu'il s'est assigné. Quant au remplaçant, le général Branko Krga, ce n'est pas forcément le meilleur choix en ce qui concerne l'OTAN. Officier du temps de la Fédération yougoslave de Tito, l'homme vient du Renseignement et est considéré comme appartenant à «l'école russe». Il était conseiller spécial de Slobodan Milosevic pendant les bombardements de l'OTAN en 1999. A moins que le Parlement ne se saisisse du dossier. Pour Dragoljub Micunovic, président du parlement fédéral, «il est temps que l'armée cesse de planer au-dessus du contrôle parlementaire».
Le président Kostunica est celui qui a refusé le limogeage du général Pavkovic au lendemain de la «révolution» du 5 octobre 2000, malgré les voeux de la coalition réformiste et de l'Occident. C'est également par sa volonté que l'ancien commandant de la 3ème armée, responsable du Kosovo sous le régime de Slobodan Milosevic, partira, mais non sans avoir provoqué une tempête. Ce limogeage du chef d'état-major, salué par la communauté internationale, est présenté comme le signe tant attendu que la Yougoslavie avance vers le Partenariat pour la paix, l'antichambre de l'OTAN, et les réformes de l'armée. Mais il a pris l'allure d'un règlement de compte politique et montré les limites des réformes que le président Kostunica est prêt à accepter.
A la réunion du Haut Conseil de la Défense, dont le menu des discussions prévoyait les changements de cadres et la réforme de l'armée, le président Kostunica a demandé, comme à la précédente réunion, le limogeage du général Pavkovic. Le Haut Conseil de la Défense n'était pas contre. Mais il a exigé que d'autres hauts responsables soient limogés dans la foulée, notamment le responsable de la sécurité militaire auprès du président, le général Aca Tomic. On reprochait à celui-ci de tenter de manipuler l'armée à des fins politiques. Le président monténégrin Djukanovic aurait surtout insisté dans ce sens, se faisant le porte-parole sur ce point du Premier ministre serbe Zoran Djindjic. Rappelons que c'est Aca Tomic qui avait donné l'ordre en mars dernier d'arrêter pour espionnage le vice-président du gouvernement serbe et ancien chef d'état major Momcilo Perisic, sans prévenir le général Pavkovic ni le gouvernement serbe. Mais comme à la précédente réunion, le président Kostunica a refusé de lâcher son protégé. Il lui a donc fallu limoger le général Pavkovic seul, par décret. «Aucun homme n'est plus important que l'institution qu'il dirige, ni au-dessus de l'Etat», a justifié le président Kostunica. «Nous sommes redevables au général Pavkovic pour son rôle joué pendant les bombardements de 1999, mais son départ est nécessaire pour le contrôle civil de l'armée, la démocratie et la sauvegarde de l'armée en tant qu'institution», a-t-il expliqué. Pourtant en décembre dernier, le président Kostunica avait refusé de limoger le général Pavkovic au motif que «l'armée avait entamé sa réforme grâce au général Pavkovic»...
Des militaires toujours très influents
Considérant la décision comme inconstitutionnelle, le général refuse d'obtempérer et en appelle à la Cour Constitutionnelle et à l'arbitrage du Parlement auquel il a adressé une lettre classée «secret d’Etat». «Le président Kostunica agit par esprit de vengeance personnelle. Lui et son cabinet abusent de leur pouvoir dans l'intérêt de leur parti», a déclaré le général démis, en profitant pour informer l'opinion qu'en juin 2001 les membres du cabinet présidentiel en état d'ébriété l'avaient convoqué en pleine nuit pour lui demander d'investir les locaux du gouvernement serbe qu'ils soupçonnaient d'avoir installé un système d'écoutes de la présidence. Démenti du cabinet présidentiel. Cependant, le gouvernement serbe tout comme le Parlement fédéral demandent des explications. Dos au mur, le général a également tenté d'utiliser l'armée comme son bouclier, en convoquant l'état major. Mais la tentative s'est soldée par un échec. A l'issue d'une réunion avec les plus hauts dignitaires de l'armée, la présidence a en effet notifié par communiqué que «l'armée appliquera toutes les décisions du Haut Conseil de la Défense et du président yougoslave». Pourtant, selon le quotidien «Glas javnosti», le général Pavkovic avait reçu le soutien de l'état-major, convoqué dans la nuit. Isolé, le général et ancien proche de Slobodan Milosevic sera donc sans doute obligé d'obtempérer car si le premier ministre Zoran Djindjic a déclaré que la forme de la décision était «inconstitutionnelle» et «manquait de sérieux», il n'ira pas plus loin.
Il reste que l'affaire montre à quel point les rôles et prérogatives du Haut Conseil de la Défense, du président yougoslave et du responsable de la Sécurité militaire ne sont pas clairement définis, les interprétations de la Constitution étant variables même parmi les analystes. C'est précisément le contrôle civil de l'armée qui constitue une autre condition à remplir par la Yougoslavie pour entrer au Partenariat pour la paix. Et il n'est pas sûr que le président Kostunica soit prêt à renoncer au rôle de commandant suprême qu'il s'est assigné. Quant au remplaçant, le général Branko Krga, ce n'est pas forcément le meilleur choix en ce qui concerne l'OTAN. Officier du temps de la Fédération yougoslave de Tito, l'homme vient du Renseignement et est considéré comme appartenant à «l'école russe». Il était conseiller spécial de Slobodan Milosevic pendant les bombardements de l'OTAN en 1999. A moins que le Parlement ne se saisisse du dossier. Pour Dragoljub Micunovic, président du parlement fédéral, «il est temps que l'armée cesse de planer au-dessus du contrôle parlementaire».
par Milica Cubrilo
Article publié le 26/06/2002