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Congo démocratique

L’ONU accuse le RCD-Goma de massacre à Kisangani

Asma Jahangir, le rapporteur de l’ONU sur les exécutions arbitraires, en mission la semaine dernière en République démocratique du Congo, a estimé qu’au moins 150 personnes avaient été tuées en représailles à la mutinerie déclenchée pendant quelques heures le 14 mai dernier à Kisangani. Elle accuse les rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie, soutenus par le Rwanda (RCD-Goma), d’avoir commis «ces tueries». Une accusation violemment démentie par la rébellion qui l’a qualifiée de «fantaisiste».
La mission de Asma Jahangir en République démocratique du Congo a été décidée suite à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU réclamant une enquête sur les événements qui ont ensanglanté en mai dernier Kisangani, l’un des principaux centres de vente des diamants du pays et ville stratégique aux mains de la rébellion du RCD. Kisangani s’était en effet réveillée, à l’aube du 14 mai, avec une mutinerie d’une centaine de soldats affirmant appartenir à un mouvement baptisé RCD-originel. Les mutins, qui s’étaient emparés de la radio RTNC, appelaient la population à s’attaquer «aux Rwandais» en utilisant «toutes les armes à leur disposition». A peine un millier de personnes avaient toutefois suivi l’appel «à résister à l’influence rwandaise» et quelques heures seulement après la prise de la radio, la mutinerie était achevée. Six hommes, selon le rapporteur de la l’ONU, ont cependant été lynchés par la foule composée de «civils, de policiers et de soldats mutins».

Dès l’après-midi de ce 14 mai, les représailles commençaient. Le RCD-Goma a en effet dépêché des troupes pour réprimer la mutinerie. Elles se sont, selon un rapport préliminaire de la MONUC, la mission des Nations-Unies au Congo, publié le 23 mai dernier, livrées à des exécutions sommaires en différents points de la ville. La MONUC y décrit notamment des «atrocités» commises sur un pont enjambant la rivière Tshopo, qui borde la ville au nord et où ont pu être observés «des corps, dont certains mutilés, placés dans des sacs plastiques». Des cadavres, toujours selon ce rapport préliminaire, auraient été ensevelis dans une fosse commune près de l’aéroport. Le bilan de ces représailles avait, à l’époque, été estimé à une soixantaine de victimes

Asma Jahangar, qui s’est rendue en mission à Kisangani, Goma et Kinshasa du 16 au 21 juin, estime quant à elle que ce bilan est beaucoup plus important. «Je pense que le nombre de 150 morts et un chiffre minimum», a-t-elle souligné en affirmant que «ces tueries ont été commises par les autorités du RCD-Goma». Le rapporteur de l’ONU s’est par ailleurs déclaré «frappé par l’impunité qui règne sur place», alors que les exécutions sommaires dont elle a été informée et dont elle a eu la preuve paraissent aujourd’hui «clairement établies». La situation sur place est toujours, selon elle, «explosive».

«Des accusations fantaisistes», selon RCD-Goma

La rébellion du RCD-Goma n’a pas tardé à démentir les affirmations du rapporteur de l’ONU. Quelques heures après qu’Asma Jahangar eut estimé qu’au moins 150 personnes ont été exécutées par les rebelles, Azarias Ruberwa, le secrétaire général du RCD-Goma, a qualifié ce chiffre de «fantaisiste». «Nous avons organisé notre propre enquête avec d’éminents juristes professionnels qui ont, a-t-il affirmé, établi que 41 personnes avaient été tuées». Azarias Ruberwa met par ailleurs en doute la crédibilité du rapporteur de l’ONU qui, a-t-il souligné, n’a passé que 48 heures à Kisangani. «Comment peut-on mener une enquête indépendante et sérieuse sur des allégations aussi graves en deux jours ?», s’est-il interrogé.

Ce responsable du RCD a en outre appelé les Nations-Unies à «mener sur place, et pendant au moins deux semaines, une contre-enquête indépendante». Il accuse le pouvoir de Kinshasa d’être «le principal responsable de ces morts». «C’est le gouvernement qui était de connivence avec les mutins», a-t-il affirmé. «Si cette mutinerie n’avait pas eu lieu, il n’y aurait pas eu de morts», a-t-il conclu. Des sources proches de l’Eglise catholique et de la société civile ont, pour leur part, fait état de 200 morts dans la répressions de cette mutinerie pourtant avortée quelques heures après son déclenchement.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/06/2002