Rwanda
Plusieurs juridictions pour un génocide
Le Rwanda ouvre les pages les plus sombres de l'histoire. Alors que le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) continue ses travaux à Arusha en Tanzanie, en faisant comparaître «les gros poissons» impliqués dans le génocide de 1994, sur le sol rwandais, une juridiction spéciale inspirée de la tradition, «Gacacas», (prononcer Gatchatcha), s’installe pour juger les «les petits exécutants».
Le centre de détention du TPIR à Arusha compte dans ses murs un nouveau présumé inculpé dans le génocide de 1994. Félicien Kabuga a été arrêté par la police kenyane le 15 juin. Il est soupçonné d’être le principal soutien financier des organisateurs des massacres. On lui reproche également d’avoir mis à disposition la Radio et télévision des mille collines (RTML) à disposition de ceux qui appelaient à la haine et au massacre des Tutsis et Hutus modérés. Riche homme d’affaires, Félicien Kabuga aurait aussi apporté un soutien logistique aux milices dans leurs entreprises. Considéré comme une pièce essentielle dans le dispositif «anti-tutsi» un avis de recherche a été lancé contre lui, assorti d’une récompense de près de 5 millions de dollars, que payerait les Etats-Unis. Mais on se garde pour l’instant de tout triomphalisme dans les milieux politiques rwandais, avant que certaines vérifications d’usage ne soient effectuées, confirmant l’identité réelle du prisonnier.
En marge de cette prise, le TPIR juge actuellement Eliezer Niyitegeka, ancien ministre rwandais de l’Information, dont la responsabilité dans les événements est soulignée par le procureur du tribunal. Arrêté en 1999 au Kenya son procès ne débute que maintenant. Cette lenteur dans les travaux du TPIR sont déplorés aussi par le gouvernement de Kigali que par l’Association des rescapés du génocide (ASRG). Les uns parlent «d’échec du TPIR» et les autres dénoncent des pratiques et méthodes du TPIR qui «continuent d’aller contre les intérêts des rescapés». Sur la cinquantaine de suspects détenus à Arusha, neuf seulement ont été jugés depuis que la création du TPIR en 1994. Cinq condamnations à vie, trois à des peines de prison allant de 12 à 25 ans et un acquittement. Critiqué pour ses méthodes, le TPIR invoque «son obligation de recherche absolue de la vérité».
Tribunaux populaires
On s’attend par ailleurs que le conflit, désormais ouvert entre les associations de rescapés et le TPIR, perturbe le déroulement des procès à Arusha. Les associations n’entendent plus collaborer. Depuis le mois de janvier, elles n’envoient plus à Arusha les témoins à charge cités par le Tribunal. Le gouvernement rwandais participe également à cette fronde anti-TPIR réclamant même le transfert de ce tribunal à Kigali. Mais l’Onu qui a créé cet organe s’y oppose farouchement parce qu’elle craint des pressions du gouvernement rwandais qui ne favoriseraient pas le processus de réconciliation au Rwanda et le maintien de la paix dans la région qui a prévalu au moment de l’installation du TPIR.
Les Rwandais fondent aujourd’hui leur espoir dans d’autres juridictions inspirées des anciennes assemblées villageoises qui jugent les conflits locaux, les Gacacas. Le président Paul Kagame installe cette nouvelle juridiction placée sous l’autorité de la Cour suprême et espère que par leur système d’implication des populations favorisera «la réconciliation des Rwandais». Douze premiers Gacacas, un par province, serviront de modèles-tests avant l’installation des 11 000 prévus sur tout territoire. A ces tribunaux populaires siègeront près de 258 000 juges. Les détenus accusés d’avoir organisé ou planifié le génocide et qui encourent la peine de mort n’y seront pas jugés. Ils relèvent de la compétence des tribunaux nationaux ou du TPIR. Les Gacacas sont compétents pour juger toutes les personnes qui ont participé à des degrés divers au génocide de 1994. Elles sont au nombre de 104 000 et croupissent dans les 19 prisons que comptent le pays.
En relançant ces tribunaux populaires le gouvernement rwandais cherche à désengorger les prisons pour ne plus être montré du doigt par l’Observatoire international des prisons qui parlent des «conditions de détention très préoccupantes» au Rwanda. Les aveux et le repentir fondent l’esprit de ces tribunaux populaires qui pourront rendre la liberté aux accusés, tenus néanmoins à exécuter des travaux d’intérêts généraux. Malgré la satisfaction affichée par les autorités rwandaises les associations de rescapés du génocide, sont encore réticentes face fonctionnement des Gacacas, qui pourraient dans certaines régions compter une majorité de Hutus, commanditaires ou acteurs passifs du génocide des Tutsis.
En marge de cette prise, le TPIR juge actuellement Eliezer Niyitegeka, ancien ministre rwandais de l’Information, dont la responsabilité dans les événements est soulignée par le procureur du tribunal. Arrêté en 1999 au Kenya son procès ne débute que maintenant. Cette lenteur dans les travaux du TPIR sont déplorés aussi par le gouvernement de Kigali que par l’Association des rescapés du génocide (ASRG). Les uns parlent «d’échec du TPIR» et les autres dénoncent des pratiques et méthodes du TPIR qui «continuent d’aller contre les intérêts des rescapés». Sur la cinquantaine de suspects détenus à Arusha, neuf seulement ont été jugés depuis que la création du TPIR en 1994. Cinq condamnations à vie, trois à des peines de prison allant de 12 à 25 ans et un acquittement. Critiqué pour ses méthodes, le TPIR invoque «son obligation de recherche absolue de la vérité».
Tribunaux populaires
On s’attend par ailleurs que le conflit, désormais ouvert entre les associations de rescapés et le TPIR, perturbe le déroulement des procès à Arusha. Les associations n’entendent plus collaborer. Depuis le mois de janvier, elles n’envoient plus à Arusha les témoins à charge cités par le Tribunal. Le gouvernement rwandais participe également à cette fronde anti-TPIR réclamant même le transfert de ce tribunal à Kigali. Mais l’Onu qui a créé cet organe s’y oppose farouchement parce qu’elle craint des pressions du gouvernement rwandais qui ne favoriseraient pas le processus de réconciliation au Rwanda et le maintien de la paix dans la région qui a prévalu au moment de l’installation du TPIR.
Les Rwandais fondent aujourd’hui leur espoir dans d’autres juridictions inspirées des anciennes assemblées villageoises qui jugent les conflits locaux, les Gacacas. Le président Paul Kagame installe cette nouvelle juridiction placée sous l’autorité de la Cour suprême et espère que par leur système d’implication des populations favorisera «la réconciliation des Rwandais». Douze premiers Gacacas, un par province, serviront de modèles-tests avant l’installation des 11 000 prévus sur tout territoire. A ces tribunaux populaires siègeront près de 258 000 juges. Les détenus accusés d’avoir organisé ou planifié le génocide et qui encourent la peine de mort n’y seront pas jugés. Ils relèvent de la compétence des tribunaux nationaux ou du TPIR. Les Gacacas sont compétents pour juger toutes les personnes qui ont participé à des degrés divers au génocide de 1994. Elles sont au nombre de 104 000 et croupissent dans les 19 prisons que comptent le pays.
En relançant ces tribunaux populaires le gouvernement rwandais cherche à désengorger les prisons pour ne plus être montré du doigt par l’Observatoire international des prisons qui parlent des «conditions de détention très préoccupantes» au Rwanda. Les aveux et le repentir fondent l’esprit de ces tribunaux populaires qui pourront rendre la liberté aux accusés, tenus néanmoins à exécuter des travaux d’intérêts généraux. Malgré la satisfaction affichée par les autorités rwandaises les associations de rescapés du génocide, sont encore réticentes face fonctionnement des Gacacas, qui pourraient dans certaines régions compter une majorité de Hutus, commanditaires ou acteurs passifs du génocide des Tutsis.
par Didier Samson
Article publié le 18/06/2002