Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Droits de l''Homme

Est-ce la fin de la compétence universelle de la justice belge ?

Le président ivoirien et le Premier ministre israélien sont sortis vainqueurs de leur démêlée avec la justice belge. Du coup, c’est la marge de manœuvre (universelle) de Bruxelles en matière de crime de guerre qui se réduit.
«Pour que les poursuites puissent être intentées valablement à des crimes qui n’ont pas été commis en Belgique, il est nécessaire que les auteurs présumés soient trouvés sur le territoire du royaume». C’est la décision rendue ce mercredi par la cour d’appel de Bruxelles dans les plaintes contre Ariel Sharon, d’une part, et Laurent Gbagbo, d’autre part.

Les plaintes contre les deux hommes d’Etat n’ont été possibles que conformément à la loi belge de 1993, sur les crimes de guerre, contre l’humanité et de génocide. Cette loi de compétence universelle, modifiée en 1999, avait valu la renommée de la Belgique.

En juin 2001, quatre Rwandais, acteurs du génocide en 1994 dans leur pays, et qui s’étaient réfugiés en Belgique, avaient été jugés et condamnés par Bruxelles.

Depuis, c’est la porte ouverte à toutes les accusations. Vingt-trois Palestiniens rescapés de la tuerie de Sabra et Chatila ont porté plainte sur la base de ce texte contre M. Sharon, qui était à l’époque des faits ministre israélien de la Défense. Entre 800 et 2 000 personnes avaient été tuées en septembre 1982 par les milices chrétiennes libanaises dans les camps de Sabra et Chatila, près de Beyrouth, pendant l’offensive israélienne au Liban.

Le 28 juin 2001, une autre plainte pour crimes contre l'humanité à l'encontre du président ivoirien Laurent Gbagbo avait été déposée au parquet de Bruxelles. Elle concerne également les ministres de l'Intérieur et de la Défense, Emile Boga Doudou et Moïse Lida Kouassi, ainsi que le général Robert Gueï, ex-chef d'Etat. Cette plainte vise principalement l’affaire du charnier de Yopougon, à Abidjan, où 57 cadavres de citoyens originaires du Nord avaient été découverts le 27 octobre 2000.

Mercredi, la chambre de mises en accusation de la cour d’appel de Bruxelles a déclaré irrecevables toutes ces poursuites. Ces arrêts réduisent donc considérablement la portée de la loi belge qui ne pourra viser, à l'avenir, que les présumés auteurs qui se réfugient en Belgique.

Ce n’est pas encore gagné

Il est toutefois prématuré de parler de la fin de la compétence universelle en Belgique. Si Ariel Sharon et Laurent Gbagbo ont gagné cette bataille, tout comme, auparavant, Abdoulaye Yerodia, ex-ministre congolais, ils n'ont pas gagné la guerre. Car ces trois affaires se retrouveront devant la Cour de cassation.

De plus, la loi belge de compétence universelle va très prochainement faire l'objet de débats politiques visant à préciser sa portée.

Des lois interprétatives se préparent tant au Sénat qu'au gouvernement. Elles permettraient de continuer à poursuivre les accusés hors des frontières du Royaume. Même si quelques critères restrictifs à l'application de la compétence universelle sont prévues.

Il y a une volonté des Belges de préserver l'essentiel de la compétence universelle, en ménageant toutefois la diplomatie.



par Alain  Aka

Article publié le 27/06/2002