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Balkans

Le chantage des Etats-Unis

La naissance de la Cour pénale internationale provoque un séisme au sein des instances onusiennes à New York. Les Etats-Unis menacent de suspendre leur participation à la Mission des Nations unies en Bosnie-Herzégovine si certaines dispositions ne limitent pas les compétences de cette nouvelle juridiction, la CPI.
Soixante et onze pays membres de l’ONU ont ratifié le traité dit de Rome qui instaure la Cour pénale internationale. Au Conseil de sécurité de l’ONU, ces soixante et onze Etats ont porté sur les fronts baptismaux cet accord qui se traduit immédiatement par l’entrée en vigueur, le 1er juillet, de la Cour pénale internationale. Pour la communauté internationale elle marque la fin de l’impunité pour les auteurs des crimes contre l’humanité ou toute personne accusée de crimes de guerre ou de génocide. Sa compétence est universelle mais les Etats-Unis y ont perçu un danger pour les troupes engagées sous le drapeau de l’ONU, pour le maintien de la paix dans différentes parties du monde.

John Negroponte, le représentant des Etats-Unis aux Nations unies a alors demandé que soient soustraits à la compétence de la CPI, tous les soldats engagés dans des opérations de maintien de la paix. Il a estimé, non seulement, que ce geste contribuera à «sauvegarder la stabilité et la sécurité internationale» mais qu’il fallait «protéger les troupes participant aux opérations de maintien de la paix dont les pays ne sont pas membres signataires de l’accord» créant la CPI. Cette position marginale des Etats-Unis est énergiquement combattue par tous les membres du Conseil de sécurité qui n’acceptent pas de créer une juridiction spéciale pour les Etats-Unis alors que tout le monde œuvre pour les mêmes règles du jeu. L’immunité réclamée par les Etats-Unis constituerait un précédent aux conséquences «incontrôlables» laissent entendre les diplomates, qui ont tous fait bloc contre la volonté américaine.

«Le veto américain est incompréhensible»

Mais les Etats-Unis, membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, ont sorti une autre arme à leur disposition, le droit de veto, qui bloque le fonctionnement de l'institution. Justement, le mandat de la Mission des Nations unies pour la Bosnie-Herzégovine, MINUBH, arrive à expiration, et de l’avis de tous a besoin d’être prorogé. Du pain béni pour les Américains qui opposent leur veto à la prorogation de la MINUBH, qu’ils mettent en balance avec leurs revendications de compétences limitées de la CPI. Jean-David Levitte, le représentant permanent de la France aux Nations unies juge «le refus des Etats-Unis de laisser se poursuivre la MUNIBH difficilement compréhensible». «A aucun moment le fonctionnement du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie n’a gêné les Etats-Unis. Nous demandons aux Etats-Unis de respecter la volonté des Etats qui ont décidé d’en ratifier le texte» conclut-il.

Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU a profondément regretté toute fin prématurée du mandat de la MUNIBH qui serait «perçue dans les Balkans comme une diminution de l’engagement de la communauté internationale envers la stabilité de cette région. Le monde ne peut se permettre de voir le Conseil de sécurité si divisé sur une question aussi important, ce qui aurait des implications sur toutes les opérations de maintien de la paix de l’ONU». En effet, ce sont les douze opérations de maintien de la paix qui se trouvent aujourd’hui menacées. Les plus importantes sont celles de la Sierra Leone, de la République démocratique du Congo, du Kosovo, du Timor-Oriental ou encore de l’Erythrée/Ethiopie. La non participation des Etats-Unis implique aussi la suspension de son financement en faveur des différentes missions. Alors que la reconduction de toutes les missions ont été acceptées par l’Assemblée générale de l’ONU.

Plus de 2,6 milliards de dollars de crédit ont été alloués aux différentes opérations, pour une période allant du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003. Le veto des Etats-Unis bloquerait donc le bon fonctionnement de toute la machine de paix de l’ONU, c’est pourquoi tous les membres du Conseil de sécurité se donnent un délai de réflexion qui expire le mercredi 3 juillet.



par Didier  Samson

Article publié le 01/07/2002