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Mali

Des législatives pour redistribuer les cartes

Appelés aux urnes, les électeurs maliens doivent désigner la majorité parlementaire avec laquelle le nouveau président Amadou Toumani Touré va gouverner. Un scrutin sur fond de polémique autour de cartes d’électeur «baladeuses».
De notre correspondant à Bamako

«Où sont passés les milliers de cartes d’électeurs qui manquent au compteur ?». La question se pose à la veille du premier tour des législatives, lors duquel en principe 5 239 571 électeurs maliens voteront dans 11 114 bureaux de votes afin d’élire 147 députés. Dans cette campagne électorale monotone, pas de grands meetings, pas de grandes affiches électorales, l’affaire des cartes est devenue le sujet en vogue, pour «ambiancer» le scrutin.

Officiellement, le chiffre de 55 000 cartes traînant «dans la nature» dans le seul district de Bamako est avancé. Certains partis politiques parlent même de plus de 200 000 cartes volées ou disparues. Pour tirer cette affaire au clair, une commission dont la police et le ministère de l’Administration territoriale font notamment partie a été mise sur place. A en croire la presse malienne, certaines des cartes d’électeurs ont été purement et simplement vendues. Et le jour du vote, «elles devraient permettre de bourrer les urnes».

Pour faire face à la situation un dispositif «anti-fraude» a été mis sur pied par les trois structures (ministère de l’Administration territoriale, Commission électorale nationale indépendante (CENI) et Délégation générale aux élections) qui co-organisent les élections. «Les listes des cartes volées seront affichées devant tous les bureaux de vote afin d’empêcher tout usage frauduleux. Toute personne qui tentera de voter avec ces cartes sera remis aux forces de l’ordre» explique le très rigoureux président de la CENI, Moustapha Cissé.

Avec qui ATT gouvernera-t-il ?

Reste l’enjeu capital du scrutin. Elu il y a à peine deux mois, le président Amadou Toumani Touré n’a pas de parti politique. Il a toujours affirmé qu’il gouvernerait avec la majorité qui se dégagerait de la future Assemblée nationale.

Selon les analystes, aucun parti politique ne peut obtenir seul la majorité dans le futur hémicycle. Conscients de ce fait, les trois blocs qui monopolisent la vie politique malienne (ACC, la Convergence pour l’alternance et le changement, bloc des partisans de «ATT», Espoir 2OO2, et l’Alliance pour la République et la démocratie pilotée par l’Adéma, l’ancien parti au pouvoir) jouent à fond la carte des alliances.

Ainsi, le Parti progressiste soudanais (PSP) est membre de ACC. Pour les législatives, elle a établi des listes communes dans certaines circonscriptions avec Espoir 2002, ailleurs, avec l’ARD, pourtant opposée aux partis composant Espoir 2002. «L’expérience est inédite. Nous allons vers une recomposition totale de la classe politique malienne. Par ce jeu d’alliances tous azimuts où des partis ennemis sont aujourd’hui des alliés, c’est une nouvelle carte politique qui se dessine au Mali», explique Oumar Dicko, n°1 du Parti progressiste soudanais,(PSP). Cette analyse n’est pas du tout du goût de Oumar Mariko, candidat malheureux à la dernière présidentielle qui tente à nouveau sa chance pour les législatives. «Nous assistons tout simplement à la politique-business. Les gens font tout pour rentrer dans des alliances contre nature pour une seule chose: goûter au pouvoir».

Parmi le millier de candidats on note également la présence d’autres anciens candidats à la présidentielle: Ibrahim Boubacar Kéita, Maribatrou Diaby, Mamadou Gakou, Moussa Balla Coulibaly. Une centaine de femmes, et à peu près le même nombre de candidats indépendants sont en course afin de «faire de la politique autrement». Dans la plupart des cas, les candidats en lice citent abondamment le nom du général ATT auprès des électeurs en espérant obtenir leur suffrage. Ce qui agace ses partisans qui dans un communiqué dénoncent déjà les opportunistes.

Premières législatives pluralistes depuis huit ans, (celles de 1997 avaient été boycottées par l’opposition malienne), le scrutin du dimanche laisse déjà aux analystes un goût d’inachevé. «Avec ce système de méli-mélo que sont les alliances parfois contre nature, on ne saura pas exactement ce que pèse réellement chaque parti politique» estime un diplomate en poste à Bamako.



par Serge  Daniel

Article publié le 13/07/2002