Attentats
Reconstruction du World Trade Center: des projets contestés
Les autorités new-yorkaises ont présenté six projets, jugés ternes, pour remplacer le World Trade Center. Tous combinent des immeubles de bureaux et un mémorial. Les New-yorkais ont été déçus par ces maquettes qui font la part belle aux entreprises et aux commerces sans vraiment prendre en compte l'aspect historique et émotionnel du site.
De notre correspondant à New York
Les développeurs du sud de Manhattan n'ont pas saisi la portée des enjeux. Les six propositions qu'ils ont présenté pour remplacer les tours détruites du World Trade Center ont fait l'unanimité contre elles. De l'avis général, aucun des projets ne sort du lot. Tous combinent de quatre à six immeubles d'une soixantaine d'étages, qui s'articulent sans originalité autour d'un espace plus ou moins important, destiné à accueillir un mémorial qui fera lui-même, plus tard, l'objet d'un concours international.
Les projets -intitulés Memorial Plaza, Memorial Square, Memorial Triangle, Memorial Garden, Memorial Park et Memorial Promenade- sont ternes, d'apparence banale et surtout sans portée symbolique. Les immeubles proposés sont d'une allure monotone et inélégante. Tout juste les projets rendent-ils hommage aux tours détruites en reprenant certains des éléments de leur silhouette si caractéristique.
Les premières réactions du public et de la presse ont été plus que mitigées. Dans un éditorial titré «Le centre-ville que nous ne voulons pas», le New York Times dénonce des projets «lourds et monotones» et estime que «rien de mémorable ne pourra être réalisé dans le sud de Manhattan si l'autorité portuaire continue à revendiquer chaque centimètre carré de l'espace commercial qu'elle contrôlait avant le 11 septembre». Car la faute ne revient pas uniquement aux architectes et aux urbanistes.
La Port Authority de New York (l'administration propriétaire des lieux) les a confrontés à une mission impossible en exigeant que les nouveaux projets comportent autant d'espaces de bureaux et de commerces que le défunt World Trade Center. Or chacune des tours jumelles comportait 110 étages. Comme il a été convenu, pour des raisons psychologiques, de ne pas reconstruire aussi haut, les designers du site n'ont eu d'autre choix que de répartir ces espaces (un million de mètres carrés) sur un plus grand nombre d'immeubles, d'une hauteur de 40 à 80 étages chacun. Cette contrainte donne l'impression que les immeubles sont collés les uns aux autres, dans un espace décidément trop étroit.
Les New-yorkais invités à donner leur avis
La question du mémorial est également controversée. Dans le projet des autorités de la ville, il occupe entre un quart et la moitié de l'espace total. Mais tous les plans, contrairement au voeu des familles des victimes, ne préservent pas les empreintes au sol des tours jumelles. «Les empreintes au sol ne sont pas négociables», a expliqué Monica Iken, dont le mari a péri dans la chute des tours. «C'est un endroit sacré». Pour les habitants de New York, Ground zero est devenu un site chargé d'émotion et de mémoire. C'est aussi devenu le symbole d'un nouvel ordre mondial. Or, aucun des projets n'engage une réflexion sur ces thèmes - peut-être parce que les artistes, les intellectuels ou les historiens ont été soigneusement écartés de la réflexion, au profit des investisseurs.
Dans le monde de l'architecture, les projets n'ont pas non plus soulevé l'enthousiasme. Ils sont brocardés pour leur manque d'audace et sont perçus comme proposant une version étriquée, essentiellement fonctionnelle d'un lieu désormais habité par la mémoire des quelque 3000 victimes de la catastrophe. «Les six plans ne sont pas des projets définitifs» s'est défendu John Whitehead, président de la Lower Manhattan Development Corporation (LMDC), l'agence chargée de superviser la reconstruction du site. «Chacun représente un ensemble d'idées qui peuvent être mélangées ou assorties et reconstituées, en fonction de l'apport du public. J'encourage vivement chacun à utiliser ces plans pour réfléchir à ce qui devrait être reconstruit et à partager vos idées» a également expliqué le maire de New York, Michael Bloomberg.
Les New-yorkais sont invités à commenter et à critiquer le projet, notamment en se rendant sur le site www.renewnyc.com ou en participant à l'une des grandes réunions publiques qui devraient rassembler des milliers de personnes dans les prochaines semaines.
Un rapide tour d'horizon sur un forum de discussion sur le sujet révèle la variété des opinions, souvent inconciliables. Réagissant à l'aspect «sacré» du site, M. Barnwell défend le côté fonctionnel du projet. «La plupart des villes européennes ont été rasées pendant la seconde guerre mondiale. Des millions de civils innocents ont été massacrés en Europe. Ont-ils abandonné leurs villes en les déclarant "terres sacrées" ? Non. Nous devons aussi continuer à vivre notre vie» écrit-il. Pour M. Young, «il est incroyable que la Lower Manhattan Development Corporation ait pu proposer des projets aussi affreux pour cet espace. Chacune des propositions consiste dans des tours lourdes, horribles et maladroites qui ne s'harmonisent ni entre elles, ni avec les immeubles alentours.» Jim MC affirme pour sa part qu'il aurait préféré que «le World Trade Center soit reconstruit plus ou moins à l'identique -et même plus grand peut-être, pour que les tours soient les plus élevées du monde moderne. Je ne peux pas tolérer l'idée que des meurtriers de masse puissent transformer de manière permanente n'importe quelle ville américaine» ajoute-t-il. La décision finale ne sera pas prise avant le mois de décembre.
Lien utile:
www.renewnyc.com
Les développeurs du sud de Manhattan n'ont pas saisi la portée des enjeux. Les six propositions qu'ils ont présenté pour remplacer les tours détruites du World Trade Center ont fait l'unanimité contre elles. De l'avis général, aucun des projets ne sort du lot. Tous combinent de quatre à six immeubles d'une soixantaine d'étages, qui s'articulent sans originalité autour d'un espace plus ou moins important, destiné à accueillir un mémorial qui fera lui-même, plus tard, l'objet d'un concours international.
Les projets -intitulés Memorial Plaza, Memorial Square, Memorial Triangle, Memorial Garden, Memorial Park et Memorial Promenade- sont ternes, d'apparence banale et surtout sans portée symbolique. Les immeubles proposés sont d'une allure monotone et inélégante. Tout juste les projets rendent-ils hommage aux tours détruites en reprenant certains des éléments de leur silhouette si caractéristique.
Les premières réactions du public et de la presse ont été plus que mitigées. Dans un éditorial titré «Le centre-ville que nous ne voulons pas», le New York Times dénonce des projets «lourds et monotones» et estime que «rien de mémorable ne pourra être réalisé dans le sud de Manhattan si l'autorité portuaire continue à revendiquer chaque centimètre carré de l'espace commercial qu'elle contrôlait avant le 11 septembre». Car la faute ne revient pas uniquement aux architectes et aux urbanistes.
La Port Authority de New York (l'administration propriétaire des lieux) les a confrontés à une mission impossible en exigeant que les nouveaux projets comportent autant d'espaces de bureaux et de commerces que le défunt World Trade Center. Or chacune des tours jumelles comportait 110 étages. Comme il a été convenu, pour des raisons psychologiques, de ne pas reconstruire aussi haut, les designers du site n'ont eu d'autre choix que de répartir ces espaces (un million de mètres carrés) sur un plus grand nombre d'immeubles, d'une hauteur de 40 à 80 étages chacun. Cette contrainte donne l'impression que les immeubles sont collés les uns aux autres, dans un espace décidément trop étroit.
Les New-yorkais invités à donner leur avis
La question du mémorial est également controversée. Dans le projet des autorités de la ville, il occupe entre un quart et la moitié de l'espace total. Mais tous les plans, contrairement au voeu des familles des victimes, ne préservent pas les empreintes au sol des tours jumelles. «Les empreintes au sol ne sont pas négociables», a expliqué Monica Iken, dont le mari a péri dans la chute des tours. «C'est un endroit sacré». Pour les habitants de New York, Ground zero est devenu un site chargé d'émotion et de mémoire. C'est aussi devenu le symbole d'un nouvel ordre mondial. Or, aucun des projets n'engage une réflexion sur ces thèmes - peut-être parce que les artistes, les intellectuels ou les historiens ont été soigneusement écartés de la réflexion, au profit des investisseurs.
Dans le monde de l'architecture, les projets n'ont pas non plus soulevé l'enthousiasme. Ils sont brocardés pour leur manque d'audace et sont perçus comme proposant une version étriquée, essentiellement fonctionnelle d'un lieu désormais habité par la mémoire des quelque 3000 victimes de la catastrophe. «Les six plans ne sont pas des projets définitifs» s'est défendu John Whitehead, président de la Lower Manhattan Development Corporation (LMDC), l'agence chargée de superviser la reconstruction du site. «Chacun représente un ensemble d'idées qui peuvent être mélangées ou assorties et reconstituées, en fonction de l'apport du public. J'encourage vivement chacun à utiliser ces plans pour réfléchir à ce qui devrait être reconstruit et à partager vos idées» a également expliqué le maire de New York, Michael Bloomberg.
Les New-yorkais sont invités à commenter et à critiquer le projet, notamment en se rendant sur le site www.renewnyc.com ou en participant à l'une des grandes réunions publiques qui devraient rassembler des milliers de personnes dans les prochaines semaines.
Un rapide tour d'horizon sur un forum de discussion sur le sujet révèle la variété des opinions, souvent inconciliables. Réagissant à l'aspect «sacré» du site, M. Barnwell défend le côté fonctionnel du projet. «La plupart des villes européennes ont été rasées pendant la seconde guerre mondiale. Des millions de civils innocents ont été massacrés en Europe. Ont-ils abandonné leurs villes en les déclarant "terres sacrées" ? Non. Nous devons aussi continuer à vivre notre vie» écrit-il. Pour M. Young, «il est incroyable que la Lower Manhattan Development Corporation ait pu proposer des projets aussi affreux pour cet espace. Chacune des propositions consiste dans des tours lourdes, horribles et maladroites qui ne s'harmonisent ni entre elles, ni avec les immeubles alentours.» Jim MC affirme pour sa part qu'il aurait préféré que «le World Trade Center soit reconstruit plus ou moins à l'identique -et même plus grand peut-être, pour que les tours soient les plus élevées du monde moderne. Je ne peux pas tolérer l'idée que des meurtriers de masse puissent transformer de manière permanente n'importe quelle ville américaine» ajoute-t-il. La décision finale ne sera pas prise avant le mois de décembre.
Lien utile:
www.renewnyc.com
Article publié le 18/07/2002