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France

Justice plus sévère pour les mineurs

Le projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice que Dominique Perben a présenté, ce mercredi, au conseil des ministres, a d'ores et déjà provoqué de nombreuses réactions. Il vient compléter le dispositif de lutte contre l'insécurité annoncé il y a quelques jours par le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, et prône la mise en place d'un certain nombre de mesures répressives notamment vis-à-vis des mineurs.
Le président Chirac s'était engagé durant la campagne électorale à mettre en œuvre des moyens pour juguler la montée de la criminalité, un thème dont se préoccupent particulièrement les Français. Avec le projet de loi sur la justice, Dominique Perben présente donc, ce mercredi, le deuxième volet du plan de lutte contre l’insécurité. La loi prévoit un budget de 3,65 milliards d’euros répartis sur cinq années (2003-2007) qui serviront notamment à permettre la création de 10 000 postes supplémentaires: 4450 dans les juridictions, 3740 dans l’administration pénitentiaire, 1250 pour la protection judiciaire de la jeunesse.

A cette mobilisation financière plus importante que prévu, s’ajoutent un certain nombre de mesures qui reviennent sur la loi sur la présomption d’innocence adoptée en 2000 et l’ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants. Pour le gouvernement, il s’agit avant tout de faire disparaître le sentiment d’impunité dont jouissent certains malfrats, notamment les plus jeunes, et de mettre en œuvre des moyens pour appliquer plus rapidement des sanctions «adaptées» à la nature des délits. Le ministre s’est appuyé pour justifier sa démarche sur l’inquiétude manifestée par les Français face au phénomène de l'insécurité –notamment lors des dernières élections présidentielles-, mais aussi sur les chiffres concernant la délinquance qui ont mis en évidence une montée de la criminalité chez les mineurs. Entre 1997 et 2001, le nombre de jeunes impliqués dans des actes de délinquance a augmenté de 15%. Et ces derniers participent de plus en plus tôt à des infractions graves.

Pour arrêter la progression de ce phénomène, le projet de loi sur la justice propose la création de «centres éducatifs fermés» destinés à accueillir les mineurs dès l'âge de 13 ans. Avant ou après leur condamnation, les jeunes délinquants, surtout récidivistes, seraient placés dans ces centres pour être soumis à un «suivi éducatif et pédagogique renforcé». La mise en place de ce système a pour but d’éviter les fugues en faisant peser la menace de l'incarcération en cas de non respect des règles. Parallèlement, les possibilités de détention provisoire sont donc élargies aux jeunes de 13 à 16 ans, réfractaires aux obligations du contrôle judiciaire, pour une durée de quinze jours renouvelable une fois. Le ministre de la Justice prône aussi l’élaboration d’une procédure de jugement rapide et la mise en place pour les enfants entre 10 et 13 ans, de «sanctions éducatives» adaptées aux actes commis par le jeune délinquant (confiscation d’un bien, interdiction de paraître dans un lieu…). Il est encore prévu de créer des prisons réservées aux mineurs pour éviter, comme cela est le cas actuellement, que des enfants soient en contact avec des adultes dans l’univers carcéral.

«L’emprisonnement des mineurs est lui-même criminogène»

Ces mesures ont fait bondir de nombreuses associations (Ligue des droits de l’homme, syndicat de la magistrature, des avocats…) qui y ont vu le signe d’une tendance dangereuse à vouloir augmenter «l’incarcération des mineurs». Pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNDH), qui s’interroge sur la réelle différence entre «centres fermés» et lieu de détention, «l’emprisonnement des mineurs est lui-même criminogène». La principale critique faite au projet de loi est donc de choisir la répression au détriment «des réponses éducatives», les seules, selon les associations qui avancent comme argument le très fort taux de récidive après détention chez les mineurs (80%), à être efficaces auprès des jeunes.

Le volet consacré à la délinquance des mineurs n’est pas le seul à avoir provoqué de vives réactions. L’instauration des «juges de proximité» a aussi été l’objet de nombreuses interrogations. La CNDH s’est ainsi inquiétée de voir confiées à ce nouveau corps de magistrats «des compétences pénales». Le projet de loi prévoit, en effet, de recruter 3300 juges à temps partiel, dotés d’une expérience juridique (diplôme de droit ou expérience professionnelle) pour régler les litiges ne dépassant pas 1500 euros et les petites infractions. Un moyen de désengorger la justice qui n’arrive pas à traiter tous les dossiers. Les décisions de ces juges auront force exécutoire et s’appliqueront aussi aux mineurs qui ne feront donc plus l’objet d’un traitement spécifique. Les juges de proximité ne pourront toutefois pas prononcer de peines d’emprisonnement.

Un certain nombre de réformes de la procédure pénale sont proposées, dont certaines annulent les dispositions de la loi sur la présomption d’innocence. La comparution immédiate est élargie aux délits qui encourent jusqu’à 10 ans de prison. Un «référé-détention» permet à la cour d’appel d’examiner en urgence le refus d’un juge de placer un délinquant en détention. La procédure du témoin anonyme est mise en place pour lutter contre les pressions et menaces qui empêchent certaines personnes de témoigner par peur des représailles.

Dans le domaine de la détention et de l’exécution des peines, le projet de loi prévoit de regrouper les détenus en fonction de leur «degré de dangerosité», d’augmenter le nombre de places dans les prisons, d’incarcérer les malades mentaux dans des unités spécialisées. L’utilisation du «bracelet électronique», jusqu’ici réservée à la surveillance de certains condamnés qui exécutent leur peine hors des prisons, pourrait être encore élargie aux personnes sous contrôle judiciaire. Le gouvernement a enfin voulu mieux prendre en compte les droits des victimes dans le fonctionnement de la justice. Il a donc proposé d’octroyer gratuitement l’aide d’un avocat aux victimes des crimes les plus graves et de mettre en place deux nouvelles procédures judiciaires pour engager plus facilement des recherches en cas de disparitions suspectes.

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par Valérie  Gas

Article publié le 17/07/2002