Afrique du Sud
Assassinat de Dulcie September: affaire classée
L’enquête sur l’assassinat de Dulcie September, la représentante du Congrès national africain (ANC), est désormais un dossier classé par la justice française, faute d’éléments nouveaux, comme l’a révélé l’avocat de la famille et de l’ANC, Nicole Dreyfus.
Dulcie September a été assassinée le 29 mars 1988, sur le palier de son bureau, rue des Petites-écuries à Paris, de plusieurs balles dans la tête tirées par un individu qui a réussi à prendre la fuite. Elle avait 42 ans et était exilée depuis une dizaine d’années en France. Quatre années d’enquête n’ont pas fait avancer l’instruction. Le juge en charge du dossier a ordonné un non lieu le 17 juillet 1992. Selon l’avocate, ni la famille de Dulcie September, ni l’ANC ne lui ont demandé d’intervenir pour la réouverture de l’enquête. Jacqueline Dérens, amie proche de Dulcie September, militante anti-apartheid et présidente de l’association «Rencontres nationales avec le peuple sud-africain», dit sa déception et ses interrogations qui restent toujours sans réponse.
RFI : Quel est votre sentiment aujourd’hui face au traitement apporté à l’affaire Dulcie September ?
Jacqueline Dérens : J’ai un sentiment d’injustice parce qu’il y a eu crime, et que ceux qui l’ont commandité et ceux qui l’ont exécuté s’en sortent très bien. Ils ne sont pas poursuivis. Et puis ce qui est assez scandaleux, c’est qu’en fait, à la «Commission vérité et réconciliation», on le savait, on a même désigné notamment l’exécuteur du crime, un certain Jean-Paul Guerrier, un mercenaire de Bob Denard, mais personne n’a poursuivi ce monsieur. Il doit être bien tranquille quelque part dans le monde.
RFI : Vous avez donc l’impression qu’on n’a pas tout fait pour résoudre cette affaire ?
J D : Non ! Non ! On n’a pas tout fait pour des raisons qui sont probablement classées «secrets d’Etat», j’imagine. Pour les raisons de relations entre les deux Etats, on n’a pas voulu ressortir des choses désagréables. Le gouvernement français est particulièrement responsable de cette affaire. Il a tout fait pour étouffer l’affaire, pour que rien ne soit dévoilé.
RFI : Ce sont là des accusations graves que vous portez !
J D : Jamais personne n’a pu prouver quoi que ce soit. Pour nous, lorsque Dulcie a été assassinée, on s’est dit, sur le coup, que ça faisait partie de la stratégie du gouvernement sud-africain de l’époque qui avait décidé de supprimer les ennemis du régime partout où ils se trouvaient. On l’a mis, nous, sur ce compte là, en disant qu’elle était la représentante de l’ANC, donc l’ennemie du gouvernement de l’époque en Afrique du Sud, donc il l’a fait tuer. Et puis finalement on a un sentiment inconfortable. On n’arrive pas à savoir vraiment pourquoi elle a été tuée. Moi, je pense que c’est pour des raisons politiques et pour ne pas gâcher les relations diplomatiques entre les deux pays, on préfère se taire. J’en suis fermement convaincue maintenant. Il y a probablement quelque chose que l’on veut cacher.
Dulcie September se sentait menacée
RFI : Dulcie September se sentait menacée et avait demandé une protection, mais sa demande est restée sans réponse.
J D : Absolument. Elle nous avait fait part de ses inquiétudes. On avait fait les démarches pour qu’elle soit protégée et on nous avait répondu: «il n’en est pas question». Elle n’a donc pas eu cette protection. On avait entrepris les démarches auprès du ministre de l’Intérieur qui était, à l’époque, Charles Pasqua. Mais rien n’a été fait.
RFI : Pendant l’instruction de cette affaire avez-vous été entendue ?
J D : Moi, la police ne m’a jamais posé de question, elle ne m’a jamais invitée, et je ne suis pas allée au devant d’elle. Ensuite les choses suivaient leur cours, avec un avocat nommé par l’ANC. Nous avions naturellement pensé que l’enquête allait aboutir. Mais très vite, elle s’est enlisée au point que maintenant tout le monde veuille fermer ce livre. Je pense aussi que cela fait partie, côté Afrique du Sud, de l’esprit «Commission vérité et réconciliation», à savoir «on tourne la page et on passe à une nouvelle étape de l’histoire sud-africaine». Ce qui se conçoit très bien, mais le problème c’est qu’il y a des crimes qui restent impunis.
RFI : Qu’avez-vous pensé de l’ordonnance de non-lieu prise par le juge en charge du dossier, en 1992 ?
J D : C’est à ce moment là que nous avons vraiment eu l’impression que cette ordonnance signifiait que nous étions face à une affaire politique et que pour les bonnes relations entre les deux pays il valait mieux clore le dossier. Pour nous, toute cette affaire est une frustration énorme, parce qu’on ne saura jamais la vérité, sinon peut-être la mort de tous ses amis. Je pense que tout cela est du ressort du secret d’Etat. A moins d’un renversement complet, je ne pense pas que justice sera faite un jour.
RFI : Quel est votre sentiment aujourd’hui face au traitement apporté à l’affaire Dulcie September ?
Jacqueline Dérens : J’ai un sentiment d’injustice parce qu’il y a eu crime, et que ceux qui l’ont commandité et ceux qui l’ont exécuté s’en sortent très bien. Ils ne sont pas poursuivis. Et puis ce qui est assez scandaleux, c’est qu’en fait, à la «Commission vérité et réconciliation», on le savait, on a même désigné notamment l’exécuteur du crime, un certain Jean-Paul Guerrier, un mercenaire de Bob Denard, mais personne n’a poursuivi ce monsieur. Il doit être bien tranquille quelque part dans le monde.
RFI : Vous avez donc l’impression qu’on n’a pas tout fait pour résoudre cette affaire ?
J D : Non ! Non ! On n’a pas tout fait pour des raisons qui sont probablement classées «secrets d’Etat», j’imagine. Pour les raisons de relations entre les deux Etats, on n’a pas voulu ressortir des choses désagréables. Le gouvernement français est particulièrement responsable de cette affaire. Il a tout fait pour étouffer l’affaire, pour que rien ne soit dévoilé.
RFI : Ce sont là des accusations graves que vous portez !
J D : Jamais personne n’a pu prouver quoi que ce soit. Pour nous, lorsque Dulcie a été assassinée, on s’est dit, sur le coup, que ça faisait partie de la stratégie du gouvernement sud-africain de l’époque qui avait décidé de supprimer les ennemis du régime partout où ils se trouvaient. On l’a mis, nous, sur ce compte là, en disant qu’elle était la représentante de l’ANC, donc l’ennemie du gouvernement de l’époque en Afrique du Sud, donc il l’a fait tuer. Et puis finalement on a un sentiment inconfortable. On n’arrive pas à savoir vraiment pourquoi elle a été tuée. Moi, je pense que c’est pour des raisons politiques et pour ne pas gâcher les relations diplomatiques entre les deux pays, on préfère se taire. J’en suis fermement convaincue maintenant. Il y a probablement quelque chose que l’on veut cacher.
Dulcie September se sentait menacée
RFI : Dulcie September se sentait menacée et avait demandé une protection, mais sa demande est restée sans réponse.
J D : Absolument. Elle nous avait fait part de ses inquiétudes. On avait fait les démarches pour qu’elle soit protégée et on nous avait répondu: «il n’en est pas question». Elle n’a donc pas eu cette protection. On avait entrepris les démarches auprès du ministre de l’Intérieur qui était, à l’époque, Charles Pasqua. Mais rien n’a été fait.
RFI : Pendant l’instruction de cette affaire avez-vous été entendue ?
J D : Moi, la police ne m’a jamais posé de question, elle ne m’a jamais invitée, et je ne suis pas allée au devant d’elle. Ensuite les choses suivaient leur cours, avec un avocat nommé par l’ANC. Nous avions naturellement pensé que l’enquête allait aboutir. Mais très vite, elle s’est enlisée au point que maintenant tout le monde veuille fermer ce livre. Je pense aussi que cela fait partie, côté Afrique du Sud, de l’esprit «Commission vérité et réconciliation», à savoir «on tourne la page et on passe à une nouvelle étape de l’histoire sud-africaine». Ce qui se conçoit très bien, mais le problème c’est qu’il y a des crimes qui restent impunis.
RFI : Qu’avez-vous pensé de l’ordonnance de non-lieu prise par le juge en charge du dossier, en 1992 ?
J D : C’est à ce moment là que nous avons vraiment eu l’impression que cette ordonnance signifiait que nous étions face à une affaire politique et que pour les bonnes relations entre les deux pays il valait mieux clore le dossier. Pour nous, toute cette affaire est une frustration énorme, parce qu’on ne saura jamais la vérité, sinon peut-être la mort de tous ses amis. Je pense que tout cela est du ressort du secret d’Etat. A moins d’un renversement complet, je ne pense pas que justice sera faite un jour.
par Propos recueillis par Elodie Ratsimbazafy
Article publié le 19/07/2002