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Russie

L’encerclement programmé de Kaliningrad

Alors que Moscou continue de s’opposer catégoriquement à l’instauration d’un régime de visas pour les habitants de Kaliningrad, les discussions entamées ce mercredi à Bruxelles n’ont pas permis de déboucher sur des propositions nouvelles. A partir de l’été prochain, la Pologne et la Lituanie qui feront partie de l’espace de Schengen en 2004, ne seront plus en libre accès pour les Russes. Ces derniers sont pourtant 9 millions chaque année à traverser dans les deux sens les deux pays qui bordent l’enclave de Kaliningrad.
Le président français avait ouvert une brèche la semaine dernière sur les bords de la mer noire, celle-ci s’est très vite refermée à Bruxelles. «Je considère que le système de visas imposé à des Russes pour aller d’un endroit , chez eux, à un autre endroit, chez eux, n’est pas acceptable», avait lâché Jacques Chirac à un Vladimir Poutine, visiblement très heureux d’entendre de tels propos. Au nom de la lutte contre l’immigration clandestine et le terrorisme, l’Union européenne vient pourtant de répéter qu’elle ne transigera pas sur le principe du visa Schengen. Il sera obligatoirement demandé aux Russes qui souhaitent circuler entre Kaliningrad et le reste de la fédération, même si cette règle porte atteinte à la souveraineté de la Russie. Bruxelles propose toutefois d’assouplir le système et promet que les visas seront faciles à obtenir, peu onéreux, voire gratuits. Les discussions sur ce point se poursuivront à l’automne afin de trouver un accord définitif d’ici la fin du mois d’octobre.

Mais pour les Russes qui avaient déjà mal vécu l’arrivée prochaine dans l’Union de la Pologne et de la Lituanie, deux anciens pays du bloc de l’Est, la contrainte imposée par Bruxelles est particulièrement difficile à accepter. D’ailleurs, une fois n’est pas coutume, c’est l’ensemble de la classe politique qui est unanimement opposée à l’instauration, d’ici juillet prochain, du régime des visas. Igor Ivanov, le ministre des affaires étrangères, évoque les «barrières artificielles qui entraveraient la coopération» entre la Russie et l’Europe. Le député Igor Artemiev, du parti d’opposition libérale Yabloko, regrette un «esprit de guerre froide». Quant à Dmitri Rogozine, le président de la commission des affaires étrangères de la Douma, chargé par Vladimir Poutine de gérer le dossier de Kaliningrad, il ne cesse d’affirmer que «la liberté de transit doit être assurée» et qu’il n’est «pas question de céder» sur ce point.

Un petit bout de Russie isolé dans la grande Europe

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et la victoire de l’Armée Rouge contre l’Allemagne nazie, Kaliningrad, l’ancienne Koenigsberg, capitale de la Prusse orientale, appartient à la Russie. Ville fermée aux étrangers jusqu’à 1991 en raison de sa position stratégique et militaire, elle faisait alors partie intégrante de l’URSS et avait pour voisins deux pays satellites. Mais avec la disparition de l’Union soviétique, Kaliningrad a été brutalement séparée de la «grande terre», c’est à dire du reste de la fédération de Russie. Avec l’entrée prochaine de la Pologne et de la Lituanie dans l’Union européenne, cet isolement sera encore plus fort.

C’est pourtant grâce aux échanges et aux contacts avec les pays voisins que les habitants de Kaliningrad parviennent à survivre aujourd’hui. Ils sont un million à peupler cette enclave située au bord de la mer Baltique, des Russes en grande majorité qui aujourd’hui traversent sans difficulté les frontières pour commercer avec la Lituanie et la Pologne. 9 millions de passages sont enregistrés chaque année, mais l’apparition des visas risque de briser ce fragile équilibre et de rendre les conditions de vie encore plus difficiles. Aujourd’hui, le niveau de vie dans l’enclave est cing fois moins élevé qu’en Pologne, la pollution ravage toute la région et Kaliningrad est considérée comme une plaque tournante du crime organisé.

Dans ce contexte, l’Europe et la Russie vont devoir trouver des réponses concrêtes afin de résoudre les futurs problèmes de transports, d’échanges commerciaux ou de contrôles aux frontières. Pour que Kaliningrad ne devienne pas un «trou noir» perdu dans la grande Europe, relié à la «mère patrie» par des corridors terrestres et ferroviaires, comme le préconise le président russe Vladimir Poutine.



par Caroline  Olive

Article publié le 24/07/2002