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France

Le gouvernement invente les «juges de proximité»

Alors que le projet de loi de programmation et d'orientation sur la justice doit passer en fin de semaine devant le Sénat, Dominique Perben a présenté mercredi au conseil des ministres un projet de loi organique destiné à définir le statut d'une nouvelle catégorie de magistrats, les juges de proximité. Cette proposition ne fait pas l’unanimité. Les dispositions prévues en terme de formation et de compétences de ces juges font grincer des dents.
Les tribunaux sont engorgés, les magistrats surmenés, les victimes et les plaignants souvent mécontents de constater que le système fonctionne mal. En proposant la création d’un corps de magistrats à temps partiel, les juges de proximité, Dominique Perben a un objectif principal : réconcilier la «France d’en bas», dont le mécontentement a été l’un des principaux thèmes de la campagne pour les élections présidentielles, avec l’institution judiciaire, garante de l’efficacité de la lutte contre l’insécurité.

Il reviendrait, en effet, à ces nouveaux magistrats de régler un certain nombre de litiges et délits qui relèvent aujourd’hui du tribunal d’instance ou des tribunaux de police, et sont négligés faute de moyens. Ces juges devraient, en effet, avoir une double compétence. Au civil, ils pourraient régler les affaires portant sur des montants inférieurs à 1500 euros et au pénal, les infractions les moins graves dont la liste sera fixée par décret (vols, outrages, destruction de biens…). S’ils n’ont pas la possibilité de condamner à des peines de prison, même avec sursis, ils peuvent, par contre, prononcer des interdictions d’exercer certaines professions, des suspensions de permis de conduire ou des amendes dont le montant peut aller jusqu’à 45 000 euros. Le gouvernement a aussi précisé que la compétence des juges de proximité ne supplanterait pas celle des juges pour enfants, comme cela avait été évoqué un moment au grand dam des associations.

Pour postuler à cette nouvelle fonction, un certain nombre de conditions sont requises. Il est nécessaire soit d’être un ancien magistrat, soit d’avoir plus de trente ans, de disposer d’une formation juridique d’au moins quatre ans et d’une expérience professionnelle d’une durée équivalente. Les juges de proximité, qui ne doivent pas avoir plus de 75 ans, sont recrutés pour un mandat de sept ans non renouvelable et sont nommés par décret du président de la République. Magistrats à temps partiel, ils devraient exercer environ un jour par quinzaine dans des juridictions spécialisées et être rémunérés sous forme d’indemnités pour leurs vacations. Mais ils seront tout de même «de vrais juges» qui prêteront le même serment que les magistrats professionnels et seront soumis au même régime disciplinaire.

Des magistrats de seconde zone

Si le principe de mettre en place une justice plus proche des citoyens n’a pas été en lui-même l’objet de critiques, les conditions de mise en œuvre de cette disposition du projet de loi présenté par Dominique Perben n’ont, par contre, pas fait l’unanimité. Dans le monde politique, les adversaires du projet gouvernemental ont fait valoir les dangers du recrutement de magistrats de seconde zone, mal ou pas assez formés. François Hollande, le premier secrétaire du parti socialiste, a ainsi estimé qu’il leur fallait «une formation qui n’est pas acquise et les mêmes règles partout», mais surtout qu’il ne fallait pas aboutir à «une justice à plusieurs vitesses». Même son de cloche du côté des syndicats professionnels qui s’inquiètent de la «qualité» d’une justice rendue par des magistrats qui ne maîtrisent pas toutes les ficelles juridiques, sont formés à la va-vite et exercent leur fonction par intermittence. L’Association professionnelle des magistrats a ainsi déclaré que «l’augmentation massive» du nombre de juges est une «erreur majeure» qui entraîne «une dévalorisation inévitable du niveau de recrutement» et évite de «réfléchir aux questions de fond».

Ce projet de loi organique, qui définit les dispositions statutaires concernant les juges de proximité, a été présenté mercredi au conseil des ministres mais ne sera pas examiné par le Parlement avant l’automne. La création de ce nouveau corps de 3300 magistrats ne pourra donc vraisemblablement pas intervenir avant 2003.



par Valérie  Gas

Article publié le 24/07/2002