Turquie
Ecevit s’accroche et le pays s’enfonce dans la crise
Malgré l’annonce d’élections anticipées pour l’automne, le Premier ministre turc n’a aucune intention de quitter le pouvoir et la crise politique s’aggrave dans le pays.
De notre correspondant à Istanbul
A 77 ans, souffrant de graves problèmes de santé, le leader socialo-nationaliste Bülent Ecevit offre à la Turquie, pour la fin prochaine de son règne, une bien douloureuse crise politique qui risque à nouveau d’amener les islamistes au pouvoir. Tous les sondages, comme celui que la puissante association patronale turque le TÜSIAD a présenté récemment à l’Armée, ainsi que le rapporte le quotidien Hürriyet jeudi, donnent en effet le Parti de la Justice et du Développement largement en tête de l’inéluctable scrutin législatif anticipé qui devrait se tenir à l’automne. Le 1er septembre, la Grande Assemblée Nationale turque se réunira en session extraordinaire, avec un mois d’avance sur la rentrée parlementaire, pour convenir d’une date pour des élections législatives, probablement le 3 novembre prochain.
L’obstination du vieux faucon de la politique turque – il est l’homme qui a fait envahir Chypre-nord en 1974- à rester au pouvoir malgré les appels à la démission qui répondent à son absence du bureau pour raisons de santé a déjà mené à l’effondrement de son parti, et à la mise en minorité de son gouvernement. Pourtant, profitant de ce que le Parlement n’est pas réuni et ne peut voter la défiance de sa coalition tripartite, M. Ecevit se maintient coûte que coûte à son poste, se contentant mercredi d’annoncer des élections pour l’automne afin de calmer les esprits.
Tous les partis d’opposition –et même le partenaire ultra-nationaliste de la coalition qui a demandé l’ouverture du Parlement le 1er septembre– sont d’accord pour s’en remettre au suffrage populaire; ils voudraient même y aller plus vite ! La chef de file de l’opposition Tansu Çiller a ainsi demandé la réouverture de l’Assemblée dès lundi prochain, mais il lui faut réunir un minimum de 110 signatures pour faire aboutir la procédure, or son parti ne compte que 85 élus.
Un Premier ministre qui tient à peine debout
La Turquie semble donc condamnée à passer l’été dans l’expectative et le statu quo, avec un Premier ministre tenant à peine debout, demeurant reclus à la maison et soumis à des examens médicaux réguliers et ambigus. Début mai, il avait d’abord été hospitalisé pour une «infection intestinale», puis on lui avait diagnostiqué une côte cassée, une myasthénie (affection nerveuse perturbant la motricité), une thrombo-phlébite, puis enfin une vertèbre cassée l’obligeant à porter un corset métallique qui l’empêche de monter des escaliers ou de rester assis plus de quelques minutes. Des rumeurs insistantes prétendent pourtant que M. Ecevit est frappé de la maladie de Parkinson, et est traité depuis plusieurs années pour un cancer de la prostate.
Depuis le 4 mai, M. Ecevit n’a tenu qu’un conseil des ministres en début de semaine, dans la panique de la vague de démissions qui a fait trembler son gouvernement, et n’a pu assister aux réunions du Conseil de sécurité nationale. Cette impression de vacance du pouvoir fait craindre aux modernistes pro-européens que la Turquie ne manque son rendez-vous du prochain sommet Européen de Copenhague, en décembre, où elle veut obtenir de l’UE un calendrier précis pour le début de ses discussions d’adhésion.
C’est cette préoccupation qui a poussé le ministre des Affaires étrangères de Bülent Eecvit, Ismaïl Cem, à se séparer de son père spirituel, il y a une semaine, et à annoncer la formation de son propre parti, avec l’ancien vice-Premier ministre Hüsamettin Özkan et, très bientôt, avec le ministre de l’Economie Kemal Dervis. Les trois hommes les plus proches de M. Ecevit l’ont abandonné ! En tout 7 ministres et 62 députés (quasiment la moitié du groupe puisque le parti ne compte plus que 66 représentants au Parlement) ont quitté le vieil homme, critiqué, décrédibilisé, finalement haï par une opinion publique qui l’avait amené au pouvoir, en avril 1999 pour sa réputation méritée d’homme honnête et désintéressé.
Maintenu dans l’isolement quasi forcé non seulement par la maladie mais aussi par sa femme, Rahsan, 81 ans, son ombre et infatigable conseillère depuis 30 ans qui conduit ‘leur’ parti d’une main de fer, M. Ecevit continue pourtant de résister, et annonce même qu’il mènera la campagne électorale de son parti aux prochaines élections, concédées de mauvaise grâce. Il tente également de donner les gages que tout le monde attend depuis des mois de son engagement pro-européen, au moment où M. Cem fonde un parti ouvertement engagé dans la course à l’intégration de l’Union Européenne : son vice-Premier ministre Mesut Yilmaz promet de faire passer en août une série de loi destinées à mieux respecter les exigences européennes pour l’adhésion de la Turquie.
Mais le temps de M. Ecevit semble définitivement passé, et la population, la société civile, les organisations socioprofessionnelles, les commentateurs de la presse ne regardent déjà plus que vers les élections, se demandant bien quelle coalition, à nouveau, sortira des urnes, et si ce nouvel équilibre politique permettra enfin à la Turquie de faire partie de l’Union Européenne.
A 77 ans, souffrant de graves problèmes de santé, le leader socialo-nationaliste Bülent Ecevit offre à la Turquie, pour la fin prochaine de son règne, une bien douloureuse crise politique qui risque à nouveau d’amener les islamistes au pouvoir. Tous les sondages, comme celui que la puissante association patronale turque le TÜSIAD a présenté récemment à l’Armée, ainsi que le rapporte le quotidien Hürriyet jeudi, donnent en effet le Parti de la Justice et du Développement largement en tête de l’inéluctable scrutin législatif anticipé qui devrait se tenir à l’automne. Le 1er septembre, la Grande Assemblée Nationale turque se réunira en session extraordinaire, avec un mois d’avance sur la rentrée parlementaire, pour convenir d’une date pour des élections législatives, probablement le 3 novembre prochain.
L’obstination du vieux faucon de la politique turque – il est l’homme qui a fait envahir Chypre-nord en 1974- à rester au pouvoir malgré les appels à la démission qui répondent à son absence du bureau pour raisons de santé a déjà mené à l’effondrement de son parti, et à la mise en minorité de son gouvernement. Pourtant, profitant de ce que le Parlement n’est pas réuni et ne peut voter la défiance de sa coalition tripartite, M. Ecevit se maintient coûte que coûte à son poste, se contentant mercredi d’annoncer des élections pour l’automne afin de calmer les esprits.
Tous les partis d’opposition –et même le partenaire ultra-nationaliste de la coalition qui a demandé l’ouverture du Parlement le 1er septembre– sont d’accord pour s’en remettre au suffrage populaire; ils voudraient même y aller plus vite ! La chef de file de l’opposition Tansu Çiller a ainsi demandé la réouverture de l’Assemblée dès lundi prochain, mais il lui faut réunir un minimum de 110 signatures pour faire aboutir la procédure, or son parti ne compte que 85 élus.
Un Premier ministre qui tient à peine debout
La Turquie semble donc condamnée à passer l’été dans l’expectative et le statu quo, avec un Premier ministre tenant à peine debout, demeurant reclus à la maison et soumis à des examens médicaux réguliers et ambigus. Début mai, il avait d’abord été hospitalisé pour une «infection intestinale», puis on lui avait diagnostiqué une côte cassée, une myasthénie (affection nerveuse perturbant la motricité), une thrombo-phlébite, puis enfin une vertèbre cassée l’obligeant à porter un corset métallique qui l’empêche de monter des escaliers ou de rester assis plus de quelques minutes. Des rumeurs insistantes prétendent pourtant que M. Ecevit est frappé de la maladie de Parkinson, et est traité depuis plusieurs années pour un cancer de la prostate.
Depuis le 4 mai, M. Ecevit n’a tenu qu’un conseil des ministres en début de semaine, dans la panique de la vague de démissions qui a fait trembler son gouvernement, et n’a pu assister aux réunions du Conseil de sécurité nationale. Cette impression de vacance du pouvoir fait craindre aux modernistes pro-européens que la Turquie ne manque son rendez-vous du prochain sommet Européen de Copenhague, en décembre, où elle veut obtenir de l’UE un calendrier précis pour le début de ses discussions d’adhésion.
C’est cette préoccupation qui a poussé le ministre des Affaires étrangères de Bülent Eecvit, Ismaïl Cem, à se séparer de son père spirituel, il y a une semaine, et à annoncer la formation de son propre parti, avec l’ancien vice-Premier ministre Hüsamettin Özkan et, très bientôt, avec le ministre de l’Economie Kemal Dervis. Les trois hommes les plus proches de M. Ecevit l’ont abandonné ! En tout 7 ministres et 62 députés (quasiment la moitié du groupe puisque le parti ne compte plus que 66 représentants au Parlement) ont quitté le vieil homme, critiqué, décrédibilisé, finalement haï par une opinion publique qui l’avait amené au pouvoir, en avril 1999 pour sa réputation méritée d’homme honnête et désintéressé.
Maintenu dans l’isolement quasi forcé non seulement par la maladie mais aussi par sa femme, Rahsan, 81 ans, son ombre et infatigable conseillère depuis 30 ans qui conduit ‘leur’ parti d’une main de fer, M. Ecevit continue pourtant de résister, et annonce même qu’il mènera la campagne électorale de son parti aux prochaines élections, concédées de mauvaise grâce. Il tente également de donner les gages que tout le monde attend depuis des mois de son engagement pro-européen, au moment où M. Cem fonde un parti ouvertement engagé dans la course à l’intégration de l’Union Européenne : son vice-Premier ministre Mesut Yilmaz promet de faire passer en août une série de loi destinées à mieux respecter les exigences européennes pour l’adhésion de la Turquie.
Mais le temps de M. Ecevit semble définitivement passé, et la population, la société civile, les organisations socioprofessionnelles, les commentateurs de la presse ne regardent déjà plus que vers les élections, se demandant bien quelle coalition, à nouveau, sortira des urnes, et si ce nouvel équilibre politique permettra enfin à la Turquie de faire partie de l’Union Européenne.
par Jérôme Bastion
Article publié le 18/07/2002