Serbie
Première condamnation pour crime de guerre
Un ancien réserviste de l’armée yougoslave vient d’être condamné à 8 ans de prison pour crime de guerre. Il avait ouvert le feu sur des civils albanais désarmés.
De notre correspondante à Belgrade
«J’ai ouvert le procès avec un pistolet dans la veste», confiait, Dragan Tacic, le président du Tribunal de Prokuplje, dans le sud de la Serbie une fois la sentence rendue. Pour la première fois en Serbie depuis la chute de Slobodan Milosevic, une condamnation pour crime de guerre est prononcée: huit ans de prison ferme.
Ivan Nikolic, ancien réserviste de l’armée yougoslave, a été condamné pour avoir violé les normes internationales de droit humanitaire. Le 24 mai 1999, pendant les bombardements de l’OTAN sur la Yougoslavie, il a tiré sur deux civils albanais qui marchaient le long de la route, près du village de Penduh, au nord du Kosovo. Jugé peu après les faits pour crime simple, il a été relâché. Mais depuis, les juges comme les procureurs de Prokuplje, ont été remplacés, les faits requalifiés de crime de guerre et Ivan Nikolic placé en détention provisoire.
«La veille de l’ouverture du procès, le 11 juin dernier, des camionnettes des partisans de Milosevic, de l’extrême droite et des vétérans de guerre, équipées de hauts parleurs, sillonnaient la ville pour appeler à manifester contre «un procès politique dicté par l’Occident», raconte Dragan Tacic. C’est applaudi par quelques centaines de manifestants que l’accusé avait pénétré le tribunal, les mains menottées, mais les trois doigts, signe de ralliement des serbes, triomphalement levés. «Souviens- toi de la date de ma sortie de prison!», invectivait furieux le jeune Ivan Nikolic, à l’encontre du président de la Cour, après avoir entendu sa condamnation.
Des témoins qui craignent les représailles
Ce dernier soutient qu’au contraire, le pouvoir politique a manifesté très peu d’intérêt. «Nous en sommes désolés, car on aurait aimé avoir des conditions de travail et de sécurité plus satisfaisantes», ajoute-t-il. «Il est très difficile de juger ce type de crime à Prokuplje», explique le président du tribunal: «Nous sommes à la frontière du Kosovo et la région a été investie par les déplacés serbes qui ont fui les exactions de la guérilla albanaise de l’UCK après les bombardements de 1999. Eux aussi espèrent une justice qui ne vient pas».
Aussi les témoins ont-ils peur des représailles et la catégorie juridique de témoin protégé n’existe pas en droit yougoslave. «Les mêmes témoins amnésiques ou flous déclaraient aux juges de l’époque que Ivan Nikolic se vantait d’avoir joué au Rambo et d’avoir dégommé des «balija» (nom péjoratif pour les musulmans ndlr), affirme Dragan Tacic, qui a également pris en compte des éléments de preuve fournis par le Fonds pour le droit humanitaire (FDH) et le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
Dans la foulée, deux autres procès vont s’ouvrir. Ceux de Sasa Cvjetan et Dejan Demirovic, deux réservistes des unités spéciales des «Bérets Rouges», accusés d’avoir tiré des rafales sur 19 civils albanais, dont 16 femmes et enfants, le 28 mars 1999. Cinq enfants ont survécu et vivent aujourd’hui en Angleterre, selon Natasa Kandic, la présidente du FDH. «S’ils acceptaient de témoigner, ce serait capital. Car l’opinion serbe a besoin d’entendre les récits prononcés devant les tribunaux nationaux», dit-elle.
En ouvrant le 14 juin dernier une conférence organisée par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), sur le thème «Juger les crimes de guerre en Serbie et au Monténégro», le ministre yougoslave des Affaires Etrangères, Goran Svilanovic, soulignait justement à quel point l’opinion serbe était récalcitrante à reconnaître que des crimes de guerre aient été commis par ses concitoyens: «Nos tribunaux sont capables de juger les pires crimes, mais l’encouragement de l’opinion n’existe pas lorsqu’il s’agit de faire face au passé et les politiques n’ont pas réussi à changer le cours des choses». A défaut des politiques, ce sont donc les juges qui ouvrent le processus, qui aboutira sans doute, comme le suggéraient les participants à la conférence de l’OSCE, à la création d’un Tribunal ad hoc national, spécialisé dans le jugement des crimes de guerre commis par tous ceux qui échappent au TPIY. Reste à savoir si le phénomène prendra de l’ampleur, sachant que les moyens sont maigres, la coopération de la police faible, et la volonté politique presque inexistante.
«J’ai ouvert le procès avec un pistolet dans la veste», confiait, Dragan Tacic, le président du Tribunal de Prokuplje, dans le sud de la Serbie une fois la sentence rendue. Pour la première fois en Serbie depuis la chute de Slobodan Milosevic, une condamnation pour crime de guerre est prononcée: huit ans de prison ferme.
Ivan Nikolic, ancien réserviste de l’armée yougoslave, a été condamné pour avoir violé les normes internationales de droit humanitaire. Le 24 mai 1999, pendant les bombardements de l’OTAN sur la Yougoslavie, il a tiré sur deux civils albanais qui marchaient le long de la route, près du village de Penduh, au nord du Kosovo. Jugé peu après les faits pour crime simple, il a été relâché. Mais depuis, les juges comme les procureurs de Prokuplje, ont été remplacés, les faits requalifiés de crime de guerre et Ivan Nikolic placé en détention provisoire.
«La veille de l’ouverture du procès, le 11 juin dernier, des camionnettes des partisans de Milosevic, de l’extrême droite et des vétérans de guerre, équipées de hauts parleurs, sillonnaient la ville pour appeler à manifester contre «un procès politique dicté par l’Occident», raconte Dragan Tacic. C’est applaudi par quelques centaines de manifestants que l’accusé avait pénétré le tribunal, les mains menottées, mais les trois doigts, signe de ralliement des serbes, triomphalement levés. «Souviens- toi de la date de ma sortie de prison!», invectivait furieux le jeune Ivan Nikolic, à l’encontre du président de la Cour, après avoir entendu sa condamnation.
Des témoins qui craignent les représailles
Ce dernier soutient qu’au contraire, le pouvoir politique a manifesté très peu d’intérêt. «Nous en sommes désolés, car on aurait aimé avoir des conditions de travail et de sécurité plus satisfaisantes», ajoute-t-il. «Il est très difficile de juger ce type de crime à Prokuplje», explique le président du tribunal: «Nous sommes à la frontière du Kosovo et la région a été investie par les déplacés serbes qui ont fui les exactions de la guérilla albanaise de l’UCK après les bombardements de 1999. Eux aussi espèrent une justice qui ne vient pas».
Aussi les témoins ont-ils peur des représailles et la catégorie juridique de témoin protégé n’existe pas en droit yougoslave. «Les mêmes témoins amnésiques ou flous déclaraient aux juges de l’époque que Ivan Nikolic se vantait d’avoir joué au Rambo et d’avoir dégommé des «balija» (nom péjoratif pour les musulmans ndlr), affirme Dragan Tacic, qui a également pris en compte des éléments de preuve fournis par le Fonds pour le droit humanitaire (FDH) et le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
Dans la foulée, deux autres procès vont s’ouvrir. Ceux de Sasa Cvjetan et Dejan Demirovic, deux réservistes des unités spéciales des «Bérets Rouges», accusés d’avoir tiré des rafales sur 19 civils albanais, dont 16 femmes et enfants, le 28 mars 1999. Cinq enfants ont survécu et vivent aujourd’hui en Angleterre, selon Natasa Kandic, la présidente du FDH. «S’ils acceptaient de témoigner, ce serait capital. Car l’opinion serbe a besoin d’entendre les récits prononcés devant les tribunaux nationaux», dit-elle.
En ouvrant le 14 juin dernier une conférence organisée par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), sur le thème «Juger les crimes de guerre en Serbie et au Monténégro», le ministre yougoslave des Affaires Etrangères, Goran Svilanovic, soulignait justement à quel point l’opinion serbe était récalcitrante à reconnaître que des crimes de guerre aient été commis par ses concitoyens: «Nos tribunaux sont capables de juger les pires crimes, mais l’encouragement de l’opinion n’existe pas lorsqu’il s’agit de faire face au passé et les politiques n’ont pas réussi à changer le cours des choses». A défaut des politiques, ce sont donc les juges qui ouvrent le processus, qui aboutira sans doute, comme le suggéraient les participants à la conférence de l’OSCE, à la création d’un Tribunal ad hoc national, spécialisé dans le jugement des crimes de guerre commis par tous ceux qui échappent au TPIY. Reste à savoir si le phénomène prendra de l’ampleur, sachant que les moyens sont maigres, la coopération de la police faible, et la volonté politique presque inexistante.
par Milica Cubrilo
Article publié le 09/07/2002