Zimbabwe
L’ultimatum de Mugabe aux fermiers blancs
Quelques heures avant la fin de l’ultimatum qui leur a été fixé, hier soir à minuit, beaucoup de fermiers blancs s’interrogeaient encore sur l’attitude à adopter.
Certains ont décidé de ne pas respecter l’ordre d’expropriation reçu en mai dernier, trois mois après la réélection contestée du président Robert Mugabe. Quelque 2 900 fermiers blancs ont en effet été priés de quitter leurs propriétés dans les 90 jours. La mesure concerne 60% des exploitants blancs que compte le Zimbabwe. Selon le Syndicat des fermiers (CFU), elle porte sur 10,6 millions d’hectares, soit 95 % des terres cultivées de manière intensive par ces propriétaires blancs.
«Ma famille développe ce ranch depuis cinq générations», affirme Tom Rourke, un éleveur des environs de Harare, la capitale. Comme semble-t-il la majorité de ses collègues, il a décidé de rester chez lui, quitte à risquer deux ans de prison ou l’amende de 20 000 dollars zimbabwéens (400 euros) que le gouvernement a annoncés. «Je n’ai nulle part où aller, toute ma vie est ici, poursuit-il. Je n’ai aucune envie d’aller louer une maison à Harare, sans savoir si je terminerai ma vie à Londres ou à Sydney». Comme d’autres, Tom Rourke a contesté en justice l’ordre d’expropriation qu’il a reçu en mai dernier, demandant son annulation. S’il est arrêté, il entend montrer, papiers officiels à l’appui, qu’il jouit «en toute légalité» de son droit de propriété.
D’autres, stressés par une crise qui a fait 9 morts parmi les fermiers blancs, ces deux dernières années, ont bouclé leurs valises. A Chinhoyi, un bastion du parti au pouvoir situé à 100 km de Harare, les mauvais souvenirs laissés par les violences politiques de la campagne électorale ont joué. Une seule famille blanche a décidé de rester. Ailleurs, des fermiers redoutant des pillages ont mis leurs biens et leurs meubles à l’abri, tout en continuant d’occuper leurs maisons.
«Nous allons devenir des criminels pour le simple fait d’habiter chez nous», déplore David Connolly, président d’une dissidence récente du Syndicat des fermiers (CFU), dénommée Justice pour l’Agriculture (JAG). Plus que jamais, les fermiers blancs sont divisés. Les membres de Jag ont appelé à la résistance et à la fermeté, tandis que le CFU s’est discrédité auprès d’une partie de ses membres en tentant une approche conciliante avec le pouvoir. Colin Cloete, le président du CFU, croit encore «inévitable» un revirement de la politique suivie par Robert Mugabe.
Un espoir nourri depuis plus de deux ans par ses collègues, en vain. De son côté, le Jag entend poursuivre la bataille devant les tribunaux. «Nous ne pouvons plus compter que sur notre système judiciaire, affirme John Worswick, vice-président de cette association. Nous cherchons simplement à faire respecter la loi et à défendre les droits de l’Homme dans notre pays. Si les autorités ne respectent pas leurs propres législations, elles montreront leur vrai visage».
Le gouvernement reste inflexible
L’enjeu relève de la survie. Autrefois exportateur net de céréales, le Zimbabwe fait face à une famine sans précédent. La sécheresse et la désorganisation de l’agriculture menacent 6 millions de personnes, selon les Nations unies, sur un population totale de 14 millions de Zimbabwéens. Le pays ne peut compter que sur une aide parcimonieuse des bailleurs de fonds, qui accusent le régime Mugabe d’être à l’origine de la crise alimentaire, avec sa politique de «redistribution rapide» des terres. Hier encore, les États-Unis ont lancé un avertissement à Robert Mugabe, qui continue de s’en prendre à l’opposition et aux médias.
Le gouvernement reste inflexible. Le CFU, qui a sollicité le mois dernier une audience auprès du chef de l’Etat a vu sa demande rejetée. Alors que la crise économique va en s’aggravant, David Connolly estime que 1,5 million d’ouvriers agricoles perdront travail et logement si l’expropriation des fermiers blancs est menée à bien. Sur ce point, l’incertitude est totale. Le verdict rendu hier par un tribunal en faveur d’un fermier pourrait faire jurisprudence. Il stipule que les propriétés sous hypothèque ne pourront être expropriées sans information préalable des banques concernées. Seul problème: l’attention que portera le gouvernement à cette décision de justice. Il pourrait très bien ne pas la respecter, comme il l’a déjà fait à maintes reprises ces deux dernières années, depuis le début des invasions de terres par des anciens combattants du parti au pouvoir.
Ecouter également : Fabienne Pompey
Correspondante en Afrique du Sud pour RFI. L'ultimatum du gouvernement du Zimbabwe a expiré hier soir à minuit. Les fermiers blancs devaient quitter leurs terres pour qu'elles soient redistribuées aux travailleurs noirs. Quel est l'état des lieux en place ? Fabienne Pompey est en ligne de Johannesbourg.
«Ma famille développe ce ranch depuis cinq générations», affirme Tom Rourke, un éleveur des environs de Harare, la capitale. Comme semble-t-il la majorité de ses collègues, il a décidé de rester chez lui, quitte à risquer deux ans de prison ou l’amende de 20 000 dollars zimbabwéens (400 euros) que le gouvernement a annoncés. «Je n’ai nulle part où aller, toute ma vie est ici, poursuit-il. Je n’ai aucune envie d’aller louer une maison à Harare, sans savoir si je terminerai ma vie à Londres ou à Sydney». Comme d’autres, Tom Rourke a contesté en justice l’ordre d’expropriation qu’il a reçu en mai dernier, demandant son annulation. S’il est arrêté, il entend montrer, papiers officiels à l’appui, qu’il jouit «en toute légalité» de son droit de propriété.
D’autres, stressés par une crise qui a fait 9 morts parmi les fermiers blancs, ces deux dernières années, ont bouclé leurs valises. A Chinhoyi, un bastion du parti au pouvoir situé à 100 km de Harare, les mauvais souvenirs laissés par les violences politiques de la campagne électorale ont joué. Une seule famille blanche a décidé de rester. Ailleurs, des fermiers redoutant des pillages ont mis leurs biens et leurs meubles à l’abri, tout en continuant d’occuper leurs maisons.
«Nous allons devenir des criminels pour le simple fait d’habiter chez nous», déplore David Connolly, président d’une dissidence récente du Syndicat des fermiers (CFU), dénommée Justice pour l’Agriculture (JAG). Plus que jamais, les fermiers blancs sont divisés. Les membres de Jag ont appelé à la résistance et à la fermeté, tandis que le CFU s’est discrédité auprès d’une partie de ses membres en tentant une approche conciliante avec le pouvoir. Colin Cloete, le président du CFU, croit encore «inévitable» un revirement de la politique suivie par Robert Mugabe.
Un espoir nourri depuis plus de deux ans par ses collègues, en vain. De son côté, le Jag entend poursuivre la bataille devant les tribunaux. «Nous ne pouvons plus compter que sur notre système judiciaire, affirme John Worswick, vice-président de cette association. Nous cherchons simplement à faire respecter la loi et à défendre les droits de l’Homme dans notre pays. Si les autorités ne respectent pas leurs propres législations, elles montreront leur vrai visage».
Le gouvernement reste inflexible
L’enjeu relève de la survie. Autrefois exportateur net de céréales, le Zimbabwe fait face à une famine sans précédent. La sécheresse et la désorganisation de l’agriculture menacent 6 millions de personnes, selon les Nations unies, sur un population totale de 14 millions de Zimbabwéens. Le pays ne peut compter que sur une aide parcimonieuse des bailleurs de fonds, qui accusent le régime Mugabe d’être à l’origine de la crise alimentaire, avec sa politique de «redistribution rapide» des terres. Hier encore, les États-Unis ont lancé un avertissement à Robert Mugabe, qui continue de s’en prendre à l’opposition et aux médias.
Le gouvernement reste inflexible. Le CFU, qui a sollicité le mois dernier une audience auprès du chef de l’Etat a vu sa demande rejetée. Alors que la crise économique va en s’aggravant, David Connolly estime que 1,5 million d’ouvriers agricoles perdront travail et logement si l’expropriation des fermiers blancs est menée à bien. Sur ce point, l’incertitude est totale. Le verdict rendu hier par un tribunal en faveur d’un fermier pourrait faire jurisprudence. Il stipule que les propriétés sous hypothèque ne pourront être expropriées sans information préalable des banques concernées. Seul problème: l’attention que portera le gouvernement à cette décision de justice. Il pourrait très bien ne pas la respecter, comme il l’a déjà fait à maintes reprises ces deux dernières années, depuis le début des invasions de terres par des anciens combattants du parti au pouvoir.
Ecouter également : Fabienne Pompey
Correspondante en Afrique du Sud pour RFI. L'ultimatum du gouvernement du Zimbabwe a expiré hier soir à minuit. Les fermiers blancs devaient quitter leurs terres pour qu'elles soient redistribuées aux travailleurs noirs. Quel est l'état des lieux en place ? Fabienne Pompey est en ligne de Johannesbourg.
par Sabine Cessou
Article publié le 09/08/2002