Zimbabwe
La question agraire en débat au Sommet de la terre
Quelque 215 fermiers blancs ont été arrêtés au Zimbabwe suite à l’ordre que leur a donné le président Mugabe d’évacuer les terres qu’ils exploitent. Cette crise pose une nouvelle fois la question de la réforme agraire en Afrique australe au moment où s’ouvre le Sommet de la terre à Johannesbourg.
De notre correspondante à Johannesbourg
Alors que les arrestations de fermiers blancs se poursuivent au Zimbabwe, l’Afrique du Sud cherche à faire de son rêve de «millénaire africain» une réalité. A Johannesburg, des bataillons de volontaires recrutés parmi des chômeurs reçoivent avec zèle les 60 000 délégués attendus pour le Sommet de la terre. Des messages diffusés à la radio tentent d’instiller un sentiment de fierté nationale aux Sud-Africains. «Pourquoi l’Afrique du Sud a-t-elle été choisie pour le Sommet de la terre ?» demande un spot publicitaire, citant parmi les réponses possibles «le chemin parcouru en huit ans», depuis les élections multiraciales de 1994. Au village Ubuntu (humanité, en zoulou), où une exposition se tient en marge du sommet officiel, le pavillon sud-africain cherche à tirer toutes les opportunités du sommet. Le pays présente ses potentiels sous l’angle affirmé du business.
Seulement, la crise qui s’aggrave et les expropriations arbitraires de fermiers chez le voisin zimbabwéen seront difficiles à ignorer. Le Sommet de la terre, qui planchera du 26 août au 4 septembre sur la meilleure façon de concrétiser le «développement durable», rassemblera une centaine de chefs d’Etat, en l’absence de l’Américain George Bush, qui s’est déjà excusé. Une pression internationale sans précédent pourrait alors s’exercer sur le président sud-africain Thabo Mbeki, critiqué pour son attitude conciliante vis-à-vis du Zimbabwe.
Suspendu pour un an du Commonwealth, après la réélection contestée de Robert Mugabe en mars dernier, le Zimbabwe se trouve déjà au ban de la communauté internationale. Hier, les Etats-Unis n’ont pas hésité à qualifier son président de «dirigeant illégitime». Il n’y a plus que la Libye et l’Afrique du Sud, aujourd’hui, pour lui fournir respectivement 70% de ses besoins en pétrole et 60% de sa consommation d’électricité.
La question du Zimbabwe provoque l’embarras en Afrique du Sud
S’il n’est pas question, pour Pretoria, de dévier de la «diplomatie silencieuse» qui prévaut depuis deux ans, des voix s’élèvent à nouveau pour qualifier de «honte», comme Helen Suzman, le «silence assourdissant» de Thabo Mbeki sur le Zimbabwe. Respectée, cette ancienne opposante à l’apartheid affirme que la «confiance dans l’Afrique du Sud en tant que démocratie durable a été sérieusement compromise par cette incapacité à remplir un rôle de dirigeant». Trevor Ncube, le patron de presse zimbabwéen qui vient de racheter l’hebdomadaire sud-africain The Mail & Guardian, plaide aussi pour une position plus tranchée de l’Afrique du Sud. «Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de remettre les choses au lendemain, a déclaré Trevor Ncube, quand des millions de Zimbabwéens souffrent de l’ambition d’un seul homme, déterminé à gouverner jusqu’à ce qu’il tombe raide mort».
Sur son stand du contre-sommet de la société civile, à Nasrec, l’attitude d’Ambitious Kumalo est révélatrice de l’embarras sud-africain à l’égard du Zimbabwe. Devant le bric-à-brac qui décore son stand, lampes pour élevage de poulets, brochures et pots de fleurs, ce représentant d’un petit syndicat agricole refuse de «parler politique». Son organisation, le Syndicat des fermiers africains (Afu), représente pourtant 8000 à 10 000 fermiers noirs sud-africains. Ambitious Kumalo ne veut pas se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de ses «camarades» du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) en critiquant la politique de Robert Mugabe. Sa «redistribution rapide» des terres est en effet considérée comme parfaitement légitime par une large frange de l’opinion noire en Afrique du Sud.
Il ne veut pas non plus parler des lenteurs de la réforme agraire dans son propre pays. «Nous pouvons emprunter de l’argent pour racheter des fermes», affirme-t-il, soulignant le respect du droit et de la propriété privée. Quoi qu’il en soit, 80% des terres appartiennent encore à quelque 50 000 fermiers blancs, une situation que Thabo Mbeki a lui-même qualifiée de «pire» que celle qui prévaut au Zimbabwe. Faute de lopins à cultiver, faute d’emplois, l’exode rural s’est aggravé ces dernières années. Aussi le mouvement des «sans-terre» prend-il de l’ampleur. Apolitique comme au Brésil, il milite à la fois pour l’accès aux terres dans les campagnes et à des logements décents dans les villes. S’il a nié vouloir «saboter» le Sommet de la terre avec d’éventuels coups d’éclat, ce mouvement a bien l’intention de manifester pendant la grande conférence internationale
Alors que les arrestations de fermiers blancs se poursuivent au Zimbabwe, l’Afrique du Sud cherche à faire de son rêve de «millénaire africain» une réalité. A Johannesburg, des bataillons de volontaires recrutés parmi des chômeurs reçoivent avec zèle les 60 000 délégués attendus pour le Sommet de la terre. Des messages diffusés à la radio tentent d’instiller un sentiment de fierté nationale aux Sud-Africains. «Pourquoi l’Afrique du Sud a-t-elle été choisie pour le Sommet de la terre ?» demande un spot publicitaire, citant parmi les réponses possibles «le chemin parcouru en huit ans», depuis les élections multiraciales de 1994. Au village Ubuntu (humanité, en zoulou), où une exposition se tient en marge du sommet officiel, le pavillon sud-africain cherche à tirer toutes les opportunités du sommet. Le pays présente ses potentiels sous l’angle affirmé du business.
Seulement, la crise qui s’aggrave et les expropriations arbitraires de fermiers chez le voisin zimbabwéen seront difficiles à ignorer. Le Sommet de la terre, qui planchera du 26 août au 4 septembre sur la meilleure façon de concrétiser le «développement durable», rassemblera une centaine de chefs d’Etat, en l’absence de l’Américain George Bush, qui s’est déjà excusé. Une pression internationale sans précédent pourrait alors s’exercer sur le président sud-africain Thabo Mbeki, critiqué pour son attitude conciliante vis-à-vis du Zimbabwe.
Suspendu pour un an du Commonwealth, après la réélection contestée de Robert Mugabe en mars dernier, le Zimbabwe se trouve déjà au ban de la communauté internationale. Hier, les Etats-Unis n’ont pas hésité à qualifier son président de «dirigeant illégitime». Il n’y a plus que la Libye et l’Afrique du Sud, aujourd’hui, pour lui fournir respectivement 70% de ses besoins en pétrole et 60% de sa consommation d’électricité.
La question du Zimbabwe provoque l’embarras en Afrique du Sud
S’il n’est pas question, pour Pretoria, de dévier de la «diplomatie silencieuse» qui prévaut depuis deux ans, des voix s’élèvent à nouveau pour qualifier de «honte», comme Helen Suzman, le «silence assourdissant» de Thabo Mbeki sur le Zimbabwe. Respectée, cette ancienne opposante à l’apartheid affirme que la «confiance dans l’Afrique du Sud en tant que démocratie durable a été sérieusement compromise par cette incapacité à remplir un rôle de dirigeant». Trevor Ncube, le patron de presse zimbabwéen qui vient de racheter l’hebdomadaire sud-africain The Mail & Guardian, plaide aussi pour une position plus tranchée de l’Afrique du Sud. «Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de remettre les choses au lendemain, a déclaré Trevor Ncube, quand des millions de Zimbabwéens souffrent de l’ambition d’un seul homme, déterminé à gouverner jusqu’à ce qu’il tombe raide mort».
Sur son stand du contre-sommet de la société civile, à Nasrec, l’attitude d’Ambitious Kumalo est révélatrice de l’embarras sud-africain à l’égard du Zimbabwe. Devant le bric-à-brac qui décore son stand, lampes pour élevage de poulets, brochures et pots de fleurs, ce représentant d’un petit syndicat agricole refuse de «parler politique». Son organisation, le Syndicat des fermiers africains (Afu), représente pourtant 8000 à 10 000 fermiers noirs sud-africains. Ambitious Kumalo ne veut pas se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de ses «camarades» du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) en critiquant la politique de Robert Mugabe. Sa «redistribution rapide» des terres est en effet considérée comme parfaitement légitime par une large frange de l’opinion noire en Afrique du Sud.
Il ne veut pas non plus parler des lenteurs de la réforme agraire dans son propre pays. «Nous pouvons emprunter de l’argent pour racheter des fermes», affirme-t-il, soulignant le respect du droit et de la propriété privée. Quoi qu’il en soit, 80% des terres appartiennent encore à quelque 50 000 fermiers blancs, une situation que Thabo Mbeki a lui-même qualifiée de «pire» que celle qui prévaut au Zimbabwe. Faute de lopins à cultiver, faute d’emplois, l’exode rural s’est aggravé ces dernières années. Aussi le mouvement des «sans-terre» prend-il de l’ampleur. Apolitique comme au Brésil, il milite à la fois pour l’accès aux terres dans les campagnes et à des logements décents dans les villes. S’il a nié vouloir «saboter» le Sommet de la terre avec d’éventuels coups d’éclat, ce mouvement a bien l’intention de manifester pendant la grande conférence internationale
par Sabine Cessou
Article publié le 22/08/2002