Défense
De Mururoa à la simulation en laboratoire
Comment garantir à la France la pérennité de sa dissuasion après l’arrêt définitif des essais nucléaires ? En simulant, en laboratoire, les explosions nucléaires. C’est l’objectif du programme «Simulation», élaboré par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Un projet qui est loin de faire l’unanimité.
On le sait, la France a cessé il y a six ans ses essais nucléaires dans le Pacifique. Or, compte tenu du vieillissement des matériaux nucléaires qui les composent, les armes nucléaires mises au point dans le cadre de ces essais ont une durée de vie limitée à 20 ans. Comme l’explique le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) : «maintenir la continuité de la dissuasion implique d’assurer le renouvellement de ces armes. Le programme Simulation, mis en place par la Direction des applications militaires (DAM) du CEA, doit permettre de reproduire par le calcul les différentes étapes du fonctionnement d'une arme et de s'assurer ainsi de la fiabilité et de la sûreté des têtes nucléaires, sans avoir à les tester».
Ce projet, qu’un hebdomadaire français qualifiait récemment de «Mururoa en chambre», devrait être finalisé en 2010. Son coût est estimé entre 3,8 et 4,1 milliards d’euros. Toute la difficulté réside pour les chercheurs à reproduire, en laboratoire et à échelle réduite, les conditions physiques proches de celles rencontrées lors du fonctionnement d'une arme nucléaire.
Petit rappel : une arme thermonucléaire se caractérise par trois phases distinctes : la phase pyrotechnique (le détonateur déclenche le fonctionnement de l’amorce, la détonation se propage dans l’explosif chimique, comprimant la matière fissile (uranium ou plutonium), la phase nucléaire (la fission des matériaux nucléaires de l’amorce dégage de l’énergie et met en condition la matière fusible de l’étage thermonucléaire), et enfin la phase thermonucléaire (la fusion des atomes libère une énergie de quelques centaines de millions de mégajoule). D’où la mise en place par le CEA de deux outils expérimentaux : la machine radiographique AIRIX (Accélérateur à induction de radiographie pour imagerie X), installée à Moronvilliers, près de Reims, qui permet de valider le fonctionnement de l’amorce et le Laser Mégajoule, qui reproduit quant à lui la dernière étape du cycle de l’explosion.
Les objectifs du CEA mis en cause
Premier problème : certains soupçonnent le CEA, par l’intermédiaire de ce programme, de vouloir mettre en place de nouvelles armes ; des bombes à fusion pure, c’est-à-dire pour lesquelles l’allumage se ferait sans bombe à fission d’uranium ou de plutonium. D’autre part, le CEA aurait pour mission de contribuer «pour les instances nationales et internationales, à la surveillance du respect du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et à la lutte contre la prolifération . «Faux !», rétorque Bruno Barrillot, directeur de l'Observatoire des armes nucléaires françaises, un organisme indépendant. Selon lui, le programme Simulation viole non seulement le TICE mais également le traité de non prolifération (TNP) «En mai 2000, lors de la conférence de révision du TNP, les puissances nucléaires se sont engagées à commencer la réduction de leurs arsenaux nucléaires dans la perspective du désarmement nucléaire complet. Or, le programme Simulation prévoit de moderniser les armes nucléaires françaises qui vont prochainement entrer en service : la TNA (tête nucléaire aéroportée) qui devrait entrer en service vers 2008 sur le Rafale et la TNO (Tête nucléaire océanique) qui devrait entrer en service sur le 4ème sous-marin nucléaire de nouvelle génération vers 2012. Quant aux démantèlements d'armes nucléaires opérés par la France (missiles du Plateau d'Albion et missiles Hadès, principalement), je pense qu’ils ont été effectués pour des raisons économiques et politiques et non pour répondre aux vœux du TNP».
Pour Bruno Barrillot, la France est aussi loin de respecter le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). «Des expériences nucléaires de faible puissance - ou essais sous-critiques, selon la terminologie américaine - sont effectuées dans le cadre des simulations des essais nucléaires sur le terrain d'expérimentation de Moronvilliers. Et puis, le programme du laser mégajoule met en jeu de petites quantités de matières nucléaires qui peuvent être assimilées à des essais nucléaires permettant de mettre au point de nouvelles armes».
Une vision partagée par le Réseau Abolition 2000, qui regroupe plus de 2 000 ONG dans 90 pays. Réunis en assemblée générale le 13 avril dernier, ses membres ont déclaré : «alors que le TNP est en vigueur depuis plus de 32 ans, les programmes de modernisation des arsenaux nucléaires se poursuivent et les installations où ils sont conçus et fabriqués continuent leurs activités. La taille et la nature de ces programmes montrent que les États possesseurs d’armes nucléaires ont l’intention évidente de conserver ces arsenaux pendant de nombreuses décennies».
Le site du CEA : www.cea.fr
Le site de l’Observatoire des armes nucléaires françaises : www.obsarm.org/main/obsnuc_cdrpc.htm
Le site du Réseau Abolition 2000 : http://mvtpaix.org/Abo2000.html
Ce projet, qu’un hebdomadaire français qualifiait récemment de «Mururoa en chambre», devrait être finalisé en 2010. Son coût est estimé entre 3,8 et 4,1 milliards d’euros. Toute la difficulté réside pour les chercheurs à reproduire, en laboratoire et à échelle réduite, les conditions physiques proches de celles rencontrées lors du fonctionnement d'une arme nucléaire.
Petit rappel : une arme thermonucléaire se caractérise par trois phases distinctes : la phase pyrotechnique (le détonateur déclenche le fonctionnement de l’amorce, la détonation se propage dans l’explosif chimique, comprimant la matière fissile (uranium ou plutonium), la phase nucléaire (la fission des matériaux nucléaires de l’amorce dégage de l’énergie et met en condition la matière fusible de l’étage thermonucléaire), et enfin la phase thermonucléaire (la fusion des atomes libère une énergie de quelques centaines de millions de mégajoule). D’où la mise en place par le CEA de deux outils expérimentaux : la machine radiographique AIRIX (Accélérateur à induction de radiographie pour imagerie X), installée à Moronvilliers, près de Reims, qui permet de valider le fonctionnement de l’amorce et le Laser Mégajoule, qui reproduit quant à lui la dernière étape du cycle de l’explosion.
Les objectifs du CEA mis en cause
Premier problème : certains soupçonnent le CEA, par l’intermédiaire de ce programme, de vouloir mettre en place de nouvelles armes ; des bombes à fusion pure, c’est-à-dire pour lesquelles l’allumage se ferait sans bombe à fission d’uranium ou de plutonium. D’autre part, le CEA aurait pour mission de contribuer «pour les instances nationales et internationales, à la surveillance du respect du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et à la lutte contre la prolifération . «Faux !», rétorque Bruno Barrillot, directeur de l'Observatoire des armes nucléaires françaises, un organisme indépendant. Selon lui, le programme Simulation viole non seulement le TICE mais également le traité de non prolifération (TNP) «En mai 2000, lors de la conférence de révision du TNP, les puissances nucléaires se sont engagées à commencer la réduction de leurs arsenaux nucléaires dans la perspective du désarmement nucléaire complet. Or, le programme Simulation prévoit de moderniser les armes nucléaires françaises qui vont prochainement entrer en service : la TNA (tête nucléaire aéroportée) qui devrait entrer en service vers 2008 sur le Rafale et la TNO (Tête nucléaire océanique) qui devrait entrer en service sur le 4ème sous-marin nucléaire de nouvelle génération vers 2012. Quant aux démantèlements d'armes nucléaires opérés par la France (missiles du Plateau d'Albion et missiles Hadès, principalement), je pense qu’ils ont été effectués pour des raisons économiques et politiques et non pour répondre aux vœux du TNP».
Pour Bruno Barrillot, la France est aussi loin de respecter le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). «Des expériences nucléaires de faible puissance - ou essais sous-critiques, selon la terminologie américaine - sont effectuées dans le cadre des simulations des essais nucléaires sur le terrain d'expérimentation de Moronvilliers. Et puis, le programme du laser mégajoule met en jeu de petites quantités de matières nucléaires qui peuvent être assimilées à des essais nucléaires permettant de mettre au point de nouvelles armes».
Une vision partagée par le Réseau Abolition 2000, qui regroupe plus de 2 000 ONG dans 90 pays. Réunis en assemblée générale le 13 avril dernier, ses membres ont déclaré : «alors que le TNP est en vigueur depuis plus de 32 ans, les programmes de modernisation des arsenaux nucléaires se poursuivent et les installations où ils sont conçus et fabriqués continuent leurs activités. La taille et la nature de ces programmes montrent que les États possesseurs d’armes nucléaires ont l’intention évidente de conserver ces arsenaux pendant de nombreuses décennies».
Le site du CEA : www.cea.fr
Le site de l’Observatoire des armes nucléaires françaises : www.obsarm.org/main/obsnuc_cdrpc.htm
Le site du Réseau Abolition 2000 : http://mvtpaix.org/Abo2000.html
par Estelle Nouel
Article publié le 04/08/2002