Somalie
Barakaat n’est plus un «financier de la terreur»
Dix mois après avoir qualifiée l’importante banque somalienne Barakaat de «financier de la terreur» les Etats-Unis ont demandé à l’ONU de la retirer de la liste des institutions qui soutiennent les organisations terroristes liées à Ben Laden. Cet aveu tardif confirme que la Somalie n’abrite pas des bases liées à Al Qaïda mais a coûté très cher aux Somaliens.
C’est dans une relative discrétion que, mardi dernier, Washington a retiré de sa liste des institutions et personnes soupçonnées de financer le terrorisme islamiste six noms : trois personnes (un américain et deux suédois d’origine somalienne travaillant pour la branche suédoise de Barakaat) et trois institutions financières. Il s’agit de Aaran Money Wie Service Inc, Global Services International USA et Barakaat Enterprise USA. Au même moment le sous-secrétaire d’Etat au Trésor Jimmy Gurulé annonçait que Washington avait demandé à l’ONU de retirer ces six noms de la liste dressée par le Conseil de Sécurité, en ajoutant que ces personnes ou institutions financières «avaient démontré ne pas avoir su qu’elles avaient servi à financer le terrorisme et n’avaient aucun lien avec lui».
«J’ai perdu 15.000 dollars lorsque les comptes à l’étranger de Barakaat ont été gelés»
Mogadiscio s’est aussitôt félicité de cette mesure, et le directeur de Barakaat dans la capitale somalienne a déclaré : «le fait que le nom de Barakaat soit sur la liste des organisations financières soutenant le terrorisme n’était pas juste». D’autres Somaliens ont été beaucoup plus explicites. «J’ai perdu 15.000 dollars lorsque les comptes à l’étranger de Barakaat ont été gelés, et depuis lors je ne dors pas bien», a dit un responsable des dépôts de la banque. «J’ai toujours mangé peu et de la nourriture de mauvaise qualité pour économiser afin de pouvoir envoyer mes enfants à l’étranger, et pour construire une maison. Mais quand j’ai appris que toutes mes économies étaient perdues à cause de la guerre entre les Etats-Unis et Oussama Ben Laden, c’était l’horreur», a déclaré une Somalienne.
Quant au président de l’Assemblée nationale de Transition, il a souhaité que d’autres pays en fassent de même, et lancé un appel aux Emirats arabes unis, qui accueillent les principaux bureaux de Barakaat, pour qu’ils autorisent la banque somalienne à travailler comme auparavant. Ce qui serait grandement positif pour la Somalie, car, avant les sanctions américaines, quelque 140 millions de dollars transitaient chaque année par le réseau de Barakaat, dont 80% destinés aux Somaliens restés au pays.
En réalité la décision de Washington, en novembre 2001, de geler cette institution aux USA comme dans les pays du Golfe avait eu des conséquences dramatiques à Mogadiscio et dans toutes les autres villes somaliennes où Barakaat était présente. Car celle-ci est la principale société de la Somalie et assurait, outre la distribution de la plupart des biens de consommation courante, le transfert de fonds de la diaspora somalienne vers ceux qui sont demeurés dans ce pays en guerre civile depuis plus de dix ans. De fait Barakaat assurait la quasi-totalité des revenus de nombreuses familles somaliennes, ainsi d’ailleurs que les fonds destinés aux membres des organisations internationales, à commencer par ceux de l’ONU.
La décision américaine de «blanchir» Barakaat seulement maintenant est d’autant plus incompréhensible que Washington sait pertinemment depuis la mi-décembre 2001 que la Somalie ne sert pas de base arrière à Al Qaïda. De sources concordantes ont confirmé en effet que, à l’occasion de différentes incursions militaires lancées par des unités spécialisées éthiopiennes dans le Puntland comme dans sud de la Somalie, des commandos américains ont accompagné les troupes d’Addis Abeba et ont pu constater de visu l’absence de tout camp d’entraînement lié aux réseaux de Ben Laden.
«J’ai perdu 15.000 dollars lorsque les comptes à l’étranger de Barakaat ont été gelés»
Mogadiscio s’est aussitôt félicité de cette mesure, et le directeur de Barakaat dans la capitale somalienne a déclaré : «le fait que le nom de Barakaat soit sur la liste des organisations financières soutenant le terrorisme n’était pas juste». D’autres Somaliens ont été beaucoup plus explicites. «J’ai perdu 15.000 dollars lorsque les comptes à l’étranger de Barakaat ont été gelés, et depuis lors je ne dors pas bien», a dit un responsable des dépôts de la banque. «J’ai toujours mangé peu et de la nourriture de mauvaise qualité pour économiser afin de pouvoir envoyer mes enfants à l’étranger, et pour construire une maison. Mais quand j’ai appris que toutes mes économies étaient perdues à cause de la guerre entre les Etats-Unis et Oussama Ben Laden, c’était l’horreur», a déclaré une Somalienne.
Quant au président de l’Assemblée nationale de Transition, il a souhaité que d’autres pays en fassent de même, et lancé un appel aux Emirats arabes unis, qui accueillent les principaux bureaux de Barakaat, pour qu’ils autorisent la banque somalienne à travailler comme auparavant. Ce qui serait grandement positif pour la Somalie, car, avant les sanctions américaines, quelque 140 millions de dollars transitaient chaque année par le réseau de Barakaat, dont 80% destinés aux Somaliens restés au pays.
En réalité la décision de Washington, en novembre 2001, de geler cette institution aux USA comme dans les pays du Golfe avait eu des conséquences dramatiques à Mogadiscio et dans toutes les autres villes somaliennes où Barakaat était présente. Car celle-ci est la principale société de la Somalie et assurait, outre la distribution de la plupart des biens de consommation courante, le transfert de fonds de la diaspora somalienne vers ceux qui sont demeurés dans ce pays en guerre civile depuis plus de dix ans. De fait Barakaat assurait la quasi-totalité des revenus de nombreuses familles somaliennes, ainsi d’ailleurs que les fonds destinés aux membres des organisations internationales, à commencer par ceux de l’ONU.
La décision américaine de «blanchir» Barakaat seulement maintenant est d’autant plus incompréhensible que Washington sait pertinemment depuis la mi-décembre 2001 que la Somalie ne sert pas de base arrière à Al Qaïda. De sources concordantes ont confirmé en effet que, à l’occasion de différentes incursions militaires lancées par des unités spécialisées éthiopiennes dans le Puntland comme dans sud de la Somalie, des commandos américains ont accompagné les troupes d’Addis Abeba et ont pu constater de visu l’absence de tout camp d’entraînement lié aux réseaux de Ben Laden.
par Elio Comarin
Article publié le 31/08/2002