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Nigeria

Vives réactions à la condamnation à mort d’Amina

Contrairement à Safiya Hussaini qui, sous la pression internationale, avait été acquittée lors de son jugement en appel, Amina Lawal a vu sa condamnation à mort pour adultère confirmée lundi par une cour d’appel islamique du nord du Nigeria. L’exécution de la peine de cette jeune femme, âgée de trente ans et mère de trois enfants, ne devrait toutefois pas survenir avant janvier 2004. Elle a encore la possibilité de faire appel devant deux autres juridictions. Mais déjà des associations se mobilisent à travers le monde pour empêcher que sa condamnation ne soit appliquée.
Amina Lawal berçait sa petite fille Wassila âgée de huit mois lorsque les quatre juges de la cour d’appel islamique de Funtua, dans le Nord du Nigeria, lui ont confirmée qu’elle serait lapidée à mort pour adultère. «A partir de nos enquêtes et des livres islamiques, moi, Aliyu Abdullahi, et mes trois assistants ici présents, maintenons le jugement pris par la cour islamique de Bakori. Ce jugement sera appliqué aussitôt que votre bébé sera sevré», a ainsi déclaré le président du tribunal, tandis que l’assistance accueillait le verdict en criant «Allah u Akbar», Dieu est grand. Si cette sentence est appliquée, Amina sera la première femme nigériane exécutée par lapidation depuis l’introduction, ces trois dernières années, de la loi islamique, la charia, dans douze Etats du nord du pays. Elle pourrait servir également de prétexte pour justifier des dizaines d’autres condamnations dans ces régions en conflit ouvert avec le gouvernement fédéral qui a déclaré en mars dernier la charia contraire à la Constitution du pays. Les avocats d’Amina ont d’ores et déjà annoncé qu’ils feraient appel de cette condamnation. Dans le cas d’une nouvelle confirmation de sa peine devant un autre tribunal islamique, la jeune femme pourrait s’adresser à la cour suprême et en dernier recours attendre une grâce présidentielle.

L’histoire d’Amina est celle d’un drame familial. Répudiée à deux reprises, elle entame en décembre 2000 une liaison avec un homme, Yahaya Mahmud, qui dure près d’un an, jusqu’à la naissance de son troisième enfant, Wassila. La jeune femme aurait pu vivre paisiblement auprès de sa petite famille, si son beau-père n’était pas allé, par dépit, la dénoncer au chef du village. Arrêtée le 4 mars dernier, elle est condamnée quinze jours plus tard à être lapidée à mort. Selon la charia, en effet, toute femme mariée une première fois, même si elle a divorcé, est coupable d’adultère si elle a des relations sexuelles sans être remariée. Et le principal tort d’Amina est d’avoir eu un enfant hors mariage, seule preuve requise par les tribunaux islamiques du Nigeria. Yahaya Mahmud, qui a reconnu avoir entretenu une liaison de plusieurs mois avec la jeune femme, a été acquitté. Il lui a suffit de jurer sur le coran ne pas être le père de l’enfant.

«Une décision barbare»

Le verdict, qui a confirmé lundi la condamnation à mort par lapidation d’Amina Lawal, a été vivement dénoncé par de nombreuses associations de défense des droits de l’homme à travers le monde. «Cette décision barbare et moyenâgeuse doit appeler la mise au ban du Nigeria de la part de la communauté internationale», a ainsi estimé en France Mouloud Aounit, le président du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples. L’heure est à la mobilisation pour Michel Tubiana, le président de la Ligue française des droits de l’homme, pour qui «l’Afrique doit se mobiliser contre de telles pratiques et interpeller l’Union Africaine». Ces deux associations françaises ont annoncé qu’elles organiseraient des manifestations pour protester contre cette décision qu’elles jugent contraire aux principes des droits de l’homme.

Aux Etats-Unis Human Watch Rights (HWR) et National Organization for Women (Now) ont également violemment critiqué ce verdict en estimant qu’il s’agissait d’«une application cruelle et barbare de la charia». Ces deux associations ont appelé le département d’Etat à «faire pression autant qu’il est possible sur le gouvernement nigérian pour que cette décision soit annulée». L’association internationale pour l’abolition de la peine de mort «Hands off Cain», basée à Rome, a de son côté annoncé qu’une de ses délégations se rendra en septembre prochain au Nigeria pour rencontrer le président Obassanjo et plaider la cause de la jeune femme. «Hands off Cain» se veut optimiste et estime que le chef d’Etat nigérian «s’engagera pour sauver Amina de l’exécution par lapidation comme il l’a fait pour Safiya Husseini».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 20/08/2002