Ouganda
Des prêtres torturés pour avoir dénoncé la guerre
Trois prêtres occidentaux ont été arrêtés et menacés de morts par l’armée ougandaise alors qu’ils poursuivaient des pourparlers avec l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) dans le nord de l’Ouganda. L’Armée ougandaise poursuit une vaste offensive depuis le mois de février dernier dans le Sud Soudan et dans le Nord de l’Ouganda contre ces rebelles qui combattent depuis seize ans le régime de Museveni. Les tentatives de médiations amorcées depuis le mois de juin par les églises et des chefs traditionnels se sont heurtés à la volonté gouvernementale de vaincre cette rébellion par les armes.
De notre correspondant à Kampala
Plus on s’éloigne de Kampala sur cette belle route rectiligne qui va à Gulu, du Sud au Nord, plus le paysage devient sec et les véhicules rares. Seize ans de quasi guerre civile ont décimé les troupeaux auparavant nombreux . La population du Nord a été placée dans des camps gardés par l’armée afin d’enlever aux rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur la possibilité de se cacher dans les villages. De ces villages il ne reste bien souvent que des ruines.
Faute de pouvoir s’engager dans des activités autres que de l’agriculture de survivance, les populations des camps survivent essentiellement grâce à l’aide humanitaire. Les boites d’huiles végétale et les sacs de mais frappés du drapeau américain sont presque les seuls produits que l’on trouve dans les petites boutiques des camps, à côté des produits indispensables comme le savon et le sel vendu en petite quantité. Le gouvernement insiste pour que ces personnes chassées de leurs villages payent néanmoins un impot particulièrement impopulaire. Chaque ougandais riche ou pauvre est tenu en effet de payer chaque année un impôt minimum, dit “graduated tax” d’environ 5 euros. Une somme impossible à rassembler pour beaucoup de ces déplacés qui sont alors jetés en prisons. Malgré cela, le budget du district de Gulu est déficitaire de plus de 90%. Les principaux signes extérieurs de richesse à Gulu sont les véhicules blindés, les hélicoptères et les AK 47 de l’armée régulière. Toute initiative de paix est donc accueillie avec enxiété par une population fièvreuse de pouvoir reconstruire ses villages et ses habitudes de vie.
“Nous avons été traités comme des bêtes”
Les églises et des chefs traditionnels ont initié depuis le mois de juin, sous la direction de l’archevêque Odama une médiation fructueuse avec les rebelles. Ces derniers ont annoncé le 25 août qu’ils proclamaient un cessez-le-feu unilatéral. Mais l’armée ougandaise, qui se croit en position de supériorité, a multiplié ses offensives et menacé de mort plusieurs prêtres catholiques capturés dans un village le 28 août alors qu’ils poursuivaient des pourparlers avec l’armée de Résistance du Seigneur. Incarcérés dans une caserne de Kitgum, dans le nord de l’Ouganda, les prêtres ont été déshabillés et menacés de mort. Après avoir subi un interrogatoire ils ont été jetés dans un cachot sans eau ni nourriture.
“Nous avons été traités comme des bêtes”, a témoigné le Père Giulio Albanese de l’agence de presse catholique MISNA. lors de sa libération, vingt-quatre heures plus tard. "Nous avions perpétuellement la sensation que les militaires ougandais pouvaient nous éliminer d'un moment à l'autre», ajoute-t-il. Le porte-parole de l’armée, Shaban Bantariza justifie l’arrestation et l’interrogatoire musclé des religieux en affirmant que l’armée ne savait pas ce que les religieux faisaient avec les rebelles. “S’ils étaient en mission de paix, comment se fait-il que les chefs locaux et les forces de sécurités locales n’aient pas été averties ?”, interroge Shaban Bantariza. En réalité, ces négociations de paix avaient été annoncées par la presse nationale !
L’arrestation semble donc motivée avant tout par le souci du gouvernement de faire taire toute opposition aux opérations militaires en cours. Ce n’est en effet certainement pas un hasard si l’un des prêtres incarcérés est le père espagnol Carlos Rodriguez, qui a été blessé au bras par l’éclat d’une grenade lors de son arrestation. Le Père Rodriguez avait en effet suscité la colère du président Museveni en écrivant en début de semaine dans le quotidien indépendant The Monitor qu’il ne pouvait pas y avoir de victoire militaire contre les rebelles. Museveni avait répondu à cette lettre deux jours plus tard dans le même quotidien pour accuser le père Carlos Rodriguez de “pacifisme”. Un mot, qui dans la bouche de l’ancien guérillero résonne comme une suprême insulte.
Les combats se sont d’ailleurs multipliés depuis que l’armée ougandaise a lancé une vaste offensive contre les bases arrières de la LRA au Sud Soudan, en février dernier. Avec l’accord de Khartoum, elle a déployé 14.000 hommes au Sud Soudan, soutenus par l’aviation et l’artillerie lourde. Cependant les rebelles sont parvenus à briser le siège et à rentrer en Ouganda, où ils se sont divisés en petits groupes mobiles. Ils attaquent principalement les camps de déplacés et les convois militaires.
Le président Museveni affirme que 450 rebelles ont été tués ces derniers jours et seulement 37 faits prisonniers. Des chiffres qui témoignent de la férocité des combats. Dans une lettre parue dans un quotidien pro-gouvernemental, le président ougandais reconnaît néanmoins que, «ce qui est tragique, c’est que la plupart de ces prétendus ennemis tués par l’armée sont des enfants pris en otages et transformés en soldats par la rébellion».
Plus on s’éloigne de Kampala sur cette belle route rectiligne qui va à Gulu, du Sud au Nord, plus le paysage devient sec et les véhicules rares. Seize ans de quasi guerre civile ont décimé les troupeaux auparavant nombreux . La population du Nord a été placée dans des camps gardés par l’armée afin d’enlever aux rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur la possibilité de se cacher dans les villages. De ces villages il ne reste bien souvent que des ruines.
Faute de pouvoir s’engager dans des activités autres que de l’agriculture de survivance, les populations des camps survivent essentiellement grâce à l’aide humanitaire. Les boites d’huiles végétale et les sacs de mais frappés du drapeau américain sont presque les seuls produits que l’on trouve dans les petites boutiques des camps, à côté des produits indispensables comme le savon et le sel vendu en petite quantité. Le gouvernement insiste pour que ces personnes chassées de leurs villages payent néanmoins un impot particulièrement impopulaire. Chaque ougandais riche ou pauvre est tenu en effet de payer chaque année un impôt minimum, dit “graduated tax” d’environ 5 euros. Une somme impossible à rassembler pour beaucoup de ces déplacés qui sont alors jetés en prisons. Malgré cela, le budget du district de Gulu est déficitaire de plus de 90%. Les principaux signes extérieurs de richesse à Gulu sont les véhicules blindés, les hélicoptères et les AK 47 de l’armée régulière. Toute initiative de paix est donc accueillie avec enxiété par une population fièvreuse de pouvoir reconstruire ses villages et ses habitudes de vie.
“Nous avons été traités comme des bêtes”
Les églises et des chefs traditionnels ont initié depuis le mois de juin, sous la direction de l’archevêque Odama une médiation fructueuse avec les rebelles. Ces derniers ont annoncé le 25 août qu’ils proclamaient un cessez-le-feu unilatéral. Mais l’armée ougandaise, qui se croit en position de supériorité, a multiplié ses offensives et menacé de mort plusieurs prêtres catholiques capturés dans un village le 28 août alors qu’ils poursuivaient des pourparlers avec l’armée de Résistance du Seigneur. Incarcérés dans une caserne de Kitgum, dans le nord de l’Ouganda, les prêtres ont été déshabillés et menacés de mort. Après avoir subi un interrogatoire ils ont été jetés dans un cachot sans eau ni nourriture.
“Nous avons été traités comme des bêtes”, a témoigné le Père Giulio Albanese de l’agence de presse catholique MISNA. lors de sa libération, vingt-quatre heures plus tard. "Nous avions perpétuellement la sensation que les militaires ougandais pouvaient nous éliminer d'un moment à l'autre», ajoute-t-il. Le porte-parole de l’armée, Shaban Bantariza justifie l’arrestation et l’interrogatoire musclé des religieux en affirmant que l’armée ne savait pas ce que les religieux faisaient avec les rebelles. “S’ils étaient en mission de paix, comment se fait-il que les chefs locaux et les forces de sécurités locales n’aient pas été averties ?”, interroge Shaban Bantariza. En réalité, ces négociations de paix avaient été annoncées par la presse nationale !
L’arrestation semble donc motivée avant tout par le souci du gouvernement de faire taire toute opposition aux opérations militaires en cours. Ce n’est en effet certainement pas un hasard si l’un des prêtres incarcérés est le père espagnol Carlos Rodriguez, qui a été blessé au bras par l’éclat d’une grenade lors de son arrestation. Le Père Rodriguez avait en effet suscité la colère du président Museveni en écrivant en début de semaine dans le quotidien indépendant The Monitor qu’il ne pouvait pas y avoir de victoire militaire contre les rebelles. Museveni avait répondu à cette lettre deux jours plus tard dans le même quotidien pour accuser le père Carlos Rodriguez de “pacifisme”. Un mot, qui dans la bouche de l’ancien guérillero résonne comme une suprême insulte.
Les combats se sont d’ailleurs multipliés depuis que l’armée ougandaise a lancé une vaste offensive contre les bases arrières de la LRA au Sud Soudan, en février dernier. Avec l’accord de Khartoum, elle a déployé 14.000 hommes au Sud Soudan, soutenus par l’aviation et l’artillerie lourde. Cependant les rebelles sont parvenus à briser le siège et à rentrer en Ouganda, où ils se sont divisés en petits groupes mobiles. Ils attaquent principalement les camps de déplacés et les convois militaires.
Le président Museveni affirme que 450 rebelles ont été tués ces derniers jours et seulement 37 faits prisonniers. Des chiffres qui témoignent de la férocité des combats. Dans une lettre parue dans un quotidien pro-gouvernemental, le président ougandais reconnaît néanmoins que, «ce qui est tragique, c’est que la plupart de ces prétendus ennemis tués par l’armée sont des enfants pris en otages et transformés en soldats par la rébellion».
par Gabriel Kahn
Article publié le 31/08/2002