Développement durable
Négociations : l’essentiel reste à faire
Négociations bloqués, positions inconciliables. Les chefs d’Etat et de gouvernement qui viennent d’arriver à Johannesburg ont du pain sur la planche pour tenter d’éviter que le sommet de la Terre ne soit un échec complet.
De notre correspondante à Johannesburg
«Les questions d’environnement ont été effacées pour faire place aux questions de commerce, qui sont précisément la cause de nos problèmes d’environnement. Nous assistons à une crise de gouvernance comme l’humanité n’en a jamais connue.» Ces propos, tenus hier par Vandana Shiva, l’égérie indienne de la lutte contre la mondialisation, illustrent la tension qui règne au Centre de conventions internationales (ICC) de Sandton. «Rien ne sortira de ce sommet», soupirait hier un délégué suisse, visiblement désabusé.
Les chefs d’Etat qui ont convergé vers Johannesburg ce week-end ne dormiront pas beaucoup. S’il ne reste que 5 % du texte final ouvert à la discussion, les points de désaccords sont encore nombreux. Dures, les négociations achoppent sur deux des principes obtenus voilà dix ans, à Rio. Le premier stipule que les pays industrialisés, plus gros consommateurs et plus gros pollueurs, doivent assumer une plus grande part de responsabilité dans la dégradation de l’environnement. Et débourser plus, ce qu’ils se refusent à faire.
Quant «principe de précaution», au lieu de trouver un début de mise en oeuvre à Johannesburg, il pourrait tout simplement passer à la trappe. Ce principe, qui permet aux pays de refuser des produits (comme les organismes génétiquement modifiés) s’ils ont le moindre doute sans avoir nécessairement la preuve concernant leur nocivité, pourrait être effacé du texte de la déclaration finale, sous la pression des Etats-Unis. La première puissance économique du monde explique que ce principe va à l’encontre de pratiques commerciales «normales».
Sauver le sommet de Johannesburg
Les Etats-Unis, eux, sont accusés de vouloir introduire ces pratiques commerciales dans les négociations elles-mêmes. Le Japon, un allié de l’Amérique dans les négociations, a été accusé de se livrer à un véritable marchandage. Rémi Parmentier, un responsable de Greenpeace, a accusé des officiels japonais d’avoir approché les délégations européennes en leur proposant de céder sur les énergies renouvelables, contre une avancée sur l’eau. Sur les énergies renouvelables, Washington et l’Opep ne veulent pas des objectifs chiffrés (10 % de la consommation mondiale en 2015) proposés par les Européens. «Il n’est pas nécessairement judicieux de promouvoir les énergies renouvelables, plus chères que les autres sources d’énergie, si l’on veut élargir le plus possible l’accès à l’énergie», a expliqué Paula Dobriansky, chef de la délégation américaine aux négociations.
Alors que Thabo Mbeki, le président sud-africain, ne désespère pas de voir un accord l’emporter contre «l’apartheid mondial», Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, se prépare à passer toute sa journée, mardi, à s’entretenir avec les chefs d’Etat pour sauver Johannesburg. La tâche sera ardue. Les grands contentieux constatés à Bali, lors de la dernière réunion préparatoire du Sommet, paraissent toujours aussi forts. Pour les pays du G 77, la question de l’accès aux marchés du Nord et des subventions agricoles des pays industrialisés reste sur la table. Aucun accord, de même, n’a été trouvé sur l’idée d’un Nouveau fonds de solidarité mondiale destiné à éradiquer la pauvreté.
Du côté des ONG, l’on s’inquiète de voir les considérations commerciales l’emporter sur l’environnement. Meena Ramaan, un représentant des Amis de la Terre en Malaisie, redoute de voir l’ordre du jour de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) formater celui du développement durable. «A notre avis, cela devrait être le contraire. Si des règles et des accords passés dans le cadre de l’OMS contredisent des objectifs de développement durable et de protection de l’environnement, ils devraient être changés».
A trois jours de la clôture du Sommet mondial sur le développement durable, mercredi, Gro Brundland, la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a lancé un appel à la raison. «L’investissement dans l’avenir de la planète est une démarche logique, les coûts de reconstruction après une catastrophe étant toujours plus élevés que les coûts de sa prévention». Reste à savoir si elle sera entendue.
A lire également :
L'europe fait elle tout pour aider les pays en développement ?
Chronique Europe de Valérie Lainé (02/09/2002).
Les messieurs Homais de Johannesburg
Edito économique de Norbert Navarro (02/09/2002).
A écouter :
Roselyne Bachelot L'égoïsme des Pays riches envers les pays pauvres (lundi 2 septembre 2002, au micro de Pierre Ganz).
Amara Essy Les attentes de l'Afrique après le sommet sur le développement durable( lundi 2 septembre 2002, au micro de Assane Diop)
«Les questions d’environnement ont été effacées pour faire place aux questions de commerce, qui sont précisément la cause de nos problèmes d’environnement. Nous assistons à une crise de gouvernance comme l’humanité n’en a jamais connue.» Ces propos, tenus hier par Vandana Shiva, l’égérie indienne de la lutte contre la mondialisation, illustrent la tension qui règne au Centre de conventions internationales (ICC) de Sandton. «Rien ne sortira de ce sommet», soupirait hier un délégué suisse, visiblement désabusé.
Les chefs d’Etat qui ont convergé vers Johannesburg ce week-end ne dormiront pas beaucoup. S’il ne reste que 5 % du texte final ouvert à la discussion, les points de désaccords sont encore nombreux. Dures, les négociations achoppent sur deux des principes obtenus voilà dix ans, à Rio. Le premier stipule que les pays industrialisés, plus gros consommateurs et plus gros pollueurs, doivent assumer une plus grande part de responsabilité dans la dégradation de l’environnement. Et débourser plus, ce qu’ils se refusent à faire.
Quant «principe de précaution», au lieu de trouver un début de mise en oeuvre à Johannesburg, il pourrait tout simplement passer à la trappe. Ce principe, qui permet aux pays de refuser des produits (comme les organismes génétiquement modifiés) s’ils ont le moindre doute sans avoir nécessairement la preuve concernant leur nocivité, pourrait être effacé du texte de la déclaration finale, sous la pression des Etats-Unis. La première puissance économique du monde explique que ce principe va à l’encontre de pratiques commerciales «normales».
Sauver le sommet de Johannesburg
Les Etats-Unis, eux, sont accusés de vouloir introduire ces pratiques commerciales dans les négociations elles-mêmes. Le Japon, un allié de l’Amérique dans les négociations, a été accusé de se livrer à un véritable marchandage. Rémi Parmentier, un responsable de Greenpeace, a accusé des officiels japonais d’avoir approché les délégations européennes en leur proposant de céder sur les énergies renouvelables, contre une avancée sur l’eau. Sur les énergies renouvelables, Washington et l’Opep ne veulent pas des objectifs chiffrés (10 % de la consommation mondiale en 2015) proposés par les Européens. «Il n’est pas nécessairement judicieux de promouvoir les énergies renouvelables, plus chères que les autres sources d’énergie, si l’on veut élargir le plus possible l’accès à l’énergie», a expliqué Paula Dobriansky, chef de la délégation américaine aux négociations.
Alors que Thabo Mbeki, le président sud-africain, ne désespère pas de voir un accord l’emporter contre «l’apartheid mondial», Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies, se prépare à passer toute sa journée, mardi, à s’entretenir avec les chefs d’Etat pour sauver Johannesburg. La tâche sera ardue. Les grands contentieux constatés à Bali, lors de la dernière réunion préparatoire du Sommet, paraissent toujours aussi forts. Pour les pays du G 77, la question de l’accès aux marchés du Nord et des subventions agricoles des pays industrialisés reste sur la table. Aucun accord, de même, n’a été trouvé sur l’idée d’un Nouveau fonds de solidarité mondiale destiné à éradiquer la pauvreté.
Du côté des ONG, l’on s’inquiète de voir les considérations commerciales l’emporter sur l’environnement. Meena Ramaan, un représentant des Amis de la Terre en Malaisie, redoute de voir l’ordre du jour de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) formater celui du développement durable. «A notre avis, cela devrait être le contraire. Si des règles et des accords passés dans le cadre de l’OMS contredisent des objectifs de développement durable et de protection de l’environnement, ils devraient être changés».
A trois jours de la clôture du Sommet mondial sur le développement durable, mercredi, Gro Brundland, la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a lancé un appel à la raison. «L’investissement dans l’avenir de la planète est une démarche logique, les coûts de reconstruction après une catastrophe étant toujours plus élevés que les coûts de sa prévention». Reste à savoir si elle sera entendue.
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Roselyne Bachelot L'égoïsme des Pays riches envers les pays pauvres (lundi 2 septembre 2002, au micro de Pierre Ganz).
Amara Essy Les attentes de l'Afrique après le sommet sur le développement durable( lundi 2 septembre 2002, au micro de Assane Diop)
par Sabine Cessou
Article publié le 02/09/2002