Développement durable
Des ONG disent «non au Sommet de la honte»
Au Water Dome, un centre d’exposition du sommet entièrement consacré à l’eau, la même ambiance hi-tech règne qu’au Village Ubuntu. Des lanières de plastique translucide, inondées de jeux de lumière, simulent une chute d’eau sous la coupole de cet édifice futuriste. Dans ce bâtiment excentré de Randburg, au nord de Johannesburg, les groupes privés se mettent en avant, aux côtés des agences, des pays et des ONG.
De notre correspondante à Johanesburg
Dans le pavillon occupé par la société civile, un comptoir est désert depuis samedi dernier. Le Comité italien pour un contrat mondial sur l’eau (Cicma) a quitté les lieux, bien qu’il soit resté à Johannesburg. Il ne reste plus, sur son comptoir, que quelques feuilles volantes. Les photocopies d’un communiqué intitulé «Non au sommet de la honte», signé par les quinze ONG membres de la Coalition mondiale contre la privatisation de l’eau, parmi lesquelles Attac, la Fondation France Liberté de Danielle Mitterand, de même que le Collectif Joburg 2002, une coalition d’ONG françaises. Le document dénonce le recul des gouvernements en matière d’accès à l’eau douce.
«Au lieu de parler d’accès à tous, comme en 1977 lors de la conférence onusienne de Mar de la Plata, nos représentants affirment aujourd’hui que le seul objectif réaliste est de diminuer de moitié le nombre de personnes privées d’eau d’ici 2015». Ces ONG critiquent par ailleurs l’aspect mercantile du Sommet de Johannesburg. «Nous sommes choqués par le Water Dome, un endroit extravaguant et luxueux occupé par des exposants privés qui soutiennent l’idée que même les pauvres doivent payer pour l’eau».
Face au piétinement des négociations officielles, qui risquent fort d’aboutir à un accord au rabais, une partie de la société civile se mobilise. Le Collectif Joburg 2002, qui représente quelque 120 ONG françaises, a remis hier une lettre ouverte au président français Jacques Chirac. Il a par ailleurs décidé de préparer un appel aux chefs d’Etat, tandis qu’un plan d’action devrait être discuté avec d’autres ONG aujourd’hui, mardi, pour une manifestation le 4 septembre, jour de la clôture du Sommet. «Nous voulons dénoncer, explique Emmanuel Prinet, le coordinateur du Collectif Joburg 2002, le néolibéralisme qui envahit le domaine politique et le fait que les États-Unis se préoccupent uniquement de leurs intérêts économiques à court terme».
Pas de mesure concrète
Du côté du Fonds mondial pour la nature (WWF), les positions sont plus mitigées. «Nous sommes satisfaits d’avoir obtenu un objectif concret pour l’accès à l’eau douce, affirme Janie Pittock, mais l’engagement des États n’est que rhétorique. La moitié du problème reste entier, puisqu’aucun mécanisme n’a été mis en place pour la gestion des rivières par exemple». La raréfaction de l’eau ira en s’aggravant, puisque certains pays du G 77, outre les États-Unis, n’ont pas voulu de mesure concrète en faveur d’une utilisation plus rationnelle de l’eau.
«L’agriculture représente 70 % de la consommation d’eau mondiale, et les industries 20 %, explique Janie Pittock. Si nous continuons, les deux tiers de la population mondiale vivront dans des zones arides en 2025». Parmi les pays ayant fait blocage figurent ceux qui ne veulent pas d’accords contraignants entre plusieurs États concernés par des fleuves qui trouvent leurs sources sur leur territoire national. La Turquie, d’où partent les fleuves du Tigre et de l’Euphrate, essentiels pour l’irrigation de la Syrie et de l’Irak, en est un exemple concret. L’Inde n’a pas non plus joué un rôle constructif, au regret des ONG.
En dehors du manque d’élan et de vision des politiques, les ONG opérant dans le secteur de l’eau critiquent la vision trop étroite qu’ont les conseillers des gouvernements sur les questions d’eau, des ingénieurs pour la plupart. Alors que beaucoup, dans les couloirs du Centre de conventions internationales de Sandton, préparent déjà «l’après Johannesburg», l’un des enseignements du sommet tient aussi aux faiblesses de la société civile. «Nous devrons faire plus à l’avenir», affirme un porte-parole du WWF, sans se prononcer sur la participation de son organisation à une éventuelle manifestation mercredi, ni sur les nouveaux modes de mobilisation à inventer.
A lire également :
Sommet de la terre : la taxe Chirac
Editorial économique de Norbert Navarro (03/09/2002).
Dans le pavillon occupé par la société civile, un comptoir est désert depuis samedi dernier. Le Comité italien pour un contrat mondial sur l’eau (Cicma) a quitté les lieux, bien qu’il soit resté à Johannesburg. Il ne reste plus, sur son comptoir, que quelques feuilles volantes. Les photocopies d’un communiqué intitulé «Non au sommet de la honte», signé par les quinze ONG membres de la Coalition mondiale contre la privatisation de l’eau, parmi lesquelles Attac, la Fondation France Liberté de Danielle Mitterand, de même que le Collectif Joburg 2002, une coalition d’ONG françaises. Le document dénonce le recul des gouvernements en matière d’accès à l’eau douce.
«Au lieu de parler d’accès à tous, comme en 1977 lors de la conférence onusienne de Mar de la Plata, nos représentants affirment aujourd’hui que le seul objectif réaliste est de diminuer de moitié le nombre de personnes privées d’eau d’ici 2015». Ces ONG critiquent par ailleurs l’aspect mercantile du Sommet de Johannesburg. «Nous sommes choqués par le Water Dome, un endroit extravaguant et luxueux occupé par des exposants privés qui soutiennent l’idée que même les pauvres doivent payer pour l’eau».
Face au piétinement des négociations officielles, qui risquent fort d’aboutir à un accord au rabais, une partie de la société civile se mobilise. Le Collectif Joburg 2002, qui représente quelque 120 ONG françaises, a remis hier une lettre ouverte au président français Jacques Chirac. Il a par ailleurs décidé de préparer un appel aux chefs d’Etat, tandis qu’un plan d’action devrait être discuté avec d’autres ONG aujourd’hui, mardi, pour une manifestation le 4 septembre, jour de la clôture du Sommet. «Nous voulons dénoncer, explique Emmanuel Prinet, le coordinateur du Collectif Joburg 2002, le néolibéralisme qui envahit le domaine politique et le fait que les États-Unis se préoccupent uniquement de leurs intérêts économiques à court terme».
Pas de mesure concrète
Du côté du Fonds mondial pour la nature (WWF), les positions sont plus mitigées. «Nous sommes satisfaits d’avoir obtenu un objectif concret pour l’accès à l’eau douce, affirme Janie Pittock, mais l’engagement des États n’est que rhétorique. La moitié du problème reste entier, puisqu’aucun mécanisme n’a été mis en place pour la gestion des rivières par exemple». La raréfaction de l’eau ira en s’aggravant, puisque certains pays du G 77, outre les États-Unis, n’ont pas voulu de mesure concrète en faveur d’une utilisation plus rationnelle de l’eau.
«L’agriculture représente 70 % de la consommation d’eau mondiale, et les industries 20 %, explique Janie Pittock. Si nous continuons, les deux tiers de la population mondiale vivront dans des zones arides en 2025». Parmi les pays ayant fait blocage figurent ceux qui ne veulent pas d’accords contraignants entre plusieurs États concernés par des fleuves qui trouvent leurs sources sur leur territoire national. La Turquie, d’où partent les fleuves du Tigre et de l’Euphrate, essentiels pour l’irrigation de la Syrie et de l’Irak, en est un exemple concret. L’Inde n’a pas non plus joué un rôle constructif, au regret des ONG.
En dehors du manque d’élan et de vision des politiques, les ONG opérant dans le secteur de l’eau critiquent la vision trop étroite qu’ont les conseillers des gouvernements sur les questions d’eau, des ingénieurs pour la plupart. Alors que beaucoup, dans les couloirs du Centre de conventions internationales de Sandton, préparent déjà «l’après Johannesburg», l’un des enseignements du sommet tient aussi aux faiblesses de la société civile. «Nous devrons faire plus à l’avenir», affirme un porte-parole du WWF, sans se prononcer sur la participation de son organisation à une éventuelle manifestation mercredi, ni sur les nouveaux modes de mobilisation à inventer.
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par Sabine Cessou
Article publié le 03/09/2002