Liban
L’étau se resserre autour des médias
En décidant de fermer «définitivement» une chaîne de télévision proche de l’opposition chrétienne, le pouvoir libanais a provoqué une véritable levée de boucliers. La classe politique, les syndicats professionnels et les étudiants se mobilisent pour desserrer l’étau qui se referme autour de la liberté.
De notre correspondant à Beyrouth
Trois mois après la victoire de l’opposition chrétienne lors de l’élection partielle du Metn face à la candidate loyaliste, le pouvoir libanais a réagi sévèrement. Le tribunal des imprimés (qui statut en matière de presse écrite et de médias audiovisuels) a ordonné la fermeture «définitive» de la MTV (Murr Télévision) qui appartient à Gabriel Murr, élu député face à sa nièce, Myrna Murr, soutenue par le pouvoir, lors de cette consultation qui s’est déroulée le 3 juin. Une heure après la publication de la décision de la Cour, une impressionnante force de police a débarqué pour évacuer les locaux de la chaîne de télévision qui ont été mis sous scellés.
De violents heurts ont opposé les forces de l’ordre aux employés, rejoints par des dizaines de partisans de l’opposition, de députés et de syndicalistes. Après des échauffourées qui ont duré deux heures, les policiers sont parvenus à vider le siège principale de la station situé dans le quartier chrétien d’Achrafié, ainsi qu’un immeuble abritant les locaux d’une société de production affiliée, dans le Metn.
Un vaste mouvement de solidarité avec la chaîne-victime s’est immédiatement organisé. Les deux syndicats de la presse et des rédacteurs ont tenu une réunion d’urgence pour examiner les mesures susceptibles «de protéger la liberté d’opinion sérieusement menacée au Liban». Des représentants de l’audiovisuel privé ont participé à la réunion. Les syndicalistes ont décidé de procéder à «une escalade progressive». Dans un premier temps, les médias écrits et audiovisuels boycotteront les informations relatives à l’Etat et à l’administration. Lundi, d’autres décisions seront prises lors d’un «Congrès national pour la défense des libertés» qui rassemblera les syndicats professionnels, des députés de divers horizons politiques et des délégués des différents partis de l’opposition. L’Ordre des avocats s’est également élevé contre cette «atteinte à la liberté d’expression» et a observé ce vendredi 6 septembre une journée de grève symbolique. Entre-temps, la MTV s’est pourvue en cassation pour tenter de casser la décision du tribunal des imprimés.
La rue aussi commence à bouger. Un sit-in a été organisé par des dizaines de partisans de l’opposition devant les locaux de la télévision fermée. Il se poursuivra jusqu’à la réouverture de la MTV, selon les organisateurs.
La décision judiciaire qui a frappé la télévision ne fait pas l’unanimité au sein même du gouvernement. Les trois ministres proches du chef druze Walid Joumblatt ont ainsi boycotté la réunion du Cabinet, jeudi, en signe de protestation.
Une mesure discrétionnaire contre MTV
L’attitude du ministre de l’Information, Ghazi Aridi, qui s’est vivement élevé contre la fermeture, permet d’expliquer les véritables enjeux politiques qui se cachent derrière cette affaire. Dès le lendemain de l’élection partielle du Metn, M. Aridi, sous prétexte de défendre la liberté d’opinion, s’était farouchement opposé à la fermeture de la MTV, seul média audiovisuel à faire ouvertement campagne contre le président de la République. Cependant, quelques semaines plus tard, il n’avait pas hésité à traduire en justice une autre chaîne, la LBC, plus proche du chef de l’Etat mais carrément hostile au Premier ministre Rafic Hariri. L’entourage du président y a vu une manœuvre destinée à affaiblir Emile Lahoud. La Sûreté générale, un service de sécurité dirigé par un fidèle du président, a alors réagi en demandant au parquet de poursuivre la MTV pour exacerbation des tensions confessionnelles. ’est finalement pour un autre motif que la MTV a été fermée: violation de l’article 68 de la loi électorale qui interdit toute publicité électorale illicite.
Cette affaire permet de faire la lumière sur les prestations lamentables de l’audiovisuel privé au Liban. La MTV (comme d’autres télévisions d’ailleurs), n’est pas absoute de certains reproches qui lui sont adressés. Parfois, cette chaîne a privilégié la propagande au détriment de l’honnêteté, le commentaire aux dépens du traitement de l’information. Ces manquements aux règles professionnelles les plus élémentaires sont souvent relevés par de nombreux experts en communication au Liban. Mais si depuis un certain temps déjà, des voix s’élèvent pour réclamer une réforme globale de l’audiovisuel, la plupart rejettent la mesure «discrétionnaire» qui a frappé la MTV alors que d’autres chaînes de télévisions, toutes aussi peu professionnelles, ne sont nullement inquiétées.
L’affaire de la MTV n’est pas encore terminée, mais elle a permis d’ores et déjà de confirmer deux certitudes: au Liban, la justice reste fortement influencée par le pouvoir politique et l’audiovisuel à besoin d’un sérieux lifting.
Trois mois après la victoire de l’opposition chrétienne lors de l’élection partielle du Metn face à la candidate loyaliste, le pouvoir libanais a réagi sévèrement. Le tribunal des imprimés (qui statut en matière de presse écrite et de médias audiovisuels) a ordonné la fermeture «définitive» de la MTV (Murr Télévision) qui appartient à Gabriel Murr, élu député face à sa nièce, Myrna Murr, soutenue par le pouvoir, lors de cette consultation qui s’est déroulée le 3 juin. Une heure après la publication de la décision de la Cour, une impressionnante force de police a débarqué pour évacuer les locaux de la chaîne de télévision qui ont été mis sous scellés.
De violents heurts ont opposé les forces de l’ordre aux employés, rejoints par des dizaines de partisans de l’opposition, de députés et de syndicalistes. Après des échauffourées qui ont duré deux heures, les policiers sont parvenus à vider le siège principale de la station situé dans le quartier chrétien d’Achrafié, ainsi qu’un immeuble abritant les locaux d’une société de production affiliée, dans le Metn.
Un vaste mouvement de solidarité avec la chaîne-victime s’est immédiatement organisé. Les deux syndicats de la presse et des rédacteurs ont tenu une réunion d’urgence pour examiner les mesures susceptibles «de protéger la liberté d’opinion sérieusement menacée au Liban». Des représentants de l’audiovisuel privé ont participé à la réunion. Les syndicalistes ont décidé de procéder à «une escalade progressive». Dans un premier temps, les médias écrits et audiovisuels boycotteront les informations relatives à l’Etat et à l’administration. Lundi, d’autres décisions seront prises lors d’un «Congrès national pour la défense des libertés» qui rassemblera les syndicats professionnels, des députés de divers horizons politiques et des délégués des différents partis de l’opposition. L’Ordre des avocats s’est également élevé contre cette «atteinte à la liberté d’expression» et a observé ce vendredi 6 septembre une journée de grève symbolique. Entre-temps, la MTV s’est pourvue en cassation pour tenter de casser la décision du tribunal des imprimés.
La rue aussi commence à bouger. Un sit-in a été organisé par des dizaines de partisans de l’opposition devant les locaux de la télévision fermée. Il se poursuivra jusqu’à la réouverture de la MTV, selon les organisateurs.
La décision judiciaire qui a frappé la télévision ne fait pas l’unanimité au sein même du gouvernement. Les trois ministres proches du chef druze Walid Joumblatt ont ainsi boycotté la réunion du Cabinet, jeudi, en signe de protestation.
Une mesure discrétionnaire contre MTV
L’attitude du ministre de l’Information, Ghazi Aridi, qui s’est vivement élevé contre la fermeture, permet d’expliquer les véritables enjeux politiques qui se cachent derrière cette affaire. Dès le lendemain de l’élection partielle du Metn, M. Aridi, sous prétexte de défendre la liberté d’opinion, s’était farouchement opposé à la fermeture de la MTV, seul média audiovisuel à faire ouvertement campagne contre le président de la République. Cependant, quelques semaines plus tard, il n’avait pas hésité à traduire en justice une autre chaîne, la LBC, plus proche du chef de l’Etat mais carrément hostile au Premier ministre Rafic Hariri. L’entourage du président y a vu une manœuvre destinée à affaiblir Emile Lahoud. La Sûreté générale, un service de sécurité dirigé par un fidèle du président, a alors réagi en demandant au parquet de poursuivre la MTV pour exacerbation des tensions confessionnelles. ’est finalement pour un autre motif que la MTV a été fermée: violation de l’article 68 de la loi électorale qui interdit toute publicité électorale illicite.
Cette affaire permet de faire la lumière sur les prestations lamentables de l’audiovisuel privé au Liban. La MTV (comme d’autres télévisions d’ailleurs), n’est pas absoute de certains reproches qui lui sont adressés. Parfois, cette chaîne a privilégié la propagande au détriment de l’honnêteté, le commentaire aux dépens du traitement de l’information. Ces manquements aux règles professionnelles les plus élémentaires sont souvent relevés par de nombreux experts en communication au Liban. Mais si depuis un certain temps déjà, des voix s’élèvent pour réclamer une réforme globale de l’audiovisuel, la plupart rejettent la mesure «discrétionnaire» qui a frappé la MTV alors que d’autres chaînes de télévisions, toutes aussi peu professionnelles, ne sont nullement inquiétées.
L’affaire de la MTV n’est pas encore terminée, mais elle a permis d’ores et déjà de confirmer deux certitudes: au Liban, la justice reste fortement influencée par le pouvoir politique et l’audiovisuel à besoin d’un sérieux lifting.
Article publié le 06/09/2002