Irak
La volte-face de Bagdad
Dans une lettre au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, le ministre irakien des Affaires étrangères indique que l’Irak autorise les inspecteurs en désarmement de l’ONU à revenir «sans condition». Pour la Maison Blanche, il s’agit d’une «tactique vouée à l’échec».
Dans un coup de théâtre lundi en fin de journée, l’Irak a fait savoir qu’il acceptait désormais le retour «sans condition» des inspecteurs en désarmement des Nations unies tout en espérant que cet accord ouvrirait la voie à la levée de l’embrago qui frappe l’Irak depuis août 1990. L’annonce a pris la forme d’une lettre remise en mains propres par le ministre irakien des Affaires étrangères Naji Sabri au secrétaire général de l’ONU Kofi Annan. Ce dernier, qui a rendu public le contenu de cette lettre, a aussitôt déclaré que Hans Blix, le chef des inspecteurs, et son équipe, étaient prêts à se mettre immédiatement au travail. Mais au préalable, Kofi Annan va transmettre la lettre du chef de la diplomatie irakienne au Conseil de sécurité qui devra décider de la prochaine étape.
Cela promet de n’être pas une simple formalité. Car si le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov s’est réjoui du «recul de la menace de guerre» et son collègue français Dominique de Villepin a déclaré qu’il fallait désormais «prendre Saddam Hussein au mot» la nouvelle a été fraîchement accueillie à Londres et à Washington. Un porte-parole du Premier ministre britannique Tony Blair a observé que «Saddam Hussein avait une longue histoire de ne pas jouer franc-jeu», quant à la Maison Blanche, elle estime qu’il s’agit d’un «geste tactique de la part de l’Irak pour éviter une action vigoureuse du Conseil de sécurité mais que cette tactique est vouée à l’échec».
En fait, pour l’administration Bush, cette lettre est une très mauvaise nouvelle au moment où l’on assistait à un durcissement général contre Bagdad, ce dont se félicitaient ces derniers jours les principaux dirigeants américains. Le changement le plus notable était intervenu dans le monde arabe où des pays clés comme l’Égypte, l’Arabie Saoudite et la Jordanie appelaient ouvertement l’Irak à autoriser le retour des inspecteurs de l’ONU, faute de quoi, il devrait faire face à une action énergique de la communauté internationale. L’Arabie Saoudite, qui, depuis des mois, refusait catégoriquement d’envisager de prêter son sol à une action contre l’Irak venait tout juste d’évoluer. Durant le week-end, le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud Al Fayçal avait laissé entendre que tel ne serait pas le cas si une opération militaire était décidée par le Conseil de sécurité.
La survie du régime est en jeu
En 1991, jusqu’à la dernière minute, les dirigeants américains avaient redouté le «scénario-catastrophe», c’est-à-dire un retrait partiel du Koweït des Irakiens, qui aurait privé la coalition menée par Washington de ses soutiens internationaux et de sa légitimité. L’entêtement du président irakien qui a refusé d’écouter tous les conseils qui lui étaient prodigués a engendré un véritable soulagement de l’état-major américain qui a pu mener à bien «Tempête du désert» comme prévu. Cette fois-ci, pour Saddam Hussein ce n’est plus seulement l’intégrité territoriale de l’Irak qui est en cause, mais bien la survie de son régime. Apparemment, il a déduit de la situation que s’il ne faisait pas le geste attendu, rien ne pourrait enrayer l’attaque programmée.
Pourtant, dans son discours aux Nations unies, George Bush ne s’est pas contenté d’exiger le retour des inspecteurs, dont quelques jours auparavant, son vice-président Dick Cheney estimait qu’il ne servirait à rien. Pour renoncer à une intervention militaire, Bush mettait comme conditions le retour des prisonniers de guerre et disparus de 1991, le respect des minorités kurdes et chiites et la transformation du régime irakien en démocratie, toutes conditions qu’il est hautement improbable que Saddam Hussein satisfasse.
Par sa décision, le président irakien apporte donc un soulagement à tous ceux qui tentaient de trouver une issue diplomatique à la crise : Arabes, Chinois, Russes et Européens (Grande Bretagne exceptée) en tête. Il n’est pas sûr pour autant qui ait éloigné le spectre d’une intervention militaire anglo-américaine : à plusieurs reprises, ces derniers jours, George W. Bush et Tony Blair ont explicitement fait savoir que leur préférence allait à une intervention militaire sous couvert de l’ONU, mais qu’Américains et Britanniques étaient prêts à s’en passer si la communauté internationale ne prenait pas ses responsabilités. Dans son discours, George Bush avait averti qu’en ce cas, l’ONU aurait perdu toute pertinence, au même titre que la Société des nations qui n’avait su prévenir la Seconde Guerre mondiale.
A lire aussi:
Irak, sortie de crise, l'Edito international de Richard Labévière (17 septembre 2002).
Equipée sauvage à Bagdad, l'Edito politique de Geneviève Goëtzinger (17 septembre 2002).
A écouter:
Jacques Baute, chef des inspecteurs de l'Agence internationale à l'énergie atomique (Invité du matin, Pierre Ganz, 17 septembre 2002).
Cela promet de n’être pas une simple formalité. Car si le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov s’est réjoui du «recul de la menace de guerre» et son collègue français Dominique de Villepin a déclaré qu’il fallait désormais «prendre Saddam Hussein au mot» la nouvelle a été fraîchement accueillie à Londres et à Washington. Un porte-parole du Premier ministre britannique Tony Blair a observé que «Saddam Hussein avait une longue histoire de ne pas jouer franc-jeu», quant à la Maison Blanche, elle estime qu’il s’agit d’un «geste tactique de la part de l’Irak pour éviter une action vigoureuse du Conseil de sécurité mais que cette tactique est vouée à l’échec».
En fait, pour l’administration Bush, cette lettre est une très mauvaise nouvelle au moment où l’on assistait à un durcissement général contre Bagdad, ce dont se félicitaient ces derniers jours les principaux dirigeants américains. Le changement le plus notable était intervenu dans le monde arabe où des pays clés comme l’Égypte, l’Arabie Saoudite et la Jordanie appelaient ouvertement l’Irak à autoriser le retour des inspecteurs de l’ONU, faute de quoi, il devrait faire face à une action énergique de la communauté internationale. L’Arabie Saoudite, qui, depuis des mois, refusait catégoriquement d’envisager de prêter son sol à une action contre l’Irak venait tout juste d’évoluer. Durant le week-end, le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud Al Fayçal avait laissé entendre que tel ne serait pas le cas si une opération militaire était décidée par le Conseil de sécurité.
La survie du régime est en jeu
En 1991, jusqu’à la dernière minute, les dirigeants américains avaient redouté le «scénario-catastrophe», c’est-à-dire un retrait partiel du Koweït des Irakiens, qui aurait privé la coalition menée par Washington de ses soutiens internationaux et de sa légitimité. L’entêtement du président irakien qui a refusé d’écouter tous les conseils qui lui étaient prodigués a engendré un véritable soulagement de l’état-major américain qui a pu mener à bien «Tempête du désert» comme prévu. Cette fois-ci, pour Saddam Hussein ce n’est plus seulement l’intégrité territoriale de l’Irak qui est en cause, mais bien la survie de son régime. Apparemment, il a déduit de la situation que s’il ne faisait pas le geste attendu, rien ne pourrait enrayer l’attaque programmée.
Pourtant, dans son discours aux Nations unies, George Bush ne s’est pas contenté d’exiger le retour des inspecteurs, dont quelques jours auparavant, son vice-président Dick Cheney estimait qu’il ne servirait à rien. Pour renoncer à une intervention militaire, Bush mettait comme conditions le retour des prisonniers de guerre et disparus de 1991, le respect des minorités kurdes et chiites et la transformation du régime irakien en démocratie, toutes conditions qu’il est hautement improbable que Saddam Hussein satisfasse.
Par sa décision, le président irakien apporte donc un soulagement à tous ceux qui tentaient de trouver une issue diplomatique à la crise : Arabes, Chinois, Russes et Européens (Grande Bretagne exceptée) en tête. Il n’est pas sûr pour autant qui ait éloigné le spectre d’une intervention militaire anglo-américaine : à plusieurs reprises, ces derniers jours, George W. Bush et Tony Blair ont explicitement fait savoir que leur préférence allait à une intervention militaire sous couvert de l’ONU, mais qu’Américains et Britanniques étaient prêts à s’en passer si la communauté internationale ne prenait pas ses responsabilités. Dans son discours, George Bush avait averti qu’en ce cas, l’ONU aurait perdu toute pertinence, au même titre que la Société des nations qui n’avait su prévenir la Seconde Guerre mondiale.
A lire aussi:
Irak, sortie de crise, l'Edito international de Richard Labévière (17 septembre 2002).
Equipée sauvage à Bagdad, l'Edito politique de Geneviève Goëtzinger (17 septembre 2002).
A écouter:
Jacques Baute, chef des inspecteurs de l'Agence internationale à l'énergie atomique (Invité du matin, Pierre Ganz, 17 septembre 2002).
par Olivier Da Lage
Article publié le 17/09/2002