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Irak

La communauté internationale divisée

Avant même que le Conseil de sécurité de l’ONU ne se penche sur une résolution condamnant l’attitude de l’Irak et déterminant les moyens de faire pression sur le régime de Saddam Hussein, Bagdad a créé la surprise en acceptant un retour sans conditions des inspecteurs en désarmement des Nations unies. Cette décision a été saluée par la majorité des pays réticents à une intervention militaire contre le régime irakien, soulagés d’y voir une possible solution diplomatique à cette crise. Elle a en revanche été accueillie avec «scepticisme», voire avec dédain par la Maison Blanche et son fidèle allié britannique, plus que jamais déterminés à renverser le maître de Bagdad. Une détermination qu’ils risquent d’avoir beaucoup de mal à imposer aux autres membres du Conseil de sécurité et à leurs alliés arabes.
La décision irakienne d’accepter un retour sans conditions des inspecteurs en désarmement de l’ONU a mis Washington dans l’embarras. La Maison Blanche, dont le but avoué est de renverser le régime de Saddam Hussein qu’elle estime dangereux pour la stabilité dans la région, risque en effet d’avoir toute les difficultés du monde à justifier désormais un conflit contre l’Irak maintenant que la principale revendication de la communauté internationale a été satisfaite par Bagdad. Car mis à part les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, aucun pays ne s’est jamais prononcé pour un changement de régime en Irak. Il n’a d’ailleurs jamais été question d’inclure cet objectif dans une quelconque résolution des Nations unies. Saddam Hussein semble avoir en quelque sorte piégé George Bush en prenant les Américains à contre-pied au moment où ses derniers semblaient avoir fait l’unanimité autour d’eux. Washington peut certes crier à l’imposture en dénonçant «une tactique destinée à gagner du temps», mais maintenant que l’Irak a accepté de «commencer immédiatement les discussions sur les arrangements pratiques pour que les inspecteurs retournent en Irak et reprennent leur tâche», une intervention militaire sous l’égide des Nations unies serait difficile à légitimer.

Les Etats-Unis, qui ont d’ores et déjà affirmé qu’«il ne s’agit pas d’une question d’inspections mais d’éliminer les armes de destruction massive irakiennes», ont largement été soutenus par leurs alliés britanniques. Le ministre des Affaires étrangères Jack Straw a ainsi affirmé qu’une nouvelle résolution des Nations unies sur l’Irak était «nécessaire», se mettant immédiatement à dos les autorités russes. Moscou, qui a droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, a en effet vigoureusement rejeté cette idée. «Il faut régler dans les jours qui viennent la question du retour des inspecteurs», a notamment affirmé le chef de la diplomatie Igor Ivanov, soulignant que ce retour était «un objectif clé pour rassurer la communauté internationale et que cela ne nécessitait pas de nouvelles résolutions». Il a également affirmé que le travail des inspecteurs de l’ONU devrait, dans un proche avenir, «ouvrir la voie à la levée des sanctions en vigueur contre l’Irak», une façon de mettre en garde Washington contre toute tentative d’intervention unilatérale. En se pliant aux exigences de la communauté internationale, Saddam Hussein a donc pour la première fois mis les Etats-Unis dans une situation embarrassante.

Soulagement des pays arabes

La volte-face de l’Irak a été accueillie avec soulagement par plusieurs pays du Proche-Orient, pour qui la décision de Bagdad a permis de désamorcer la crise. Le secrétaire de la Ligue arabe Amr Moussa s’est ainsi félicité de «l’initiative positive de l’Irak», estimant qu’il s’agit d’«une réponse aux appels des pays et des responsables arabes». Bagdad semble en effet avoir cédé aux pressions de certains dirigeants qui avaient averti ces derniers jours qu’ils ne pourraient pas s’opposer indéfiniment à des frappes contre le régime de Saddam Hussein. Le chef de la diplomatie saoudienne, dont le pays avait jusqu’à présent refusé l’usage de ses bases pour une intervention contre Bagdad, a ainsi affirmé lundi, qu’en cas de feu vert de l’Onu, Ryad coopérerait avec Washington. Cette déclaration a certainement dû peser dans la décision irakienne, l’Arabie saoudite occupant une position géographique stratégique. Les Egyptiens et les Jordaniens s’étaient également alignés sur la position saoudienne.

Même si Washington n’a pas écarté le risque d’une intervention militaire contre l’Irak, les places financières mondiales ont salué mardi la décision irakienne d’accepter le retour des inspecteurs en désarmement de l’ONU. La bourse de Tokyo a ainsi clôturer en progression de 3,3 % dans la foulée de l’annonce et les places européennes étaient dès l’ouverture dans le vert. Les cours du pétrole ont également accueilli favorablement la volte-face irakienne. Le prix du Brent a ainsi chuté de près d’un dollar mardi matin.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 18/09/2002