Maroc
Les socialistes restent en tête, percée islamiste
Le scrutin de liste a favorisé les grandes formations, comme on pouvait s’y attendre, mais, paradoxalement, le parti socialiste, sorti premier des urnes, perd des sièges, alors que les partis conservateurs et les islamistes augmentent de façon significative leur représentativité.
De notre correspondante à Casablanca
Quarante-huit heures après la fermeture des bureaux de vote, Driss Jettou, le Ministre de l’Intérieur, a communiqué les résultats quasi-définitifs du scrutin. La commission qui travaille sur la liste nationale, réservée aux femmes, n’était en effet, pas en mesure de rendre ses résultats dimanche soir. La carte politique du Maroc est donc provisoire, dans la mesure où 10% des sièges ne sont pas encore répartis. L’USFP (Union Socialiste des Forces populaires, formation dirigée par le premier ministre sortant, Abderhamane Youssoufi) remporte 45 sièges, le Parti de l’Istiqlal (nationaliste, conservateur) 43, le Parti de la Justice et du Développement (islamiste «modéré») 38, à égalité avec le Rassemblement National des Indépendants, un parti libéral et bourgeois, créé en 1978, à l’époque où l’Intérieur cherchait à affaiblir la représentativité politique. Viennent ensuite deux formations populaires, le Mouvement Populaire et le Mouvement National Populaire, deux formations de droite, avec, respectivement 25 et 16 des 325 sièges à pourvoir à la Chambre des Représentants.
Les sièges restants se répartissent entre les 26 partis en lice, les formations issues du parti communiste s’affaiblissant et la «Gauche Socialiste Unifiée» n’obtenant que 3 sièges, le même sort étant réservé à plusieurs formations nouvelles classées à droite. Rappelons que, traditionnellement, le roi choisit le Premier ministre de son gouvernement au sein du parti le plus fort.
La balkanisation politique que pouvait laisser craindre l’explosion des partis politiques ne s’est donc pas produite. Il semble cependant hâtif d’affirmer que l’ancienne coalition gouvernementale a été reconduite par les urnes. Même si cela devait effectivement se produire dans les semaines qui viennent. Explications.
Le premier constat qui s’impose est que le vainqueur, l’USFP, perd, pour l’instant, 12 sièges par rapport au précédent Parlement. Le PI (Istiqlal), en gagne en revanche 10 et le PJD, qui ne s’est présenté que dans 56 des 91 circonscriptions, en gagne, lui, 24. La «poussée islamiste» est donc réelle, ainsi que le nouvel ancrage à droite de l’échiquier politique marocain. L’USFP peut, certes, former un gouvernement avec le RNI, aujourd’hui classé «centre droit», et avec l’Istiqlal, comme lors du premier gouvernement «d’alternance consensuelle», en 1998. Il n’empêche qu’une telle coalition, implicitement envisagée au soir des résultats, serait, idéologiquement parlant, boiteuse. Avec simplement deux sièges d’écart entre l’USFP et l’Istiqlal, il faudra donc suivre de près les résultats de la liste nationale.
Faible participation
Le second constat concerne la représentativité du Parlement nouvellement élu. Le taux de participation officiel, annoncé 48 heures après le scrutin est de 52%. Il était de 58,3% en 1997. Driss Jettou l’a qualifié « d’honorable », ce qui est indéniable, dans la mesure où le mode de scrutin était nouveau, les concurrents nombreux et 61% de l’électorat analphabète. Honorable, donc, mais indéniablement faible, d’autant plus que 14% des bulletins ont été invalidés. Le nouveau Parlement représente donc un peu moins de 45% du corps électoral. Ce qui n’est pas une surprise, par ailleurs, pour une première, mais ce qui souligne bien la défiance des Marocains envers les députés, et les hommes politiques en général. Ce qui explique peut-être aussi la progression du parti nationaliste et celle du PJD, attachés à des valeurs traditionnelles.
Ce dernier a répété à l’envi qu’il ne se présentait que dans 56 circonscriptions pour «éviter un raz-de-marée islamiste», ce qui peut sembler plausible à la lumière de son score d’aujourd’hui, ce qui relève peut-être simplement de tactique électorale, le PJD ayant évité les scrutins à risque. Aucune alliance de gouvernement avec le PJD n’était envisagée, à chaud, le soir des résultats, mais les islamistes d’Abdelkrim Khatab, sont désormais une formation incontournable sur la carte politique du Maroc.
Reste à savoir encore si un gouvernement crédibilisé par un scrutin populaire «transparent», s’accordera d’un pouvoir amputé par le Palais Royal, qui, nomme directement cinq ministres, outre le chef du gouvernement : à la Justice, à l’Intérieur, aux Affaires étrangères, aux Affaires religieuses et à la Défense. La re-politisation de la scène marocaine devrait, logiquement, atténuer les dispositions consensuelles.
Ecouter également : Monjib Maâti, Professeur et auteur du livre «la monarchie marocaine et la lutte pour le pouvoir» qui répond aux questions de Mouna el Banna, au moment où un nouveau paysage politique apparait à la suite des élections marocaines.
Quarante-huit heures après la fermeture des bureaux de vote, Driss Jettou, le Ministre de l’Intérieur, a communiqué les résultats quasi-définitifs du scrutin. La commission qui travaille sur la liste nationale, réservée aux femmes, n’était en effet, pas en mesure de rendre ses résultats dimanche soir. La carte politique du Maroc est donc provisoire, dans la mesure où 10% des sièges ne sont pas encore répartis. L’USFP (Union Socialiste des Forces populaires, formation dirigée par le premier ministre sortant, Abderhamane Youssoufi) remporte 45 sièges, le Parti de l’Istiqlal (nationaliste, conservateur) 43, le Parti de la Justice et du Développement (islamiste «modéré») 38, à égalité avec le Rassemblement National des Indépendants, un parti libéral et bourgeois, créé en 1978, à l’époque où l’Intérieur cherchait à affaiblir la représentativité politique. Viennent ensuite deux formations populaires, le Mouvement Populaire et le Mouvement National Populaire, deux formations de droite, avec, respectivement 25 et 16 des 325 sièges à pourvoir à la Chambre des Représentants.
Les sièges restants se répartissent entre les 26 partis en lice, les formations issues du parti communiste s’affaiblissant et la «Gauche Socialiste Unifiée» n’obtenant que 3 sièges, le même sort étant réservé à plusieurs formations nouvelles classées à droite. Rappelons que, traditionnellement, le roi choisit le Premier ministre de son gouvernement au sein du parti le plus fort.
La balkanisation politique que pouvait laisser craindre l’explosion des partis politiques ne s’est donc pas produite. Il semble cependant hâtif d’affirmer que l’ancienne coalition gouvernementale a été reconduite par les urnes. Même si cela devait effectivement se produire dans les semaines qui viennent. Explications.
Le premier constat qui s’impose est que le vainqueur, l’USFP, perd, pour l’instant, 12 sièges par rapport au précédent Parlement. Le PI (Istiqlal), en gagne en revanche 10 et le PJD, qui ne s’est présenté que dans 56 des 91 circonscriptions, en gagne, lui, 24. La «poussée islamiste» est donc réelle, ainsi que le nouvel ancrage à droite de l’échiquier politique marocain. L’USFP peut, certes, former un gouvernement avec le RNI, aujourd’hui classé «centre droit», et avec l’Istiqlal, comme lors du premier gouvernement «d’alternance consensuelle», en 1998. Il n’empêche qu’une telle coalition, implicitement envisagée au soir des résultats, serait, idéologiquement parlant, boiteuse. Avec simplement deux sièges d’écart entre l’USFP et l’Istiqlal, il faudra donc suivre de près les résultats de la liste nationale.
Faible participation
Le second constat concerne la représentativité du Parlement nouvellement élu. Le taux de participation officiel, annoncé 48 heures après le scrutin est de 52%. Il était de 58,3% en 1997. Driss Jettou l’a qualifié « d’honorable », ce qui est indéniable, dans la mesure où le mode de scrutin était nouveau, les concurrents nombreux et 61% de l’électorat analphabète. Honorable, donc, mais indéniablement faible, d’autant plus que 14% des bulletins ont été invalidés. Le nouveau Parlement représente donc un peu moins de 45% du corps électoral. Ce qui n’est pas une surprise, par ailleurs, pour une première, mais ce qui souligne bien la défiance des Marocains envers les députés, et les hommes politiques en général. Ce qui explique peut-être aussi la progression du parti nationaliste et celle du PJD, attachés à des valeurs traditionnelles.
Ce dernier a répété à l’envi qu’il ne se présentait que dans 56 circonscriptions pour «éviter un raz-de-marée islamiste», ce qui peut sembler plausible à la lumière de son score d’aujourd’hui, ce qui relève peut-être simplement de tactique électorale, le PJD ayant évité les scrutins à risque. Aucune alliance de gouvernement avec le PJD n’était envisagée, à chaud, le soir des résultats, mais les islamistes d’Abdelkrim Khatab, sont désormais une formation incontournable sur la carte politique du Maroc.
Reste à savoir encore si un gouvernement crédibilisé par un scrutin populaire «transparent», s’accordera d’un pouvoir amputé par le Palais Royal, qui, nomme directement cinq ministres, outre le chef du gouvernement : à la Justice, à l’Intérieur, aux Affaires étrangères, aux Affaires religieuses et à la Défense. La re-politisation de la scène marocaine devrait, logiquement, atténuer les dispositions consensuelles.
Ecouter également : Monjib Maâti, Professeur et auteur du livre «la monarchie marocaine et la lutte pour le pouvoir» qui répond aux questions de Mouna el Banna, au moment où un nouveau paysage politique apparait à la suite des élections marocaines.
par Isabelle Broz
Article publié le 30/09/2002