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Cameroun

Des anciens putschistes dans la galère

Onze officiers accusés d’être impliqués dans des tentatives de coup d’Etat en 1983 et 1984, ont saisi la justice. Ils se plaignent d’une mauvaise application de la loi d’amnistie de 1991.
De notre correspondant au Cameroun

Ils étaient quatorze officiers, tous originaires du Nord, accusés d’être impliqués, malgré leurs dénégations, dans la mutinerie du 6 avril 1984, dont on avait prêté la paternité à Amadou Ahidjo, premier chef de l’Etat du Cameroun indépendant, qui avait démissionné de ses fonctions en novembre 1982. Onze d’entre eux tentent aujourd’hui de relancer la machine judiciaire. C’est une question de droit autant qu’une affaire de survie. Le problème? En décembre 2000, le président Biya signe une série de décrets se rapportant à cette «affaire». Le contexte ne semble pas être pour peu dans cette réaction présidentielle: Yaoundé doit accueillir, début janvier 2001, le 21e sommet France-Afrique, et les hommes en treillis menacent de se faire entendre lors de ces assises.

Dans l’ensemble, les décrets, tout en réintégrant les officiers dans l’armée à compter de septembre 1993, les mettent simultanément à la retraite. Il y est par ailleurs précisé que les intéressés ne bénéficient pas d’une reconstitution de leur carrière. Du coup, les militaires concernés, jetés en prison depuis 1983-84 - pour une tentative de coup d’Etat - en tirent la conclusion que leurs carrières venaient d’être amputées de neuf à dix ans. Résultat, calculette à la main. « Nous nous retrouvons avec des pensions inférieures à celle d’un sergent-chef ou d’un maréchal-des-logis-chef », explique le capitaine Hamadjoda Boubakari, un des onze officiers aujourd’hui dans le désarroi. C’est leur première plainte.

Les fonctionnaires civils impliqués dans le putsch de 1983 avaient repris du service

Deuxièmement, aucun d’entre eux n’a effectivement été réintégré dans les forces armées. Or, la loi d’amnistie avait clairement prévu que les personnes amnistiées ayant occupé des emplois publics seraient réintégrées. En troisième lieu, un des décrets sanctionne les officiers pour les fautes dont ils sont accusés. Or, lesdites fautes -et spécialement la subversion- sont couvertes par la loi d’amnistie. D’où l’étonnement de la défense. «En révoquant rétroactivement ces officiers en décembre 2000, pour les fautes commises en 1983 ou 1984, on a gravement violé la loi d’amnistie de 1991», analyse Me Nguefack, avocat de plusieurs officiers. Et de poursuivre: «Juridiquement, on ne peut pas se fonder sur les faits déjà amnistiés pour les révoquer. Sinon, l’amnistie n’a aucun sens».

Autant d’«entorses» au droit qui ont fondé les officiers, considérés comme des «putschistes», à recourir d’abord au Président de la République, puis à la Cour suprême. Car, une forme de discrimination s’est faite jour dans la gestion de ce dossier par les autorités : sur les quatorze officiers concernés trois - tous des officiers supérieurs- ont bénéficié d’une bonne application de la loi d’amnistie. Tous ont vu leur décret de révocation rapporté depuis 1995, et ont été mis à la retraite sur leur demande, leur carrière ayant été reconstituées, sans qu’elles soient amputées des années passées en prison.

Une sorte de politique de «deux poids, deux mesures», qui laisse perplexe «le groupe des onze», dont le cas est, au demeurant, fort isolé. Dès 1993, les civils relevant de la fonction publique et des sociétés parapubliques emprisonnés dans le cadre des événements d’août 1983 et du 6 avril 1984 avaient repris du service ; de même que les policiers, sous-officiers et hommes de rangs, envoyés en prison à la suite des coups d’état manqués de 1983 et 1984, ont été réintégrés dans leurs corps respectifs.




par Valentin  Zinga

Article publié le 01/09/2002