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Burundi

Des civils massacrés à Gitega

Les circonstances du massacre d’au moins 173 personnes au Burundi, dans la province de Gitega, ne sont pas encore clairement établies. Tout comme le nombre réel de victimes. Mais l’armée vient de reconnaître sa responsabilité dans cette affaire qui risque de contrarier le déroulement des pourparlers de paix engagés, le 12 août dernier, entre le gouvernement et le principal mouvement rebelle.
«Les meurtriers sont entrés dans ces maisons, ont demandé à tout le monde de se coucher et les ont abattus». Un rescapé des massacres qui se sont déroulés dans la commune d’Itaba, à une centaine de kilomètres à l’est de Bujumbura, dans la province de Gitega, explique comment des hommes armés et vêtus d’uniformes ont débarqué, le 9 septembre dernier, dans ce village sur les collines et ont tué des dizaines de civils.

Léonidas Ntibayazi, qui est à la fois président de la commission des droits de l’homme à l’Assemblée nationale et président du groupe parlementaire du Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU), le principal parti hutu, a été l’un des premiers à relater les événements, près d’une semaine après les faits, en parlant du massacre de 183 personnes, parmi lesquelles figuraient au moins 112 civils. Il a aussi a demandé la mise en place d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur des actes qu’il a qualifié de «crimes de guerre» dont les auteurs n’ont pas été immédiatement identifiés. «Que ce soit l’armée, que ce soit la rébellion, tous portent des uniformes militaires

L’armée a d’abord nié toute responsabilité dans les massacres

Le porte-parole de l’armée, le colonel Augustin Nzabampema, a d’abord nié toute responsabilité des forces militaires nationales, dominées par l’ethnie tutsie, dans ces massacres qui ont frappé en majorité des civils. «Nous sommes en train de mener nos propres enquêtes, l’administration nous dit qu’ils [les victimes] avaient rejoint les rebelles». Augustin Nzabampema a ensuite expliqué, le 19 septembre, que 173 personnes étaient bien «tombées sous les balles des éléments de l’armée». Ces civils auraient été victimes des affrontements entre les militaires burundais et les rebelles des Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD) dont ils auraient été des «complices» ou des «otages».

Loin de cette version officielle donnée par l’armée, le FDD a estimé pour sa part que les combats du 9 septembre avaient tué plus de mille personnes, toutes civiles. Mais le gouvernement, qui a lui aussi tardé à réagir après l’annonce de ces massacres, a contesté les chiffres avancés par le FDD, selon lui, surévalués et a accusé le mouvement d’essayer de faire une «surenchère». Pour le président burundais, Pierre Buyoya, ces crimes ne resteront pas impunis. «Il faut faire une enquête, c’est la première étape, puis des sanctions appropriées doivent être prises contre les auteurs de tels actes, c’est la deuxième étape».

Pour répondre à cette attente, le gouvernement a mis en place une commission d’enquête dont la composition a été immédiatement critiquée par le Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU), qui a notamment dénoncé la participation de l’armée à cette instance. C’est, en effet, le commandant de la deuxième région militaire du pays qui dirige la commission avec le gouverneur de la province de Gitega. Pour le FRODEBU, l’armée ne peut pas être à la fois «juge et partie».

Depuis 1993, le pays vit au rythme d’un conflit qui oppose les rebelles hutus à l’armée, où domine la minorité tutsie, au cours duquel plus de 200 000 personnes ont perdu la vie. Mi-août, des pourparlers de paix ont été engagés à Dar es-Salaam, en Tanzanie, entre le FDD et le gouvernement burundais. Mais les discussions n’ont pas permis de réaliser d’avancée notable. La reprise des négociations, prévue aujourd’hui, risque d’être compromise par la mise au jour de ces événements. Le porte-parole du FDD, Gélase-Daniel Ndabirabe, a expliqué que la délégation de son mouvement, déjà présente à Dar es-Salaam, allait demander en préambule aux discussions avec la délégation gouvernementale si celle-ci «assume ce nouveau massacre».



par Valérie  Gas

Article publié le 19/09/2002