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Irak

Washington s’oppose au retour des inspecteurs

Les inspecteurs et la délégation irakienne sont parvenus mardi à un accord sur le retour des inspecteurs. Les États-Unis ont vivement réagi, s’opposant catégoriquement au retour en Irak des inspecteurs sans le vote d’une nouvelle résolution.
C’est le monde à l’envers. Les États-Unis se sont engagés à tout mettre en œuvre pour empêcher le retour en Irak des inspecteurs en désarmement, retour rendu possible par l’accord intervenu mardi à Vienne entre les Nations unies et une délégation irakienne. Tout au moins tant que le Conseil de sécurité n’aura pas adopté une nouvelle résolution, plus dure que les précédentes, encadrant les inspections et évoquant clairement le recours à la force si l’Irak ne s’incline pas.

A la surprise générale, pourtant, en deux jours de discussions intensives, le chef des inspecteurs en désarmement Hans Blix et le patron de l’AIEA Mohammed El Baradei sont parvenus à un accord sur les modalités pratiques des inspections avec le conseiller en armements de Saddam Hussein, l’Irakien Amer al Saadi. Selon Hans Blix, les Irakiens ont donné leur accord pour des procédures de contrôles immédiates, sans condition, et sans restriction de tous les sites que les inspecteurs voudront contrôler sans préavis. Cela inclut notamment des sites qui, dans le passé, ont donné lieu à de vives tensions, comme le ministère de la Défense ou le siège des services de renseignements.

Sans perdre de temps, l’Irak a remis aux inspecteurs un CD-ROM comprenant les déclarations sur l’état de son armement qu’il devait livrer tous les six mois, mais qu’il avait cessé de transmettre à l’ONU après l’expulsion des inspecteurs en 1998. Le CD-ROM comprend toutes les déclarations en retard de 1998 à 2002.

Cet accès immédiat, sans condition et sans entrave ne concerne pas cependant huit «sites présidentiels» pour lesquels un dispositif spécial a été prévu dans le mémorandum d’accord négocié personnellement à Bagdad par Kofi Annan en février 1998, lors d’une crise aiguë entre l’Irak et l’ONU. Cet accord ayant été entériné par une résolution du conseil de sécurité (n° 1154), seule une autre résolution peut modifier le dispositif.

«Le prix d’une balle»

C’est précisément ce que demandent les Américains, furieux de l’accord intervenu à Vienne. Alors que Hans Blix venait d’indiquer que ses équipes seraient à pied d’œuvre dès la mi-octobre, Washington a vivement réagi, par la voix du secrétaire d’État Colin Powell en personne : «les inspecteurs ne peuvent pas retourner en vertu des anciennes résolutions (…) Ils ne doivent pas partir sans nouvelles instructions, prenant la forme d’une nouvelle résolution». Peu auparavant, un haut responsable américain, parlant sous couvert de l’anonymat, avait indiqué que les États-Unis prendraient les dispositions nécessaires pour empêcher les inspecteurs de se rendre en Irak. Voici quelques jours, Colin Powell lui-même l’avait clairement laissé entendre lors d’une audition devant le Congrès.

A Vienne, Hans Blix, qui ne se fait aucune illusion sur la difficulté de la tâche qui l’attend, qui sait en particulier qu’il devra se battre sur deux fronts, soumis à la double pression de l’Irak et des États-Unis, a sobrement fait savoir qu’il prenait ses instructions du seul Conseil de sécurité, devant lequel il doit rendre compte à New York ce jeudi.

Mais la colère de Washington est aussi l’indice de la difficulté de tenir sa position face à la résistance de la Chine, de la France et de la Russie. Ces derniers, pour l’heure, refusent toujours le principe de la résolution unique prônée par les Américains et les Britanniques, contenant à la fois l’ultimatum et la menace en cas de non-respect. Trois semaines après le discours de George W. Bush aux Nations unies qui avait été généralement bien accueilli, l’accord de Vienne conforte les tenants d’une solution diplomatique et fait apparaître les États-Unis pour un pays faisant peu de cas des résolutions du Conseil de sécurité qu’il entend faire appliquer.

On a eu l’indice de cette exaspération lorsque le porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleischer, a ouvertement suggéré qu’une simple balle tirée par un Irakien dans la tête de Saddam Hussein permettrait au monde de faire l’économie d’une guerre.

Ce mercredi, la Russie a vivement dénoncé les «stratégies visant à contourner les Conseil de sécurité de l'ONU». Plus prudemment, le Quai d'Orsay attend le compte-rendu de Hans Blix devant le Conseil de sécurité, mais rappelle que «l'objectif reste le même : parvenir à un accord sur le retour des inspecteurs qui préserve l'unité de la communauté internationale, laquelle est le gage de la légitimité et de l'efficacité de toute décision».



par Olivier  Da Lage

Article publié le 02/10/2002