Francophonie
Quel financement pour les processus de transition
La lutte contre le terrorisme international est devenue la priorité suprême pour les États-Unis et les autres principaux bailleurs de fonds, à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001. Que devient dans cette conjoncture nouvelle l’appui apporté à la démocratisation
La lutte contre le terrorisme a figuré au centre des débats de la conférence de Monterrey sur le financement du développement en mars 2002 et du sommet du G8 à Kananaskis en juin de la même année au Canada. Pour les pays pauvres, dont la majorité sont africains, le 11 septembre a eu des conséquences contradictoires, à la fois positives et négatives, sans pour autant remettre en cause le lien entre démocratie et développement. Il a ainsi fait bouger les bailleurs de fonds qui montraient une certaine « fatigue », en particulier envers l’Afrique, et ont marqué un intérêt renouvelé pour les pauvres. Sans pour autant s’engager à fond en ce qui concerne l’aide publique au développement.
Les Africains reconnaissent désormais que paix et démocratie font bon ménage avec le développement mais attendent de la part des pays riches, qui sont aussi leurs principaux créanciers, un soutien réel et plus généreux. Ils font valoir que la démocratisation, accompagnée de la transparence et de la lutte contre la corruption, est au centre des stratégies de l’Afrique, de l’Asie et des économies en transition d’Europe de l’est. On semble loin de l’époque où les Africains étaient choqués par le discours du président français François Mitterrand à La Baule en 1990, liant aide et démocratisation. Par ailleurs les organisations financières internationales comme le FMI ou la Banque Mondiale, ainsi que les bailleurs de fonds bilatéraux, sont devenus plus réalistes, reconnaissant la spécificité de chaque pays, d’autant plus que les contraintes financières rendent nécessaire une utilisation plus efficace de l’aide au développement.
Nécessité de doubler l’aide publique au développement
L’effondrement de l’empire soviétique et la fin de la guerre froide au début des années 90 avaient provoqué une onde de choc à travers le monde. Les anciens satellites de l’ex-URSS se sont engagés dans une transition douloureuse vers l’économie de marché fondée sur un système démocratique pluraliste, suivis par les Africains qui ont vite sauté le pas, en commençant par les régimes longtemps alliés au marxisme. Mais la démocratisation dans le continent - issue notamment dans les pays francophones des conférences nationales – n’a souvent été que de façade, sous la pression des bailleurs de fonds, ou altérée par des conflits civils qui ont créé des « zones de non-droit ». Même si les dirigeants non démocrates ont de plus en plus de mal à s’accrocher au pouvoir, selon le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
Aujourd’hui, avec l’échec de la lutte contre la pauvreté qui pousse les immigrants clandestins vers les pays riches et face à la menace mondiale du terrorisme - fruit non seulement du fanatisme mais aussi du désespoir et de la misère – et du fléau que constitue le SIDA, les bailleurs de fonds encouragent la démocratisation au même titre que la bonne gestion, facteur de croissance économique, et ont fait de la lutte contre la corruption une de leurs priorités.
Pour les experts de l’ONU, les pays riches devraient doubler leur aide publique au développement (APD) pour la porter à plus de 100 milliards de dollars par an, afin de réduire de moitié d’ici 2015 l’extrême pauvreté dans le monde, selon l’objectif fixé en 2000 par le sommet du millénaire. Mais on est encore loin de ce chiffre, même si les États-Unis ont annoncé juste avant la conférence de Monterrey une augmentation de 5 milliards de dollars de leur aide annuelle aux pays en développement, pour la porter à 15 milliards de dollars d’ici 2007. De même l’Union européenne a décidé de porter son aide de 0,33 % à 0,39 % du PNB (Produit national brut), ce qui représenterait une augmentation de plus de 20 milliards de dollars. L’aide dans son ensemble croîtrait ainsi à terme, si les promesses sont tenues, de 25 %, ce qui renverserait la tendance à la baisse de l’APD de ces dernières années.
Les divergences d’approche sont toutefois apparues entre dirigeants des pays riches. Le président français Jacques Chirac souhaite une mondialisation sociale accompagnant la mondialisation économique, alors que l’américain George W Bush place toujours au premier plan la lutte contre le terrorisme et cherche avant tout à récompenser les pays « méritants ». Jacques Chirac qui reconnaît que le monde n’est pas à l’abri du terrorisme fanatique, de la puissance tentaculaire du crime organisé, du trafic de drogues et des crises financières, a estimé que la mondialisation de l’économie exige la mondialisation de la solidarité. « Nous devons avoir aujourd’hui la lucidité et le courage d’une prise de conscience d’une destinée commune entre monde développé et monde en développement. A ce titre, le Consensus de Monterrey est une première étape… mais nos ambitions doivent être plus élevées », a-t-il dit.
Le président français a repris ce thème au sommet de Johannesburg sur le développement durable début septembre 2002. « L’humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables », a-t-il affirmé. Pour le président américain (qui n’a pas daigné faire le voyage à Johannesburg) l’aide, quels que soient son montant et sa forme, ne pourra se perpétuer ou être accrue que dans la mesure où l’on s’assurera qu’elle est utilisée à bon escient et engendre des résultats positifs concrets. De même on a vu comment à la réunion du G8 à Kananaskis, qui devait être consacrée à l’Afrique et sa nouvelle initiative pour sortir du sous-développement économique, le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique), priorité a été donnée à la lutte contre le terrorisme international, sous l’impulsion du président Bush.
Ainsi la Russie a bénéficié d’une aide de 20 milliards de dollars pour détruire progressivement son arsenal d’armes chimiques, « en fait pour empêcher qu’il ne tombe entre des mains hostiles », selon un expert, alors que les Africains n’ont eu que des promesses. « En appui aux objectifs du NEPAD, nous nous engageons à mettre en œuvre des partenariats renforcés avec les pays africains dont les résultats correspondent aux engagements pris » indique le communiqué final des dirigeants des huit pays – Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et Russie, devenue désormais un membre à part entière de ce groupe. « Nos partenaires seront choisis en fonction de résultats mesurables. Cela nous amènera à concentrer nos efforts sur les pays qui se montreront attachés politiquement et financièrement à la bonne gouvernance et à la primauté du droit, qui investiront dans leur capital humain et qui poursuivront des politiques propres à stimuler la croissance économique et à réduire la pauvreté », ont-ils souligné. Ils ont convenu que les résultats de ce « Plan d’action » pour l’Afrique seront examinés au futur sommet du G8, en juin 2003 à Evian, en France.
Les Africains reconnaissent désormais que paix et démocratie font bon ménage avec le développement mais attendent de la part des pays riches, qui sont aussi leurs principaux créanciers, un soutien réel et plus généreux. Ils font valoir que la démocratisation, accompagnée de la transparence et de la lutte contre la corruption, est au centre des stratégies de l’Afrique, de l’Asie et des économies en transition d’Europe de l’est. On semble loin de l’époque où les Africains étaient choqués par le discours du président français François Mitterrand à La Baule en 1990, liant aide et démocratisation. Par ailleurs les organisations financières internationales comme le FMI ou la Banque Mondiale, ainsi que les bailleurs de fonds bilatéraux, sont devenus plus réalistes, reconnaissant la spécificité de chaque pays, d’autant plus que les contraintes financières rendent nécessaire une utilisation plus efficace de l’aide au développement.
Nécessité de doubler l’aide publique au développement
L’effondrement de l’empire soviétique et la fin de la guerre froide au début des années 90 avaient provoqué une onde de choc à travers le monde. Les anciens satellites de l’ex-URSS se sont engagés dans une transition douloureuse vers l’économie de marché fondée sur un système démocratique pluraliste, suivis par les Africains qui ont vite sauté le pas, en commençant par les régimes longtemps alliés au marxisme. Mais la démocratisation dans le continent - issue notamment dans les pays francophones des conférences nationales – n’a souvent été que de façade, sous la pression des bailleurs de fonds, ou altérée par des conflits civils qui ont créé des « zones de non-droit ». Même si les dirigeants non démocrates ont de plus en plus de mal à s’accrocher au pouvoir, selon le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
Aujourd’hui, avec l’échec de la lutte contre la pauvreté qui pousse les immigrants clandestins vers les pays riches et face à la menace mondiale du terrorisme - fruit non seulement du fanatisme mais aussi du désespoir et de la misère – et du fléau que constitue le SIDA, les bailleurs de fonds encouragent la démocratisation au même titre que la bonne gestion, facteur de croissance économique, et ont fait de la lutte contre la corruption une de leurs priorités.
Pour les experts de l’ONU, les pays riches devraient doubler leur aide publique au développement (APD) pour la porter à plus de 100 milliards de dollars par an, afin de réduire de moitié d’ici 2015 l’extrême pauvreté dans le monde, selon l’objectif fixé en 2000 par le sommet du millénaire. Mais on est encore loin de ce chiffre, même si les États-Unis ont annoncé juste avant la conférence de Monterrey une augmentation de 5 milliards de dollars de leur aide annuelle aux pays en développement, pour la porter à 15 milliards de dollars d’ici 2007. De même l’Union européenne a décidé de porter son aide de 0,33 % à 0,39 % du PNB (Produit national brut), ce qui représenterait une augmentation de plus de 20 milliards de dollars. L’aide dans son ensemble croîtrait ainsi à terme, si les promesses sont tenues, de 25 %, ce qui renverserait la tendance à la baisse de l’APD de ces dernières années.
Les divergences d’approche sont toutefois apparues entre dirigeants des pays riches. Le président français Jacques Chirac souhaite une mondialisation sociale accompagnant la mondialisation économique, alors que l’américain George W Bush place toujours au premier plan la lutte contre le terrorisme et cherche avant tout à récompenser les pays « méritants ». Jacques Chirac qui reconnaît que le monde n’est pas à l’abri du terrorisme fanatique, de la puissance tentaculaire du crime organisé, du trafic de drogues et des crises financières, a estimé que la mondialisation de l’économie exige la mondialisation de la solidarité. « Nous devons avoir aujourd’hui la lucidité et le courage d’une prise de conscience d’une destinée commune entre monde développé et monde en développement. A ce titre, le Consensus de Monterrey est une première étape… mais nos ambitions doivent être plus élevées », a-t-il dit.
Le président français a repris ce thème au sommet de Johannesburg sur le développement durable début septembre 2002. « L’humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables », a-t-il affirmé. Pour le président américain (qui n’a pas daigné faire le voyage à Johannesburg) l’aide, quels que soient son montant et sa forme, ne pourra se perpétuer ou être accrue que dans la mesure où l’on s’assurera qu’elle est utilisée à bon escient et engendre des résultats positifs concrets. De même on a vu comment à la réunion du G8 à Kananaskis, qui devait être consacrée à l’Afrique et sa nouvelle initiative pour sortir du sous-développement économique, le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique), priorité a été donnée à la lutte contre le terrorisme international, sous l’impulsion du président Bush.
Ainsi la Russie a bénéficié d’une aide de 20 milliards de dollars pour détruire progressivement son arsenal d’armes chimiques, « en fait pour empêcher qu’il ne tombe entre des mains hostiles », selon un expert, alors que les Africains n’ont eu que des promesses. « En appui aux objectifs du NEPAD, nous nous engageons à mettre en œuvre des partenariats renforcés avec les pays africains dont les résultats correspondent aux engagements pris » indique le communiqué final des dirigeants des huit pays – Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et Russie, devenue désormais un membre à part entière de ce groupe. « Nos partenaires seront choisis en fonction de résultats mesurables. Cela nous amènera à concentrer nos efforts sur les pays qui se montreront attachés politiquement et financièrement à la bonne gouvernance et à la primauté du droit, qui investiront dans leur capital humain et qui poursuivront des politiques propres à stimuler la croissance économique et à réduire la pauvreté », ont-ils souligné. Ils ont convenu que les résultats de ce « Plan d’action » pour l’Afrique seront examinés au futur sommet du G8, en juin 2003 à Evian, en France.
par Marie Joannidis
Article publié le 07/10/2002