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Irak

Un référendum de défi à Washington

Onze millions et demi d’Irakiens sont invités à se rendre aux urnes mardi pour confirmer à la tête de l’État, pour un nouveau mandat de sept ans, le président Saddam Hussein. L’homme fort de Bagdad, qui dirige d’une main de fer le pays depuis vingt-trois ans, est plus que sûr d’être réélu, étant le seul à se présenter à la magistrature suprême. Mais la grande attente de ce référendum réside dans le pourcentage de «oui» à la reconduction de Saddam Hussein sensé représenter un défi aux velléités américaines de renverser coûte que coûte le régime irakien.
A la question : «acceptez-vous que le président Saddam Hussein effectue un nouveau mandat de sept ans ?», 99,96% des Irakiens avaient répondu «oui» lors du précédent référendum en 1995. Et les autorités de Bagdad semblent aujourd’hui plus que jamais déterminées à atteindre l’objectif des 100% pour cette consultation qui sonne comme un défi aux menaces américaines. Le puissant parti Baas, dirigé par Saddam Hussein en personne, s’est en effet mobilisé à travers tout le pays, organisant des milliers de meetings, de défilés et de tournées. Les chaînes de télévisons et de radio ainsi que les journaux consacrent leurs éditions et leurs colonnes à l’événement présenté comme «l’occasion d’administrer une gifle au gouvernement américain de George Bush». Même les enfants sont mobilisés et défilent en scandant d’interminables slogans à la gloire du maître de Bagdad.

Malgré l’embargo qui frappe depuis plus de dix ans le pays, la popularité de l’homme fort du régime ne semble pas entamée auprès de ses concitoyens. Les Irakiens paraissent en effet plus que jamais solidaires de leur président. Et le culte de Saddam Hussein a atteint ces derniers jours son plus haut niveau. Des portraits géants du maître de Bagdad sont accrochés dans tous les lieux publics et des banderoles mettant en exergue «l’amour des Irakiens pour leur président» barrent les principales artères du pays. Précédant le vote des Irakiens, le conseil des ministres a d’ores et déjà prêté allégeance dimanche au chef de l’État. L’agence officielle INA a ainsi rapporté que «le vice-président Taha Yassine Ramadan a exprimé au président Saddam Hussein, au nom du conseil des ministres, l’allégeance du cabinet à l’occasion du grand référendum en lui souhaitant davantage de générosité en faveur de l’Irak et de la nation arabe».

Forte mobilisation face aux menaces américaines

Face au risque de guerre de plus en plus important, les autorités irakiennes se sont mobilisées sur tous les fronts. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il faut comprendre le référendum de mardi dont le succès est voulu comme une «réponse cinglante» aux menaces de l’administration Bush. Et la bannière déployée dans le hall d’arrivée de l’aéroport international Saddam Hussein de Bagdad en dit long sur la mobilisation du régime. On peut y lire que «les Irakiens, qu’ils soient Arabes, Kurdes ou membres d’autres minorités, disent oui au leader Saddam Hussein».

Sur le plan diplomatique et régional, Bagdad a par ailleurs dépêché de nombreux émissaires dans les pays arabes et «amis» les avertissant notamment des conséquences d’une offensive contre l’Irak. Ainsi à Beyrouth, le vice-Premier ministre Tarek Aziz a affirmé ce week-end qu’une frappe contre son pays serait un prélude à une série d’interventions destinées à placer toute la région dans le giron de Washington. Mais malgré le discours alarmiste des autorités irakiennes, aucune mobilisation arabe ne semble se dessiner contre une intervention américaine et les seules manifestations de rue contre une guerre en Irak se sont déroulées dans les pays occidentaux.

Aux Nations unies enfin, Bagdad n’a cessé ces derniers jours d’affirmer son entière disposition à coopérer et à faciliter le travail des inspecteurs en désarmement. Les autorités irakiennes se sont même déclarées prêtes à permettre aux experts de l’ONU de visiter les sites présidentiels qui jusque-là faisaient l’objet d’un contentieux avec les États-Unis. Mais Washington continue d’accuser l’Irak de «jouer avec les mots» et tente malgré les réticences des membres du Conseil de sécurité de les convaincre de voter une résolution lui donnant la possibilité de recourir à la force. L’administration Bush ne risque d’ailleurs pas de changer d’opinion de sitôt, la crise irakienne occupant le devant de la scène de la campagne électorale américaine dont l’issue est le renouvellement d’une partie du Congrès.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 15/10/2002