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Irak

Le plébiscite de Saddam

Les Irakiens doivent voter pour accorder un nouveau mandat de sept ans à Saddam Hussein. Scrutin obligatoire, sous surveillance et sans suspense. Reportage.
De notre envoyé spécial à Bagdad

«Naam, naam, naam li Saddam Hussein !». «oui, oui, oui à Saddam Hussein !»

Dès l’arrivée à l’aéroport de Bagdad, les bannières donnent le ton. Partout, dans la capitale irakienne, les slogans et les portraits du raïs inondent les rues : «Quand Saddam parle, c’est l’Irak qui parle». Pour ce référendum-plébiscite, le régime irakien a organisé une formidable opération de relations publiques pour montrer que le peuple est uni derrière son leader. A cette occasion des centaines de journalistes ont été invités pour couvrir l’événement. Des délégations et des personnalités ont fait le voyage en solidarité avec l’Irak. L’ancien président algérien Ahmed Ben Bella a ainsi été reçu par Saddam Hussein dans son palais présidentiel sur les bords du Tigre.

Lors de la précédente consultation de 1995, Saddam Hussein avait obtenu 99,96 % de oui. Le résultat du référendum de ce mardi devrait encore une fois frôler les 100 %. Pour le journal Al Joumhouriya, cette journée électorale est une «grande marche démocratique pour apporter une réponse des Irakiens aux plans d’agression extérieurs». Dans le bras de fer avec les États-Unis, le régime irakien et son chef, surnommé dans la presse «Al Qaïd Al Mansour Bil-llah» (le chef victorieux de Dieu) jouent leur survie et le savent bien. «L’objectif du régime est clairement affiché : se maintenir en place et retarder une opération militaire contre lui», analyse un diplomate.

Le référendum est donc là pour remobiliser le peuple irakien, fatigué de dix ans de privations et montrer que le pouvoir contrôle le pays, uni face aux États-Unis. «Bush veut contrôler tout et Saddam Hussein lui dit ‘non’ au Moyen-Orient», explique un responsable irakien. Pour lui, la question n’est pas celle du retour ou non des inspecteurs en désarmement de l’ONU à Bagdad mais la volonté d’en découdre de Washington.

Le Baas quadrille les quartiers

Pour ce référendum, un jour férié a été décrété et la circulation interrompue par quartier pour éviter d’éventuelles perturbations. Le parti Baas a mobilisé ses militants afin de quadriller la ville. Son contrôle social sur la population semble encore très puissant. «On souhaiterait ne pas aller voter mais c’est obligatoire, affirme une Irakienne du quartier de Karada. Il y a des pressions des militants du Baas. On nous a demandé d’y aller, nous n’avons pas le choix. Notre nom est enregistré sur les listes électorales. En cas de non présentation au bureau de vote, l’abstentionniste serait vite repéré et pourrait subir des représailles.»

Difficile de connaître l’opinion des Irakiens, tant l’expression publique est verrouillée. La population est surtout préoccupée par sa survie au quotidien et par les menaces de campagne militaire qui planent sur le pays. «Nous avons eu la guerre des bombes, puis la guerre économique avec l’embargo et nous avons aujourd’hui la guerre psychologique», lance une Irakienne.

Les gens vivent dans l’angoisse. «Ils ne savent pas si l’attaque est pour demain ou dans un mois, poursuit-elle. Ils vivent au jour le jour sans projet d’avenir. Certains voudraient même que la guerre éclate rapidement, pour dénouer la situation.» Ceux qui ont les moyens cherchent à quitter le pays. Mais pour l’immense majorité des Irakiens, le choix n’existe pas : il faut aller voter, même si l’on voudrait rester chez soi.



par Christian  Chesnot

Article publié le 15/10/2002