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Côte d''Ivoire

Les rebelles acceptent le cessez-le-feu

Les rebelles ivoiriens ont signé jeudi soir un accord de cessation des hostilités qui prendra effet à partir de minuit. Cet accord a été signé au lycée français de Bouaké, la deuxième ville du pays aux mains des mutins depuis le 19 septembre, à l’issue d’une rencontre d’une heure et demie entre des représentants des mutins et le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio et le secrétaire général de la CEDEAO Mohammed Ibn Chambas. Il devrait permettre «dans les plus brefs délais» le déploiement du «mécanisme de la CEDEAO» qui doit superviser la trêve, avant le véritable début du dialogue entre les rebelles et Abidjan. Les rebelles acceptent également de reconnaître l’ordre constitutionnel mais aussi de dialoguer directement avec Abidjan, après avoir renoncé aux langage des armes.
D’autre part la CEDEAO devrait prendre en charge la supervision de l’application de cessez-le-feu et le cantonnement des mutins, avec une force d’environ 500 unités.

De son côté Abidjan devrait sous peu prendre acte de cet accord de cessez-le-feu entre les rebelles et la CEDEAO et engager le dialogue sur les revendications des rebelles, qui est partie prenante de cet accord. Mais d’ores et déjà on peut penser que les termes de cet accord seront acceptés par le président Gbagbo. Celui-ci, dans une interview au quotidien Le Figaro, a déclaré à la veille de la signature de l’accord de Bouaké: « nous avons choisi la voie de la négociation et nous la privilégions encore. Nous attendons toujours la signature des assaillants sur les positions de la CEDEAO, que nous-mêmes avons acceptées. Dans tous les cas, moi, j’ai une opinion publique et une armée à gérer. Je souhaite qu’ils prennent leurs responsabilités, et qu’on en finisse une fois pour toutes ». Gbagbo a par ailleurs rejeté les accusations lancées par les mutins selon lesquelles des soldats angolais se trouvent sur le sol ivoirien.

La victoire de Gadio

Ce sont des militaires français qui ont assuré le transport et la protection des participants à la médiation de Bouaké dirigée par le ministre sénégalais des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio. Mais, cet accord de cessez-le-feu est d’abord dû à la constance et à la qualité de la médiation sénégalaise, qui assure actuellement la présidence de la CEDEAO. Cheikh Tidiane Gadio a en effet pu faire jouer ses anciens liens avec des milieux proches des rebelles, sans se couper des autorités abidjanaises. Mais aussi sans pouvoir bénéficier de l’aide du Mali, et en dépit des réticences du Burkina Faso et du Togo.

Mais, si la CEDEAO a jeté tout son poids sur cette négociation, c’est d’abord parce qu’elle est consciente que l’aggravation de la crise ivoirienne pourrait provoquer un véritable cataclysme régional. A la suite de l’écroulement dramatique d’Etats aussi importants - et convoités en raison de leurs richesses - que le Libéria, le Sierra Leone et, en partie, la Guinée.

Le cessez-le-feu marque également des limites aux revendications fantaisistes des rebelles, d’abord strictement corporatistes et ensuite plutôt politiques. Les jeunes mutins n’ont pas eu non plus le courage d’afficher clairement leur amitiés, ni leurs têtes politiques. Après un appel à plus de justice et de démocratie ils ont confié leur destinée politique à un parti très virtuel et un ancien étudiant, Guillaume Soro, qui a fréquenté pratiquement tous les principaux politiques (à la seule exclusion du PDCI) que le pays ait connu ces dernières années. Avant de revoir à la baisse leurs revendications. Et de se montrer incapables de fournir des preuves convaincantes de la présence de soldats angolais du côté des loyalistes.

Mercredi 16 octobre les mutins avaient déjà accepté le principe de signer une trêve avec le gouvernement du président Laurent Gbagbo, selon les médiateurs de la CEDEAO. Une première tentative d’accord de cessez-le-feu avait échoué à la toute dernière minute le 6 octobre dernier, alors que la bataille de Bouaké faisait rage, parce que le gouvernement ivoirien insistait pour que les rebelles désarment d’abord, comme cela était prévu par les accords signés à Accra. Pour cela un nouveau plan, toujours à l’initiative du négociateur sénégalais Gadio, avait été mis au point, demandant aux rebelles de cesser les hostilités et de déposer leurs armes avant la signature d’un accord.

Cet accord prévoyait alors que les rebelles restent cantonnés à l’intérieur de leurs baraquements avec leurs armes, afin que les négociations de paix puissent débuter, dans une ville ivoirienne ou à Dakar, en présence de représentants internationaux. Ce plan appelait également au rétablissement des services administratifs et à la libre circulation des biens sur tout le territoire, alors que le pays est de facto scindé en deux par une «ligne de démarcation» qui traverse le pays d’ouest en est, entre les villes de Séguéla et Bouaké (sous contrôle des mutins) et celles de Man, Daloa et Yamoussoukro (sous contrôle gouvernemental).

Près d’un mois durant, c’est surtout à Bouaké d’abord et à Daloa ensuite que les combats ont été les plus acharnés, peut-être parce ces deux grandes villes, situées entre le nord et le sud du pays, accueillent traditionnellement des communautés originaires des différentes régions. Bouaké comme Daloa comptent notamment deux importants groupes du nord, appelés le plus souvent dioula, et qui ont accueilli favorablement les rebelles, eux mêmes pour la plupart «nordistes». Les autres groupes, et surtout les Krou et les Akan, ont quant à eux pris le plus souvent fait et cause pour le pouvoir central. Ceci explique qu’une ville aussi étendue que Bouaké ait connu d’importants affrontements inter-communautaires, notamment après l’âpre bataille des 5 et 6 octobre derniers, lorsqu’elle a été en partie reconquise par les forces loyalistes, avant de repasser sous le contrôle des rebelles. Ces affrontement ont aussitôt provoqué un immense exode d’environ le tiers de sa population, soit 200 000 personnes, pour la plupart originaires du sud.

Un exode similaire a été remarqué ces derniers jours à Daloa, après qu’elle eut été reprise par les forces loyalistes, cette fois-ci de la part de quelques milliers d’habitants originaires du nord voire du Burkina Faso. La situation restait tendue ce jeudi à Daloa, les mutins contrôlant toujours Vavoua, sur la route de Séguéla. Tandis qu’à Abidjan on signalait une importante fusillade opposant la gendarmerie à la police. C’est sans doute pour tout cela que plusieurs pays occidentaux - mais aussi le Ghana et le Gabon - ont conseillé à leurs ressortissants de quitter le pays.



par Elio  Comarin

Article publié le 17/10/2002