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Congo démocratique

Les troupes étrangères s’en vont

En quelques semaines seulement, ce qui semblait presque impensable, au vu des positions intransigeantes des belligérants, s’est finalement produit: presque toutes les forces étrangères présentes depuis quatre ans sur le territoire congolais l’ont quitté. Après la Namibie et l’Angola du côté du gouvernement central, et l’Ouganda du côté des rebelles du nord (MLC), c’est au tour du Rwanda d’achever ce samedi le retrait de ses troupes de l’est du pays. Alors que le Zimbabwe commençait lui aussi à rapatrier ses troupes du Katanga.
Samedi, une longue colonne de soldats rwandais a traversé à pied la ville congolaise de Goma avant de rejoindre celle de Gisenyi, au Rwanda, devant des représentants de la Monuc (Mission d’observation des Nations unies au Congo) et de différents observateurs internationaux. Ainsi, selon l’état-major rwandais, tous les 22 000 soldats de l’Armée patriotique rwandaise (APR) ont regagné le pays depuis le 17 septembre dernier. Et le chef d’état-major de Kigali, James Kabarebe de déclarer aussitôt: «le dernier soldat rwandais vient de quitter le territoire congolais, il reste maintenant à Kinshasa à honorer ses engagements». Kabarebe a ajouté qu’il n’avait «pas encore de signes que le gouvernement de Kinshasa tiendra sa parole», et que ces «signes» de bonne volonté de la part du régime de Kabila consisteraient en «l’arrestation des officiers des ex-FAR et d’autres soldats des ex-FAR intégrés au sein des Forces armées congolaises».

Le désarmement des Interahamwe et autres soldats rwandais génocidaires (FAR) toujours présents en RDC est au coeur du différend opposant Kinshasa et Kigali. Surtout parce que les deux pays ne sont pas d’accord sur le nombre exact de ces anciens soldats ou miliciens hutus vivant actuellement dans différents endroits du Congo démocratique. Cela va de quelques milliers selon le Congo, à plus de 20 000 selon le Rwanda; alors que le chiffre d’environ 8000 semble être le plus proche de la réalité, selon d’autres sources. Pour cela la Monuc a appelé samedi le président Kabila «à créer des conditions militaires et politiques favorables au désarmement des ex-FAR et des Interahamwe». Ce qui n’est toujours pas le cas.

Dans ces conditions on peut s’interroger sur la décision quasi unilatérale du président rwandais Paul Kagamé de retirer la totalité de ses troupes, avant même le début du désarmement des Interahamwe et de ex-FAR. Certes le président Paul Kagamé semble de plus en plus isolé, notamment depuis le changement de présidence aux Etats-Unis, mais ce geste contribuera sans doute à assainir les relations inter-étatiques dans toute la région des Grands Lacs. Il est d’autant plus important qu’il intervient au moment où les alliés traditionnels du Rwanda -les rebelles du RCD- n’ont toujours pas retrouvé un semblant d’unité et paraissent très faibles sur le plan militaire. Ils sont tout à fait incapables de prendre la place libérée par l’armée rwandaise, et semblent contraints de laisser leur rivaux congolais -les Maï-Maï, des milices locales alliées de Kinshasa- s’installer peu à peu dans le Kivu.

«Accord de principe» entre Kinshasa et RCD

Il en va de même dans le sud-est du pays, au Katanga, où les troupes zimbabwéennes ont entamé vendredi dernier leur retrait: 6000 soldats ont déjà quitté Lubumbashi, la capitale de la province minière, et 12 000 autres devraient en faire autant dans les semaines à venir. Ce qui signifie que ne resteraient alors à Kinshasa que quelques unités de sécurité angolaises, stationnées autour de l’aéroport de la capitale, et des unités zimbabwéennes toujours en charge de la sécurité personnelle de Joseph Kabila. Sans oublier le millier de soldats ougandais qui sont toujours stationnés dans la ville frontalière de Bunia, mais à la demande explicite de la Monuc, qui reste très préoccupée par les rivalités opposant régulièrement deux ethnies régionales.

Face à cette évolution favorable, le président Kabila devrait compléter le volet national d’une réconciliation qui se met peu à peu en place. Après avoir signé un premier accord avec les rebelles du MLC (présidé par Jean-Pierre Bemba), Kinshasa a obtenu ce week-end un «accord de principe» avec l’autre mouvement rebelle, le RCD basé à Goma. Sans doute grâce à la pression militaire exercée par ses alliés - les Maï-Maï - sur le RCD. Cet accord prévoit notamment une nouvelle formule de compromis concernant le partage du pouvoir: le futur président de la République serait entouré de quatre vice-présidents, pour satisfaire les deux mouvements armés mais aussi l’opposition politique et la société civile.

C’est autour des dernières semaines, notamment en Afrique du sud, que ce compromis aurait été dégagé, grâce surtout à la médiation du sénégalais Moustapha Niasse, qui représente le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan depuis l’échec du dialogue intercongolais de Sun City, en avril dernier, lorsque Kinshasa avait signé un accord seulement avec le MLC de Jean-Pierre Bemba. En juillet et août derniers, Moustapha Niasse a rencontré sans relâche toutes les parties concernées: le RCD, les dissidents du RCD, le MLC, les partis d’opposition, la société civile et le gouvernement central de Kinshasa.




par Elio  Comarin

Article publié le 07/10/2002