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Economie française

«Rigueur» et «discipline», mots tabous

Pour résoudre la quadrature du cercle dans lequel la France est enfermée entre promesses de réductions fiscales, hausse des dépenses de sécurité et retour à l’équilibre des finances publiques, le gouvernement Raffarin a choisi : faire de la rigueur, mais surtout sans le dire, et réaffirmer ses objectifs, tout en les assortissant de conditions à peu près inatteignables.
Comment tenir des promesses contradictoires et resserrer les cordons de la bourse sans créer de mouvements négatifs des entreprises et des consommateurs ? La tâche du gouvernement Raffarin aiguillonné d’un côté par les promesses électorales de Jacques Chirac de l’autre par l’Union européenne gardienne des équilibres budgétaires n’est pas simple.

La discussion sur le projet de loi de finances qui s’ouvre à l’Assemblée nationale est d’ores et déjà dénoncée par l’opposition socialiste comme «un exercice complètement virtuel ». François Hollande premier secrétaire du PS, souligne que le parlement va discuter d’un budget qui ne sera pas exécuté en l’état. La principale raison en est que le budget pour 2003 est basé sur une croissance de 2,5% ce que la plupart des conjoncturistes jugent extrêmement optimiste. Jusqu’à Jacques Barrot, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale qui reconnaît dès à présent qu’un «ajustement» sera très probablement nécessaire. Mais il ajoute que le gouvernement ne peut «en rajouter sur le pessimisme des français, ce serait le plus mauvais pilotage». C’est avouer à demi-mots ce que le ministre de l’Economie et des Finances, Francis Mer, fait à voix haute, comme c’est désormais son rôle dans ce gouvernement. Il a clairement évoqué, ces jours-ci, le retour à la rigueur et à la discipline.

Mot tabou et de nature, selon les membres de la majorité, à décourager les investisseurs et les consommateurs, aggravant ainsi des difficultés économiques bien réelles. Et c’est pourquoi le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé s’est empressé de préciser que «rigueur n’est pas le mot que nous utilisons aujourd’hui pour caractériser la politique économique». Le mot, non, mais la chose ? Les baisses d’impôts et de charges promises par Jacques Chirac durant la campagne électorale pour la présidentielle seront appliquées, et en totalité, mais, précise le ministre délégué au Budget Alain Lambert «dès lors que la croissance sera de 3%». Ce qu’aucun analyste ne prévoit dans un délai proche. Pas plus d’ailleurs que le patron des patrons Ernest-Antoine Seillière, selon lequel la France sera «très loin»en 2003 des 2,5% de croissance», ce qui ne laisse donc pas de marge de manoeuvre au gouvernement, ajoute le président du Medef (Mouvement des entreprises de France).

Du souhaitable au possible

Cet engagement à tenir ses promesses mais assorties d’une condition qui en repousse l’application est la méthode déjà utilisée par la France dans ses rapports avec l’Union européenne à propos du retour à l’équilibre des finances publiques. Ainsi, en juin dernier, à l’ouverture du sommet européen de Séville qui marquait la fin de la présidence espagnole la France confirmait sa volonté de réduire son déficit budgétaire à un niveau proche de l’équilibre en 2004, mais à la condition que la croissance atteigne 3% en 2003.

Depuis, la commission européenne a elle-même reconnu l’objectif beaucoup trop improbable, pour la France comme pour l’Allemagne ou l’Italie, donnant a posteriori raison à la France pour ses réticences. Et la France a pris la mesure des difficultés en repoussant à 2004 la prise de bonnes résolutions en matière de discipline budgétaire.

Ce repli progressif du souhaitable vers le possible sous le poids des réalités est également de mise en Allemagne où SPD et verts viennent de repousser à 2006 au lieu de 2004 l’objectif d’équilibre des finances publiques alors que ce pays, qui pâtit d’une croissance encore plus faible que celle de la France, faisait encore mine, il y a quelques jours de redresser rapidement la barre.



par Francine  Quentin

Article publié le 15/10/2002