Côte d''Ivoire
Représailles sanglantes à Daloa
La bataille de Daloa, autour du 13 octobre, comme celle de Bouaké une semaine plus tôt, ont été suivies de représailles et de règlements de compte visant surtout des civils. A Daloa, ce sont des dizaines de Dioula, musulmans originaires du nord, qui ont été froidement exécutés par les forces loyalistes, à partir de mercredi dernier. Tandis que, concernant Bouaké, Amnesty international «s’inquiète du sort de dizaines de personnes, dont des membres des forces de sécurité, dont on est sans nouvelles» depuis que cette ville est tombée aux mains des rebelles, le 19 septembre.
Si l’on croit différents témoignages cités par l’Agence France-Presse, près de 70 Dioula ont été tués à Daloa depuis mercredi dernier, et des centaines d’autres se sont réfugiés à l’intérieur de la mosquée de la troisième ville du pays pour échapper aux représailles entreprises par les forces loyalistes qui ont repris le contrôle de Daloa lundi 14 octobre, près de vingt-quatre heures seulement après l’arrivée des rebelles «nordistes». De nombreux jeunes Dioula ont mis en cause les «corps habillés» (police, gendarmerie, armée): «Depuis jeudi les corps habillés viennent prendre les civils dioulas. Cette nuit ils ont fait ne descente à Orly 2 (un quartier de Daloa). Ils ont déshabillé des gens et leur ont réclamé 5000 FCFA par personne. Ceux qui ont payé ont pu partir. Les autres ont été tués par balles».
Ces règlements de compte ont été présentés par un jeune Baoulé (ethnie du centre, majoritairement chrétienne) de Daloa comme des représailles des gendarmes se vengeant de jeunes Dioulas qui les ont dénoncés aux mutins, quand ces derniers ont brièvement pris le contrôle de la ville, le 13 octobre dernier: «Quand les assaillants sont arrivés, des jeunes Dioulas ont montré les cours (domiciles) des corps habillés. Ils en ont arrêté quatre -deux gendarmes et des militaires- qui avaient tous revêtu des vêtements civils, et les ont tués», a-t-il explique.
Pour la présidence de la République ivoirienne, les forces de l'ordre sont étrangères à ces exactions. «Comme à Abidjan, des individus extérieurs aux forces de défense, vêtus de treillis militaires, agressent les populations civiles de Daloa, dans le but de ternir l'image et l'action des troupes nationales», a déclaré mardi un conseiller du président Gbagbo, qui a qualifié ces actes d'«extrêmement graves et condamnables», avant de souligner que «les autorités se réservent un droit de poursuite face à de tels agissements». Selon Alain Toussaint, «des éléments de la CRS et de la brigade anti-émeute mènent des opérations de maintien de l'ordre» à Daloa, ce qui a permis de constater «le niveau de complicité dont on pu bénéficier les assaillants: des caches d'armes ont été découvertes dans des villas, des cours communes et dans des lieux censés abriter des commerces». Pour lui «il convient de ne pas avoir une vision à géométrie variable de la situation des droits humains, une lecture sélective qui voudrait qu'on pleure les victimes de Daloa et pas celles de Bouaké, Korhogo, Bouna ou Ferkié» en zone rebelle.
«On peut pardonner, pas oublier»
De son côté l’imam Idrissa Koudouss, président du Conseil national islamique ivoirien, a fait part de son inquiétude et assure tout faire pour éviter les débordements ethniques ou religieux: «Quand une guerre se transforme en guerre ethnique ou religieuse, on ne peut pas l’arrêter» a-t-il déclaré à l’AFP. «Lundi, on m’a informé que la mairie de Daloa a fait un rapport concernant l’enterrement de 56 fidèles musulmans tués par balles par les forces de l’ordre: dix-neuf corps traînent encore dans les rues aujourd’hui». Et l’imam d’ajouter: «Si des mutins se révoltent, il ne faut pas que notre communauté paye pour cela. De tous temps la communauté musulmane a été marginalisée. La situation d’aujourd’hui trouve en fait son origine en 1993, avec le concept d’ivoirité développé par le président Bédié. L’islam est la plus ancienne des religions révélées, et nous avons des mosquées de 800 ans. Officiellement nous représentons 40% de la population et nous sommes la plus grande communauté religieuse du pays… Ce qui se passe est horrible, mais en tant que religieux, nous gardons l’espoir. Les cicatrices sont là. On peut pardonner, pas oublier».
Samedi dernier, Amnesty international a pour sa part dénoncé des «violations commises à Abidjan par les forces de sécurité» mais aussi les «exactions» commises par les rebelles dans leurs zones de contrôle. «Les deux partis en conflit s’en sont pris notamment aux civils, soupçonnés d’être partisans de l’autre camp, ce qui a provoqué le déplacement de dizaine de milliers de personnes». Selon l’organisation de défense des droits de l’homme, les forces de sécurité ivoiriennes ont commis des exécutions extra-judiciaires et procédé à de multiples «arrestations arbitraires et détentions au secret». Actuellement 59 personnes, dont Aly Keita, porte-parole adjoint du RDR -le parti d’Alassane Ouattara-, sont toujours détenues. «Ces événements se sont déroulés dans une atmosphère de nationalisme exacerbé, relayé par certains médias, dont la radio-télévision d’Etat», ce qui «a pu inciter des civils et des militaires à s’en prendre à des populations étrangères, principalement des Burkinabé» selon AI.
Côté mutins, Amnesty international a fait état d’informations selon lesquelles de nombreuses personnes, membres des forces de sécurité, trouvées en tenue alors qu’elles ne combattaient pas, ont été froidement abattues. L’organisation a notamment dénoncé «l’usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques» à Bouaké, la deuxième ville du pays contrôlée par les rebelles. Elle s’inquiète «du sort de dizaines de personnes, dont des membres des forces de sécurité», qui ont été arrêtées à Bouaké par les rebelles, et «dont on est sans nouvelles» ; mais aussi du fait que «des jeunes gens âgés de quatorze ans et maniant avec difficulté des armes» ont été vus par des témoins, du côté des rebelles.
Ces règlements de compte ont été présentés par un jeune Baoulé (ethnie du centre, majoritairement chrétienne) de Daloa comme des représailles des gendarmes se vengeant de jeunes Dioulas qui les ont dénoncés aux mutins, quand ces derniers ont brièvement pris le contrôle de la ville, le 13 octobre dernier: «Quand les assaillants sont arrivés, des jeunes Dioulas ont montré les cours (domiciles) des corps habillés. Ils en ont arrêté quatre -deux gendarmes et des militaires- qui avaient tous revêtu des vêtements civils, et les ont tués», a-t-il explique.
Pour la présidence de la République ivoirienne, les forces de l'ordre sont étrangères à ces exactions. «Comme à Abidjan, des individus extérieurs aux forces de défense, vêtus de treillis militaires, agressent les populations civiles de Daloa, dans le but de ternir l'image et l'action des troupes nationales», a déclaré mardi un conseiller du président Gbagbo, qui a qualifié ces actes d'«extrêmement graves et condamnables», avant de souligner que «les autorités se réservent un droit de poursuite face à de tels agissements». Selon Alain Toussaint, «des éléments de la CRS et de la brigade anti-émeute mènent des opérations de maintien de l'ordre» à Daloa, ce qui a permis de constater «le niveau de complicité dont on pu bénéficier les assaillants: des caches d'armes ont été découvertes dans des villas, des cours communes et dans des lieux censés abriter des commerces». Pour lui «il convient de ne pas avoir une vision à géométrie variable de la situation des droits humains, une lecture sélective qui voudrait qu'on pleure les victimes de Daloa et pas celles de Bouaké, Korhogo, Bouna ou Ferkié» en zone rebelle.
«On peut pardonner, pas oublier»
De son côté l’imam Idrissa Koudouss, président du Conseil national islamique ivoirien, a fait part de son inquiétude et assure tout faire pour éviter les débordements ethniques ou religieux: «Quand une guerre se transforme en guerre ethnique ou religieuse, on ne peut pas l’arrêter» a-t-il déclaré à l’AFP. «Lundi, on m’a informé que la mairie de Daloa a fait un rapport concernant l’enterrement de 56 fidèles musulmans tués par balles par les forces de l’ordre: dix-neuf corps traînent encore dans les rues aujourd’hui». Et l’imam d’ajouter: «Si des mutins se révoltent, il ne faut pas que notre communauté paye pour cela. De tous temps la communauté musulmane a été marginalisée. La situation d’aujourd’hui trouve en fait son origine en 1993, avec le concept d’ivoirité développé par le président Bédié. L’islam est la plus ancienne des religions révélées, et nous avons des mosquées de 800 ans. Officiellement nous représentons 40% de la population et nous sommes la plus grande communauté religieuse du pays… Ce qui se passe est horrible, mais en tant que religieux, nous gardons l’espoir. Les cicatrices sont là. On peut pardonner, pas oublier».
Samedi dernier, Amnesty international a pour sa part dénoncé des «violations commises à Abidjan par les forces de sécurité» mais aussi les «exactions» commises par les rebelles dans leurs zones de contrôle. «Les deux partis en conflit s’en sont pris notamment aux civils, soupçonnés d’être partisans de l’autre camp, ce qui a provoqué le déplacement de dizaine de milliers de personnes». Selon l’organisation de défense des droits de l’homme, les forces de sécurité ivoiriennes ont commis des exécutions extra-judiciaires et procédé à de multiples «arrestations arbitraires et détentions au secret». Actuellement 59 personnes, dont Aly Keita, porte-parole adjoint du RDR -le parti d’Alassane Ouattara-, sont toujours détenues. «Ces événements se sont déroulés dans une atmosphère de nationalisme exacerbé, relayé par certains médias, dont la radio-télévision d’Etat», ce qui «a pu inciter des civils et des militaires à s’en prendre à des populations étrangères, principalement des Burkinabé» selon AI.
Côté mutins, Amnesty international a fait état d’informations selon lesquelles de nombreuses personnes, membres des forces de sécurité, trouvées en tenue alors qu’elles ne combattaient pas, ont été froidement abattues. L’organisation a notamment dénoncé «l’usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques» à Bouaké, la deuxième ville du pays contrôlée par les rebelles. Elle s’inquiète «du sort de dizaines de personnes, dont des membres des forces de sécurité», qui ont été arrêtées à Bouaké par les rebelles, et «dont on est sans nouvelles» ; mais aussi du fait que «des jeunes gens âgés de quatorze ans et maniant avec difficulté des armes» ont été vus par des témoins, du côté des rebelles.
par Elio Comarin
Article publié le 22/10/2002