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Côte d''Ivoire

Importante manifestation anti-française à Abidjan

Pour la première fois depuis le début de la nouvelle crise ivoirienne, une importante manifestation anti-française a eu lieu à Abidjan, mardi 22 octobre, devant la base militaire du 43ème BIMa (Bataillon d’infanterie de marine), située à Port-Bouët, près de l’aéroport de la capitale économique du pays. Alors que jusque là la zone de l’aéroport comme le quartier administratif de Cocody, n’étaient pas autorisés aux manifestations de rues.
Cette marche avait été annoncée la veille par la télévision ivoirienne, et parmi les organisateurs figurait l’Union des patriotes pour la libération totale de la Côte d’Ivoire (UPLTCI) qui voulait «signifier son indignation aux Français qui gardent Alassane Ouattara contre son gré». L’ancien premier ministre originaire du nord du pays est réfugié à la résidence de l’ambassadeur de France depuis le 19 septembre, à la demande du gouvernement ivoirien. Ouattara est soupçonné par de nombreuses organisations proches du pouvoir de connivence avec la rébellion.

«Une foule innombrable d’hommes et de femmes, de tous âges, de toutes les couches sociales», selon le quotidien Fraternité Matin, a tenté en vain d’arracher les grilles de la base militaire, après avoir vite débordé les policiers présents comme les organisateurs de cette marche et érige quelques barricades tout le long des artères menant à Port-Bouët. C’est à coup de grenades lacrymogènes et assourdissantes que l’armée française est parvenue à faire reculer des manifestants particulièrement agressifs qui scandaient des slogans anti-français («Chirac esclavagiste», «A bas la France») mais aussi : «On s’en fout des Français, on veut Alassane Ouattara !». Le ministre de la Défense Kadet Bertin a en vain tenté de calmer cette foule en colère, en rappelant que «dans cette crise la France nous a apporté son soutien» contre la rébellion et en demandant aux manifestants souvent harangués par des anciens leaders de la FESCI (la Fédération des étudiants), de «ne pas se tromper de combat et d’adversaire». «Notre ennemi, a-t-il dit, ce sont les terroristes qui sont venus nous réveiller avec des canons dans la nuit du 18 au 19 septembre».

«Nous n’allons pas nous arrêter là !»

Finalement c’est le chef d’état-major ivoirien Mathias Doué, très applaudi lorsqu’il a pris le micro, qui a pu ramener quelque peu le calme et obtenir que la foule continue son sit-in un peu plus loin des grilles de la base française. «Les commerces étaient fermés. Le quartier de Port-Bouët était en ébullition, a écrit Fraternité Matin. Malgré la colère et la douleur, des jeunes ont quand même fait la fête».
Quelques blessés ont tout de même dû être transportés dans différents hôpitaux d’Abidjan, et après ces incidents certains manifestants s’en sont pris à des automobilistes occidentaux qui passaient à proximité et installé des barrages sur la grande avenue qui relie le centre d’Abidjan à l’aéroport. Les autorités français ont ensuite décidé de fermer toutes les écoles françaises d’Abidjan. Quant au principal organisateur, Eugène Djué, président de l’UPLTCI, interviewé par le quotidien L’œil du peuple, avait déclaré: «Nous n’allons pas nous arrêter là. Si nous n’avons pas satisfaction, nous déploierons nos militaires et les Ivoiriens dans tous les sites français». Notre Voie, le quotidien du FPI (le parti de Laurent Gbagbo) écrit pour sa part que «les manifestants sont retournés chez eux en promettant d’aller chercher là où il se cache, Alassane Ouattara qui, à leurs yeux, est le principal responsable des malheurs de la Côte d’Ivoire».

Une fois de plus, c’est autour d’Alassane Ouattara que se cristallise la crise ivoirienne, alors qu’il a failli être assassiné dès les premières heures de la rébellion par un commando loyaliste (selon ses propos) et a été emmené à l’ambassade de France escorté par le ministère de la Défense que dirigeait à l’époque Lida Kouassi. Un mois après son sauvetage, on voit mal comment son séjour à Abidjan pourrait se prolonger sans provoquer d’autres secousses.

Enfin, selon son porte-parole, le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, «a appelé le président Gbagbo pour exiger de mettre tout en oeuvre afin d'éviter d'éventuelles attaques d'éléments incontrôlés contre des ressortissants français et étrangers, ainsi que contre les forces françaises présentes en Côte d'Ivoire, qui ne pourraient que compromettre la tâche de sécurisation du cessez-le-feu assumée temporairement par nos forces à la demande expresse des autorités ivoiriennes».



par Elio  Comarin

Article publié le 23/10/2002