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Russie

Un millier d’otages retenus à Moscou par un commando tchétchène

Une cinquantaine d’indépendantistes tchétchènes détiennent en otage depuis mercredi soir plusieurs centaines de personnes qui étaient venues assister à une comédie musicale dans un des théâtres de Moscou que les rebelles menacent de faire sauter en cas d’assaut des forces russes. Les preneurs d’otages, parmi lesquelles plusieurs femmes, réclament «la fin de la guerre en Tchétchénie» et donnent une semaine aux forces russes pour se retirer de la petite république d’Asie centrale. Cette opération menée au cœur de la capitale russe, constitue un revers cinglant pour le président Poutine qui s’était engagé à éradiquer «le terrorisme tchétchène» en prenant notamment la décision de renvoyer l’armée russe dans la république indépendantiste.
Sept-cent-onze personnes avaient réservé un billet pour assister mercredi soir à Nord-Ost, une comédie musicale très en vogue à Moscou. Mais quelques instants avant la fin du spectacle, plusieurs voitures de marque étrangère se sont arrêtées devant le théâtre et une cinquantaine de rebelles tchétchènes, armés de grenades, de fusils et d’explosifs, se sont précipités dans le bâtiment en tirant des coups de feu en l’air et en hurlant «arrêtez la guerre en Tchétchénie». Certaines personnes ont cru que cette démonstration de force faisait partie du spectacle mais très vite le chef du groupe, le seul qui ne soit pas masqué, est monté sur scène et a expliqué qu’il ferait sauter l’immeuble si les forces spéciales de police intervenaient contre eux. La nouvelle de la prise d’otages s’est propagée très rapidement, les rebelles ayant autorisé les spectateurs à contacter par téléphone portable leurs familles. Très vite, des centaines d’hommes appartenant à des unités d’élite russes ont pris position tout autour du bâtiment et deux blindés se sont placés devant l’entrée du théâtre.

En plus d’être spectaculaire, cette prise d’otage est surtout parfaitement bien organisée. Quelques instants après le début de l’opération, kavkaz.org, le site des indépendantistes tchétchènes, revendiquait en effet cette action dirigée par un certain Movsar Baraïev. «Il y a plus de mille personnes à l’intérieur du théâtre», pouvait-on notamment lire sur le site qui précisait que «nul n’en sortira vivant et tous mourront à la moindre tentative de prise d’assaut du bâtiment». Des otages contactés par téléphone ont d’ailleurs confirmé que les séparatistes avaient attaché des explosifs aux colonnes qui supportent les étages du théâtre de manière à pouvoir, en cas d’intervention des forces russes, mettre à exécution leur menace de tout faire sauter. Un autre témoin a par ailleurs déclaré que «les terroristes ne manifestaient aucun signe d’hystérie». «Ils sont très calmes et sûrs d’eux, a-t-il également affirmé en précisant que leur comportement à l’égard des otages était «bon dans la mesure du possible dans cette situation».

Les rebelles, qui se définissent comme «un commando suicide», ont donné sept jours aux autorités de Moscou pour un arrêt des hostilités en Tchétchénie et un retrait des troupes russes de la petite république d’Asie centrale. La police, qui n’envisage pas pour l’instant d’intervenir, a par ailleurs affirmé que 150 personnes ont été libérées. Il s’agit d’enfants, d’étrangers de confession musulmane et de personnes de nationalité géorgienne.

Poutine met en cause l’étranger

Cette prise d’otages est une humiliation sans précédent pour le président russe, qui, à de nombreuses reprises, avait affirmé sa détermination à éradiquer le terrorisme tchétchène. Dans sa première déclaration depuis le début de cette crise, Vladimir Poutine a déclaré que la prise d’otage avait été «planifiée depuis des centres terroristes étrangers», sans toutefois donner de précisions. Il a également précisé que l’objectif des services de sécurité et des services spéciaux était de «préparer la libération des otages tout en garantissant au maximum leur sécurité». Toujours selon le président russe, cette opération terroriste est «la plus importante prise d’otages non seulement en Russie mais à l’étranger».

Sur place et dans l’espoir de dénouer cette grave crise, l’unique député tchétchène à la Douma, Aslambek Aslakhanov, est entré en contact dans la nuit avec les rebelles. Mais selon lui, ces derniers ont transmis leurs revendications et ne veulent pas pour l’instant de pourparlers. L’ancien président du parlement russe Rouslan Khasboulatov, également tchétchène, a de son côté affirmé que les autorités russes étaient prêtes à assurer au commando «une sortie dans les conditions de sécurité vers un pays tiers». Mais il est très peu probable que les indépendantistes, qui semblent déterminés à aller jusqu’au bout, prennent en considération cette proposition. Ils se disent toutefois prêts à rencontrer des représentants de la Croix rouge et de Médecins sans frontières. Ils souhaiteraient également, selon un otage contacté par une radio russe, que les représentants des pays dont des ressortissants se trouvent parmi les otages, soient présents à cette entrevue. Soixante-deux étrangers, dont notamment des Néerlandais, des Canadiens, des Britanniques et des Australiens, sont actuellement détenus par les rebelles. Ces derniers avaient dans un premier temps annoncé leur libération avant de se rétracter.

Ce n’est pas la première fois que des rebelles tchétchènes procèdent à des prises d’otages pour défendre leurs causes. En 1995 en effet, Le chef indépendantiste Chamil Bassaïev avait retenu en otage quelques 1 500 personnes dans un hôpital à Boudennovsk dans le sud de la Russie. L’intervention des forces de l’ordre avait abouti à l’époque à la mort de 166 personnes. Mais en lançant cette nouvelle opération, la rébellion tchétchène a porté la guerre au cœur de Moscou.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 24/10/2002