Etats-Unis
Peut-on être «dissident» aux USA ?
Pourquoi n’y a-t-il que très peu de manifestations de «dissidence», au pays de la liberté de parole et du libéralisme, de la libre entreprise et des commissions d’enquête sans concession ? Peut-on se dire ouvertement opposés à la «guerre contre le terrorisme » telle qu’elle est pratiquée par l’administration Bush, sans être taxé, aux Etats-Unis, d’anti-patriotisme ou, ailleurs, d’anti-américanisme?
Les récentes critiques contre la «guerre préventive» prônée par George W Bush contre Saddam Hussein, exprimées par le chancelier allemand Shroeder et - partiellement - par le président français Chirac n’ont guère été appréciées du côté de l’administration Bush. Ni dans de nombreuses rédactions américaines qui, depuis le 11 septembre, ne tolèrent pratiquement pas de voix vraiment discordantes sur une question désormais tabou : «ground zero» et «guerre aux terroristes».
Pourtant, quelques rares journaux tentent régulièrement de briser ce mur du silence et du conformisme patriotique entretenu savamment par le pouvoir et la plupart des médias audiovisuels. En posant de bonnes questions sur un événement unique au monde, mais sans obtenir de véritables réponses à la hauteur de l’événement.
«Pourquoi Bush ne veut pas d’enquête sur le 11 septembre?»
Le premier anniversaire des quatre attentats du 11 septembre a permis au magazine en ligne Alternet (www.alternet.org) de San Francisco, de poser une douzaine de questions très pertinentes sur cet événement. Des questions qui sont sans doute partagées par de nombreux citoyens américains, mais qui ne franchissent pas souvent le seuil des journaux. En voici quelques-unes : Que savait exactement Bush avant les attentats, alors qu’il avait reçu une mise en garde assez détaillée, signée Condoleezza Rice, sur l’imminence d’une attaque terroriste ? Pourquoi l’armée de l’air n’a pas abattu les avions détournés, alors que certains sont restés «muets» pendant une heure et demie avant d’atteindre leur cible ? Pourquoi le Pentagone a-t-il été si vulnérable ? Pourquoi le Pentagone n’a rien dit sur le vol 93 d’United Airlines tombé (abattu ?) en Pennsylvanie ? Pourquoi toutes les informations concernant les quatre attentats ne sont toujours pas accessibles aux médias ?
D’autres questions portent sur la guerre en Afghanistan. Un an après son début Alternet voudrait savoir combien de civils afghans ont été tués par l’armée américaine et pourquoi ces chiffres sont délibérément occultés par l’administration, alors que selon CNN ils sont au moins 3 500 : «Nous avons le droit de savoir combien d’innocents ont été tués avec nos impôts, et combien ils sont désormais à avoir de bonnes raisons de haïr les Etats-Unis», écrit ce magazine. Mais la question la plus importante demeure : «Pourquoi Bush ne veut pas d’enquête digne de ce nom sur le 11 septembre ? Que veut-il cacher ?».
Un autre magazine, The Village Voice de New York, a pour sa part constamment échappé au conformisme ambiant, au «politically correct» qui prévaut aux USA depuis le 11 septembre. Pour lui, les 20 000 personnes qui ont osé manifester récemment dans Central Park sont «le premier signe important d’une opposition populaire à une guerre unilatérale contre l’Irak (qui prône la) résistance à la politique militaire de George Bush». Les cérémonies du premier anniversaire des attentats ont été dénoncées comme «une tentative d’exploiter l’émotion populaire pour la diriger vers l’inévitable invasion de l’Irak». Et l’un des éditorialistes du Village Voice de titrer son article : «J’entends l’Amérique s’enfoncer».
Une autre forme de contestation se manifeste parfois dans des médias moins marginaux. Des chroniqeurs de quotidiens aussi prestigieux que le Washington Post osent de plus en plus poser eux aussi des questions du genre : «Pourquoi notre Etat a été si incompétent et inefficace ? Du Bureau ovale au bas de la hiérarchie, ce qui aurait dû être fait ne l’a pas été». Et une éventuelle «guerre préventive» contre l’Irak suscite de nombreuses critiques. Mais parallèlement, toute contestation radicale de la politique de l’administration Bush au Proche et au Moyen Orient est pourchassée là où elle risque le plus de se développer : dans les campus universitaires de Berkeley ou Princeton, qui ont récemment lancé un appel au boycottage financier d’Israël pour faire pression sur Ariel Sharon. Peu après, un site Internet pour le moins curieux - Campus.watch - a été lancé par un spécialiste de la région, Daniel Pipes, pour dénoncer la «haine d’Israël» et la «complaisance pro-palestinienne» qui régneraient dans les universités américaines. En assimilant toute opposition à la politique de Sharon à de l’antisémitisme. Plus grave, ce site appelle à la délation pure et simple, en demandant aux étudiants de signaler toute manifestation ou conférence soupçonnée de ce qu’il nomme «antisémitisme de campus».
Mais c’est sans doute à la télévision que toute critique de l’administration semble menacée. Quelques jours après les attentats, Bill Maher, un animateur de talk-show sur le network ABC, a été obligé de démissionner pour avoir osé dire que «le couard n’est pas celui qui se suicide en se lançant contre un gratte-ciel, mais celui qui lance un missile Cruise d’un avion volant à 2 000 mètres d’altitude». Plus récemment, le dernier né des networks américains - Foxnews qui appartient au très conservateur Murdoch et est très proche des Républicains au pouvoir à Washington - s’est illustré par une grave censure vis-à-vis de l’un de ses invités : un congressman démocrate qui osait affirmer que tous les sondages n’indiquaient pas que 70% d’Américains sont favorables à une guerre contre l’Irak a reçu la riposte suivante de la part du présentateur de l’émission : «Si vous n’êtes pas content des Etats-Unis, vous n’avez qu’à prendre un billet d’autocar pour le Mexique!»
Pour Chalmers Johnson, un vieil académicien de l’université de Berkeley qui ne peut sans doute pas être taxé d’anti-américanisme, la plupart des Américains n’a pas encore compris que «les kamikaze du 11 septembre n’ont pas attaqué les Etats-Unis, mais leur politique étrangère».
Pourtant, quelques rares journaux tentent régulièrement de briser ce mur du silence et du conformisme patriotique entretenu savamment par le pouvoir et la plupart des médias audiovisuels. En posant de bonnes questions sur un événement unique au monde, mais sans obtenir de véritables réponses à la hauteur de l’événement.
«Pourquoi Bush ne veut pas d’enquête sur le 11 septembre?»
Le premier anniversaire des quatre attentats du 11 septembre a permis au magazine en ligne Alternet (www.alternet.org) de San Francisco, de poser une douzaine de questions très pertinentes sur cet événement. Des questions qui sont sans doute partagées par de nombreux citoyens américains, mais qui ne franchissent pas souvent le seuil des journaux. En voici quelques-unes : Que savait exactement Bush avant les attentats, alors qu’il avait reçu une mise en garde assez détaillée, signée Condoleezza Rice, sur l’imminence d’une attaque terroriste ? Pourquoi l’armée de l’air n’a pas abattu les avions détournés, alors que certains sont restés «muets» pendant une heure et demie avant d’atteindre leur cible ? Pourquoi le Pentagone a-t-il été si vulnérable ? Pourquoi le Pentagone n’a rien dit sur le vol 93 d’United Airlines tombé (abattu ?) en Pennsylvanie ? Pourquoi toutes les informations concernant les quatre attentats ne sont toujours pas accessibles aux médias ?
D’autres questions portent sur la guerre en Afghanistan. Un an après son début Alternet voudrait savoir combien de civils afghans ont été tués par l’armée américaine et pourquoi ces chiffres sont délibérément occultés par l’administration, alors que selon CNN ils sont au moins 3 500 : «Nous avons le droit de savoir combien d’innocents ont été tués avec nos impôts, et combien ils sont désormais à avoir de bonnes raisons de haïr les Etats-Unis», écrit ce magazine. Mais la question la plus importante demeure : «Pourquoi Bush ne veut pas d’enquête digne de ce nom sur le 11 septembre ? Que veut-il cacher ?».
Un autre magazine, The Village Voice de New York, a pour sa part constamment échappé au conformisme ambiant, au «politically correct» qui prévaut aux USA depuis le 11 septembre. Pour lui, les 20 000 personnes qui ont osé manifester récemment dans Central Park sont «le premier signe important d’une opposition populaire à une guerre unilatérale contre l’Irak (qui prône la) résistance à la politique militaire de George Bush». Les cérémonies du premier anniversaire des attentats ont été dénoncées comme «une tentative d’exploiter l’émotion populaire pour la diriger vers l’inévitable invasion de l’Irak». Et l’un des éditorialistes du Village Voice de titrer son article : «J’entends l’Amérique s’enfoncer».
Une autre forme de contestation se manifeste parfois dans des médias moins marginaux. Des chroniqeurs de quotidiens aussi prestigieux que le Washington Post osent de plus en plus poser eux aussi des questions du genre : «Pourquoi notre Etat a été si incompétent et inefficace ? Du Bureau ovale au bas de la hiérarchie, ce qui aurait dû être fait ne l’a pas été». Et une éventuelle «guerre préventive» contre l’Irak suscite de nombreuses critiques. Mais parallèlement, toute contestation radicale de la politique de l’administration Bush au Proche et au Moyen Orient est pourchassée là où elle risque le plus de se développer : dans les campus universitaires de Berkeley ou Princeton, qui ont récemment lancé un appel au boycottage financier d’Israël pour faire pression sur Ariel Sharon. Peu après, un site Internet pour le moins curieux - Campus.watch - a été lancé par un spécialiste de la région, Daniel Pipes, pour dénoncer la «haine d’Israël» et la «complaisance pro-palestinienne» qui régneraient dans les universités américaines. En assimilant toute opposition à la politique de Sharon à de l’antisémitisme. Plus grave, ce site appelle à la délation pure et simple, en demandant aux étudiants de signaler toute manifestation ou conférence soupçonnée de ce qu’il nomme «antisémitisme de campus».
Mais c’est sans doute à la télévision que toute critique de l’administration semble menacée. Quelques jours après les attentats, Bill Maher, un animateur de talk-show sur le network ABC, a été obligé de démissionner pour avoir osé dire que «le couard n’est pas celui qui se suicide en se lançant contre un gratte-ciel, mais celui qui lance un missile Cruise d’un avion volant à 2 000 mètres d’altitude». Plus récemment, le dernier né des networks américains - Foxnews qui appartient au très conservateur Murdoch et est très proche des Républicains au pouvoir à Washington - s’est illustré par une grave censure vis-à-vis de l’un de ses invités : un congressman démocrate qui osait affirmer que tous les sondages n’indiquaient pas que 70% d’Américains sont favorables à une guerre contre l’Irak a reçu la riposte suivante de la part du présentateur de l’émission : «Si vous n’êtes pas content des Etats-Unis, vous n’avez qu’à prendre un billet d’autocar pour le Mexique!»
Pour Chalmers Johnson, un vieil académicien de l’université de Berkeley qui ne peut sans doute pas être taxé d’anti-américanisme, la plupart des Américains n’a pas encore compris que «les kamikaze du 11 septembre n’ont pas attaqué les Etats-Unis, mais leur politique étrangère».
par Elio Comarin
Article publié le 10/10/2002