Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Côte d''Ivoire

Eyadéma, médiateur contesté

Le général-président togolais Gnassingbé Eyadéma a été nommé par la CEDEAO coordonnateur de la médiation entre rebelles et gouvernement. Les mutins s’en félicitent, Abidjan garde le silence.
La première réunion du groupe de contact de la CEDEAO (Communauté économique de Etats d’Afrique de l’Ouest) s’est soldée mercredi soir par quelques résolutions de principe et une nomination plutôt inattendue: le président togolais Ganssingbé Eyadéma, qui ces derniers jours avait souvent critiqué la négociation menée par le Sénégal (qui assure actuellement la présidence de la CEDEAO), a été officiellement nommé coordonnateur de la médiation entre rebelles et gouvernement, par les six membres de groupe : Ghana, Guinée Bissau, Mali, Niger et Togo. Alors qu’on s’attendait à ce que cette responsabilité revienne au président malien, Ahmadou Toumani Touré.

Les militaires ivoiriens en rébellion contre le régime de Laurent Gbagbo ont aussitôt exprimé leur satisfaction. «Ce choix est une très bonne chose» a dit le sergent Chérif Ousmane à Bouaké, «car Eyadéma fait partie des sages, c’est le plus ancien des chefs d’Etat d’Afrique, et nous allons profiter de son expérience». Le général Eyadéma est arrivé au pouvoir dans les années 60, après avoir participé à l’assassinat du président élu Sylvanus Olympio, lors du premier coup d’Etat de l’Afrique indépendante. De plus, ces dernières années il a été mis à l’index par l’Union européenne, pour ne pas avoir engagé le pays dans un véritable processus démocratique, et notamment pour ne pas avoir respecté l’accord-cadre de Lomé signé en 1999 avec l’opposition. Pour cela la coopération est toujours interrompue entre le Togo et l’UE. En revanche, l’aide bilatérale franco-togolaise, qui n’est pas concernée par cette mesure, se poursuit normalement.

«La CEDEAO tourne en rond»

Du côté d’Abidjan, aucune réaction officielle n’a été enregistrée ce jeudi, mais la presse n’a pas manqué de souligner que «la CEDEAO tourne en rond», selon l’expression de Fraternité Matin. Dans le communiqué officiel publié mercredi soir, la CEDEAO émet un certain nombre de principes généraux et appelle tous les protagonistes à «parvenir à un compromis» et à «prendre les mesures nécessaires pour protéger les vies et les biens des Ivoiriens et des ressortissants étrangers». Elle souligne aussi la nécessité de «restaurer sur toute l’étendue du territoire l’autorité du gouvernement», ainsi que de prendre en compte les revendications des insurgés «de nature professionnelle et politique». Mais elle n’affronte pas la question clé qui oppose les deux partis en conflit: le désarmement des rebelles, un préalable à toute négociation pour Abidjan.

Or, depuis le début de la crise, le président togolais a constamment dit qu’il était opposé à ce désarmement préalable, alors que cela est explicitement prévu par l’accord signé à Accra le 29 septembre dernier: «Les chefs d’Etat et de gouvernement ont instamment demandé aux assaillants, qui continuent d’occuper plusieurs villes, de s’abstenir d’exercer des violences et des voies de fait sur les populations de ces villes, d’engager sans retard le dialogue avec le groupe de contact de la CEDEAO en vue de déposer les armes et de régler leurs différends avec le gouvernement par des voies pacifiques».

Autre question qui risque de provoquer des vagues au sein de la CEDEAO: le rôle de la future force d’interposition appelée à remplacer l’armée française. La presse ivoirienne rappelle «l’hostilité affichée par les Ivoiriens à cette force qui a fait plus de dégâts que de biens dans les pays de la sous-région où elle est intervenue (Liberia et Sierra Leone)». Pour l’heure les membres du groupe de contact ont convenu «de la nécessité du déploiement rapide en Côte d’Ivoire d’un groupe de contrôle de la CEDEAO» chargé de superviser le cessez-le-feu, dont les modalités devraient être discutées vendredi prochain à Abidjan lors d’une réunion des chefs d’état-major de la CEDEAO.

Quand on sait que Eyadéma est beaucoup plus proche du Burkina de Blaise Compaoré que de la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, on peut craindre que sa médiation s’engage dans un climat plutôt tendu. En raison aussi de l’«agacement» affiché souvent à Lomé -mais aussi à Bamako- vis-à-vis de différentes initiatives lancées ces derniers mois par la présidence sénégalaise. Et pourtant, le seul résultat concret obtenu dans cette longue crise ouverte est à mettre au profit de Dakar: un cessez-le-feu, ambigu mais réel, qui semble respecté depuis son entrée ne vigueur, le 17 octobre 2002 et qui a été obtenu non sans difficulté par le négociateur sénégalais Cheikh Gadio.




par Elio  Comarin

Article publié le 24/10/2002