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Côte d''Ivoire

Gbagbo dénonce la «complicité» du Burkina

Pour la première fois depuis le début de la rébellion le président ivoirien Laurent Gbagbo a explicitement mis en cause Blaise Compaoré et «la complicité ne serait-ce que passive» du Burkina Faso avec les mutins, tout en ajoutant que son principal opposant Alassane Ouattara, toujours réfugié à l’ambassade de France, peut quitter le pays, parce qu’il constitue «une pomme de discorde» entre Paris et Abidjan.
«Moi, si on me dit qu’un banquier a fui la Côte d’Ivoire et qu’il habite une villa à Ouagadougou, je comprends. Mais quand on me dit qu’un caporal a fui l’armée ivoirienne et qu’il habite une villa à Ouagadougou, je comprends un peu moins». Pressé de dire par l’Agence France Presse qui, selon lui, a voulu renverser son régime en attaquant simultanément Abidjan, Bouaké et Korhogo, le président ivoirien a dit : «Je ne sais pas, mais il a fallu en tout cas beaucoup d’argent et, au moins, la complicité du Burkina, ne serait-ce que passive», faisant référence à la présence au Burkina des déserteurs ivoiriens qui avaient trouvé refuge dans des villas situées près de la capitale, avant de lancer leur raid sur la Côte d’Ivoire. «Il y a eu au moins ca. C’est évident que (les déserteurs ivoiriens) étaient logés, entretenus par le pouvoir burkinabé. C’est évident. Nous le savions depuis longtemps. Mais est-ce que c’est lui qui (les) a financés? Je ne sais pas», a-t-il ajouté.

Le président burkinabé continue pour sa part à garder le silence, mais son gouvernement a «catégoriquement rejeté» ces accusations de «complicité» avec les rebelles : «nous n’avons rien à voir avec cette rébellion. Les soldats mutins ont eux-mêmes reconnu que le Burkina n’est mêlé ni de près de loin à leur mouvement», a dit un ministre burkinabé ; sans toutefois nier la présence des rebelles, des mois durant, dans des villas appartenant à l’état, tout près de la capitale.

«Alassane Ouattara peut partir»

A propos du déclenchement de la rébellion, dans la nuit du 18 au 19 septembre dernier, le président ivoirien a confirmé qu’il y a bien eu «un effet de surprise, même si nous savions depuis longtemps qu’il se préparait un coup contre la Côte d’Ivoire à partir du Burkina, avec eux (les déserteurs ivoiriens) comme éléments devant ; mais on ne sait jamais quand».
Au sujet d’Alassane Ouattara, le leader du RDR réfugié à la résidence de l’ambassadeur de France, Laurent Gbagbo a clairement laissé entendre qu’il ne verrait pas d’un mauvais œil son départ de la Côte d’Ivoire, et qu’il constitue une «pomme de discorde» entre Paris et Abidjan. Le président ivoirien a tenu cependant à affirmer que «les Français ont fait tout ce qu’ils pouvaient faire» dans la crise actuelle, en ajoutant : «Je leur en suis très reconnaissant. Mais je ne souhaite pas qu’Alassane Ouattara étant à l’ambassade (de France), cela crée des problèmes franco-ivoiriens. Je ne laisserai pas développer cela. Je vais prendre les contacts nécessaires, et au plus tard (ce) samedi nous aurons pris une décision».

L’éventuel départ du président du RDR, que Laurent Gbagbo soupçonne d’«ambiguïté» vis-à-vis d’une rébellion qui n’a jusque là affiché que des porte-parole «nordistes» plus ou moins proches d’Alassane Ouattara, pourrait aussi permettre à l’ambassade de France en Côte d’Ivoire de retrouver une certaine normalité, dans un contexte qui demeure toutefois tendu, au vu des manifestations d’hostilité qui se sont succédées ces dernières semaines dans la capitale économique du pays.



par Elio  Comarin

Article publié le 25/10/2002