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Cameroun

La CIJ tranche en faveur de Yaoundé sur Bakassi

La Cour internationale de justice a finalement reconnu, dans un arrêt rendu à La Haye jeudi, la souveraineté du Cameroun sur la Péninsule de Bakassi, que se disputaient le Cameroun et le Nigeria depuis 1993. Dans un communiqué de circonstance, Yaoundé, renouvelle sa disposition à respecter la décision de la Cour, rassure les ressortissants nigérians vivant au Cameroun «des sentiments d’amitié et fraternité du peuple camerounais». Une réaction qui se situe en droite ligne de l’engagement pris par les présidents Biya et Obansajo lors d’une rencontre début septembre à Paris.
De notre correspondant à Yaoundé

«Par voie de conséquence, la Cour a décidé que, par application de la Convention anglo-allemande du 11 mars 1913, la souveraineté sur Bakassi est camerounaise. De même, la Cour a, conformément à l’échange de notes franco-britannique de Henderson-Fleuriau du 9 janvier 1931 et rejeté les prétentions du Nigeria sur la zone de Darak et des villages environnants». Extrait de la déclaration faite à la presse par le juge Guillaume, président de la Cour internationale de justice.

Le très attendu verdict sur la péninsule de Bakassi, que se disputaient le Cameroun et son géant voisin le Nigeria depuis une dizaine d’années est enfin tombé jeudi à La Haye. A en juger par les commentaires du citoyen ordinaire dans les villes de Yaoundé et Douala, et si l’on s’en tient à la tendance générale de la presse locale de ce vendredi, le principal intérêt pour les Camerounais était de savoir que la presqu’île située dans le golfe de Guniée, et réputée pour ses richesses pétrolières et ses ressources halieutiques, est effectuvement une portion du territoire camerounais. «Le verdict de la paix», titrait le trihebdomadaire privé Le Messager. «Bakassi bel et bien Camerounaise», renchérissait le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune; tandis que le titre «Bakassi est à nous», barrait la «Une» du quotidien privé Mutations.

Si les spécialistes locaux du droit n’osaient pas encore s’aventurer à commenter le verdict en attendant d’avoir le texte de la Cour internationale de justice, le gouvernement lui, a réagi dès jeudi, dans l’après-midi, «sans triomphalisme» et «dans la sérénité». Dans un communiqué de presse, le ministre de la communication a dit l’essentiel. «Le gouvernement camerounais renouvelle son engagement à respecter les termes de l’arrêt». De même, il «saisit cette occasion pour renouveler aux membres de la communauté nigériane vivant au Cameroun ainsi qu’à tous les ressortissants étrangers, les sentiments d’amitié et de fraternité du peuple camerounais» et enfin «réitère sa ferme volonté de consolider et d’intensifier les relations de coopération et de bon voisinage qui existent entre les deux pays».

Côté Nigeria, le haut commissariat à Yaoundé, n’a pas trouvé nécessaire d’aller au-delà des déclarations du gouvernement fédéral. Il est en tout cas permis d’envisager qu’Abuja se pliera à la décision de la Cour. La voie à cette option avait déjà été balisée, le 5 septembre, lors de la rencontre, en terre française, à Saint-Cloud, dans la banlieue parisienne, entre les présidents Paul Biya du Cameroun et Olusegun Obansanju du Nigeria, sous l’égide du président Jacques Chirac, et à l’initiative du secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan.

Ainsi que le laissent entrevoir les termes du communiqué officiel, rendu public par les autorités de Yaoundé. Les deux chefs d’État, «ont convenu de respecter et mettre en oeuvre la décision de la Cour internationale de justice sur la Péninsule de Bakassi; -créer un mécanisme de mise en oeuvre avec l’appui des Nations Unies; -reprendre à Abuja le 30 septembre les réunions de haut niveau de la Commission mixte», avait annoncé Inoni Ephraïm, secrétaire général adjoint à la présidence de la République, qui ajoutait: «Les deux présidents ont également reconnu qu’il fallait des mesures de renforcement de la confiance, y compris la démilitarisation éventuelle de la péninsule avec la possibilité de dépêcher les observateurs internationaux pour surveiller le retrait de toutes les troupes; la visite prochaine du président Biya au Nigeria et l’exclusion des déclarations ou communiqués provocateurs sur la question de Bakassi par l’une ou l’autre partie».

Une parenthèse se referme

Fin septembre, les deux pays ont voulu donner un contenu et une suite à rencontre des deux chefs d’État. En berne depuis une décennie, une réunion de la Grande commission mixte Cameroun-Nigeria a été «ressuscitée» à Abuja. Les observateurs y ont vu un signe de décrispation entre les deux pays.

Avec l’arrêt rendu ce jeudi par la Cour, une parenthèse est fermée dans l’histoire des relations entre les deux pays. Une parenthèse vieille de huit ans. C’est en effet en décembre 1993 que les Camerounais sont réveillés par l’annonce de la présence des troupes nigérianes sur la péninsule de Bakassi, majoritairement occupée par des pêcheurs nigérians. Pendant quelques semaines, on parle d’affrontement entre les armées des deux pays, affrontements qui resteront sporadiques tout au long de cette presque décennie de dispute.

En 1994, le Cameroun saisit la Cour internationale de justice, d’abord d’une requête aux fins de déterminer la frontière entre les deux États à Bakassi, puis d’une requête additionnelle pour que la Cour se prononce sur la frontière maritime et terrestre entre les deux pays, et cela, en prenant en compte l’autre principal point de discorde territoriale, la région de Darak, dans aux alentours du lac Tchad. Huit années de procédures judiciaires, de mémoires et de contre-mémoires, et de contre répliques, dont l’un des principaux épisodes aura été, avant, ce 10 octobre 2002, la décision de la Cour, reconnaissant qu’elle était compétente pour statuer sur ce dossier, contrairement à ce qu’avait soutenu la partie nigériane.



par Valentin  Zinga

Article publié le 11/10/2002