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Côte d''Ivoire

Les durs effets de la crise ivoirienne

Accusé par les autorités ivoiriennes d’être derrière la tentative de coup d’Etat du 19 septembre, le Burkina est paradoxalement le pays de la région le plus touché par la crise en Côte d’Ivoire. Petits commerçants et grosses entreprises commencent à ressentir durement l’arrêt des échanges commerciaux entre les deux voisins.
De notre envoyé spécial à la frontière

Un camion remorque s’immobilise devant le poste frontalier du village de Yendéré à 12 kilomètres de la frontière ivoirienne. Vingt à trente personnes dont des femmes et des enfants coincées entre des sacs de colas sortent pour remplir les formalités de police. Ce sont des familles de burkinabè qui reviennent dans leur pays. Elles ont embarqué à Bouaké, la deuxième ville de Côte d’Ivoire, qui est aux mains des soldats rebelles. «Il n’y a plus de car entre Bouaké et le Burkina, nous profitons donc des rares gros camions qui continuent de circuler», explique le chef d’une de ces familles visiblement heureuses de rentrer au pays.

D’autres émigrés burkinabè arrivent par petits groupes à pied. Certains d’entre eux ont pu se débrouiller pour emprunter des véhicules jusqu’à la dernière ville ivoirienne avant de faire le reste à pied. Les autres, faute de moyens, sont contraints à de longues marches. «J’ai marché plus de deux cent kilomètres à pied », déclare Aboubacar Dianda qui a fui Bouaké, le 8 octobre, lors des premiers combats entre soldats insurgés et loyalistes. Il a fait 12 jours de marche sans le moindre sou, avant de se voir transporté en véhicule par des soldats mutins qui l’ont déposé à la frontière. «Je dormais au bord de la route comme un fou, souligne-t-il. Lorsque j’ai vu la pancarte du Burkina, j’ai remercié le seigneur pour avoir béni ce voyage pour moi puisque beaucoup de gens sont morts devant moi.»

«J’ai marché plus de deux cent kilomètres à pied»

Les Burkinabè qui franchissent la frontière ne cachent pas leur joie. Les tueries attribuées aux soldats loyalistes contre les étrangers à Daloa font peur à toutes les personnes originaires d’Afrique de l’Ouest, même lorsqu’elles qui habitent en zone rebelle. C’est pour prévenir tout risque que beaucoup de ces étrangers ont choisi de se mettre à l’abri. Ils rentrent par dizaine chaque jour par le nord de la Côte d’Ivoire occupé par les rebelles. Ceux qui sont des régions sud du pays sous contrôle loyaliste font plutôt un long détour par le Ghana avant d’atteindre le Burkina par le poste frontière de Pô. Si là-bas, le gouvernement a pris quelques mesures pour pouvoir accueillir ceux qui arrivent, du côté de Yendéré rien n’a été mis en place. Les Burkinabè qui arrivent doivent se débrouiller pour regagner leur village. En attendant que le gouvernement respecte son engagement d’ «accueillir dignement» les fils du pays, ceux qui n’ont pas les moyens ne peuvent compter que sur les bonnes volontés. Mais hormis la décision prise par une société de transport de la place de proposer pour les plus démunis des tarifs étudiés pour se rendre de la frontière jusqu’à la ville de Bobo-Dioulasso, ces bonnes volontés sont plutôt rares. Et pour cause, la crise économique frappe sévèrement les milieux d’affaires tant informels que structurés dans la région du fait de la fermeture des frontières.

De Niangoloko, première bourgade burkinabè, à Bobo-Dioulasso, la métropole économique de l’ouest en passant par Banfora, une des villes industrielles du pays, les effets de la crise ivoirienne se ressentent assez durement. L’activité économique tourne au ralenti du fait de la fermeture des frontières le 23 septembre par le Burkina. Le train ne circule plus entre les deux pays. Les véhicules non plus. A Niangoloko, le vaste parking du poste de la douane, où se croisent d’ordinaire des centaines de véhicules et de passagers par jour, est désespérément vide. Le petit commerçant est en déclin dans cette localité dont la vie économique est rythmée par la gare de train et le poste de douane. «Avant, je pouvais placer 3 à 5 kilos de colas par jour avec les voyageurs, mais depuis les événements de Côte d’ivoire, il m’est difficile de gagner 100 FCFA à la fin de la journée, explique une des nombreuses vendeuses installées autour des bureaux des douanes. Il y a des soirs où je rentre à la maison sans le moindre sou

Réunis tous les jours autour du thé pour discuter, les agents de transit du coin, en chômage technique depuis le 19 septembre, écoutent attentivement la radio dans l’espoir d’avoir de bonnes nouvelles. «Si les rebelles et le gouvernement ivoirien pouvaient s’arranger pour rétablir la circulation entre Abidjan et le Burkina, on serait soulagé», nous lance l’un d’entre eux.

A Banfora et à Bobo-Dioulasso, des usines sont complètement à l’arrêt ou tournent au ralenti faute de matières premières importées de Côte d’Ivoire ou transitant par le port d’Abidjan. Si à Ouagadougou, de nombreux hommes d’affaires se tournent vers les ports de Lomé, Tema et Cotonou, Abidjan constituent le «port naturel» pour la région de Bobo-Dioulasso située seulement à 800 km. Les surcoûts en transport pour aller vers les autres ports pourraient gravement fragiliser le tissu industriel de la région de Bobo.



par Alpha  Barry

Article publié le 26/10/2002