Maroc
Un Premier ministre en dehors des partis
Le scrutin législatif du 27 septembre dernier n’ayant pas permis de dégager une majorité politique claire, le roi Mohamed VI a tranché, mardi 9 octobre, en nommant un technocrate à la tête du gouvernement marocain.
«Sa Majesté le Roi a mis en exergue la nécessité impérieuse de mettre en place un gouvernement d’action, mobilisé autour de priorités claires et soucieux d’efficacité, un gouvernement de labeur, d’écoute et de proximité. Sa Majesté le Roi a assuré M. Driss Jettou de toute sa confiance et lui a souhaité plein succès dans la mission qui lui a été confiée», a rapporté Hassan Aourid, le porte-parole officiel de la Maison Royale. La nomination du ministre de l’Intérieur sortant à la Primature a été aussitôt favorablement accueillie par les milieux d’affaires et les chancelleries, qui voient là la seule option possible pour sortir le Maroc du marasme économique qui le caractérise. La presse et l’homme de la rue jugent également que la nomination d’un Premier ministre en dehors des partis devrait permettre de dépasser les querelles partisanes, sources de blocages politiques, et de former un gouvernement «pragmatique».
Il faut rappeler que les résultats définitifs des législatives, annoncés le 1er octobre par Driss Jettou alors ministre de l’Intérieur, avaient placé en tête quatre familles politiques sur un échiquier parlementaire composé de vingt-deux formations. Dans l’ordre : les socialistes du Premier ministre sortant, les conservateurs de l’Istiqlal, les islamistes du PJD et deux partis populaires, que l’on disait proches des socialistes, mais s’étaient rapprochés ces derniers jours du pôle conservateur. Un casse-tête dans la mesure où la coalition la plus large rassemblait droite et islamistes, mais où le parti de tête, au sein duquel se choisit traditionnellement le Premier ministre, était socialiste. Le débat s’était, par ailleurs, vite porté sur les modalités de la participation du PJD au gouvernement. Pour beaucoup il n’y avait aucun doute : l’USFP socialiste, arrivée en tête, allait conduire un nouveau gouvernement. Le quotidien L’Economiste avait même titré en Une, le 1er octobre : «Youssoufi reconduit pour deux ans». Et si le parti de l’Istiqlal, de l’ancienne coalition gouvernementale, pouvait prétendre diriger un gouvernement de droite, son leader, Abbas El Fassi, ministre de l’Emploi sortant, était empêtré dans une affaire d’emplois fictifs aux Emirats arabes unis, qui a écorné son image.
Le Roi a opté pour un homme de consensus
Entre un Youssoufi au bilan plutôt moyen, un El Fassi jugé ambitieux, des islamistes qui inquiètent et des partis du «centre» versatiles, il était effectivement difficile de composer un gouvernement solide. D’autant plus que la «transhumance» politique d’un parti à l’autre avait commencé dès le lendemain de l’annonce des résultats officiels. Le RNI, «centriste», serait ainsi passé de 41 sièges à 57. Une pratique dangereuse puisque le parti de tête n’avait que deux sièges d’avance. Le Roi a donc opté pour un homme de consensus, «au-dessus» des partis, comme la Constitution l’y autorise, puisqu’elle précise que «le Roi choisit le Premier ministre». Driss Jettou est apparu comme l’homme de la situation. Les dirigeants économiques lui font confiance, les partis politiques lui reconnaissent une capacité de travail et une rectitude au service de ses objectifs. On a salué de façon quasi unanime le scrutin «transparent» du 27 septembre, orchestré par son ministère.
Agé de 57 ans, Driss Jettou est un industriel, qui administre également plusieurs entreprises privées. Après un diplôme d’études supérieures spécialisées de physique-chimie, obtenu à Rabat, il s’est spécialisé en gestion d’entreprises à Londres, avant d’être intégré à diverses entreprises au Maroc, dont la direction générale de l’Office Chérifien des Phosphates, le géant de l’industrie marocaine. Appelé au gouvernement en 1993, il sera ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, puis ministre des Finances, sous Hassan II. Ecarté lors du gouvernement d’alternance de 1998, il reviendra au gouvernement en septembre 2001, succédant à Ahmed Midaoui à l’Intérieur. Une succession qui a sans doute renforcé son image d’homme affable, honnête et travailleur, puisque le Maroc avait connu à ce poste un autre Driss (Driss Basri) devenu le symbole des dérives sécuritaires des «années de plomb».
La nomination de l’un des proches de Mohamed VI à la tête du gouvernement s’inscrit dans la logique de la «nouvelle ère» que connaît le Maroc. Un mode de gouvernement dans lequel le Roi conserve toutes ses prérogatives, limitant le champ d’action de la politique partisane. Après la «lettre royale» de 2001, qui a permis de mettre en place des préfets de région nommés directement par le Roi et ayant les mains libres pour mettre en place des guichets uniques en faveur des investisseurs, la nomination de Driss Jettou est donc cohérente. La priorité étant donnée au redressement économique, la démocratie reste donc très encadrée dans le Royaume chérifien.
Il faut rappeler que les résultats définitifs des législatives, annoncés le 1er octobre par Driss Jettou alors ministre de l’Intérieur, avaient placé en tête quatre familles politiques sur un échiquier parlementaire composé de vingt-deux formations. Dans l’ordre : les socialistes du Premier ministre sortant, les conservateurs de l’Istiqlal, les islamistes du PJD et deux partis populaires, que l’on disait proches des socialistes, mais s’étaient rapprochés ces derniers jours du pôle conservateur. Un casse-tête dans la mesure où la coalition la plus large rassemblait droite et islamistes, mais où le parti de tête, au sein duquel se choisit traditionnellement le Premier ministre, était socialiste. Le débat s’était, par ailleurs, vite porté sur les modalités de la participation du PJD au gouvernement. Pour beaucoup il n’y avait aucun doute : l’USFP socialiste, arrivée en tête, allait conduire un nouveau gouvernement. Le quotidien L’Economiste avait même titré en Une, le 1er octobre : «Youssoufi reconduit pour deux ans». Et si le parti de l’Istiqlal, de l’ancienne coalition gouvernementale, pouvait prétendre diriger un gouvernement de droite, son leader, Abbas El Fassi, ministre de l’Emploi sortant, était empêtré dans une affaire d’emplois fictifs aux Emirats arabes unis, qui a écorné son image.
Le Roi a opté pour un homme de consensus
Entre un Youssoufi au bilan plutôt moyen, un El Fassi jugé ambitieux, des islamistes qui inquiètent et des partis du «centre» versatiles, il était effectivement difficile de composer un gouvernement solide. D’autant plus que la «transhumance» politique d’un parti à l’autre avait commencé dès le lendemain de l’annonce des résultats officiels. Le RNI, «centriste», serait ainsi passé de 41 sièges à 57. Une pratique dangereuse puisque le parti de tête n’avait que deux sièges d’avance. Le Roi a donc opté pour un homme de consensus, «au-dessus» des partis, comme la Constitution l’y autorise, puisqu’elle précise que «le Roi choisit le Premier ministre». Driss Jettou est apparu comme l’homme de la situation. Les dirigeants économiques lui font confiance, les partis politiques lui reconnaissent une capacité de travail et une rectitude au service de ses objectifs. On a salué de façon quasi unanime le scrutin «transparent» du 27 septembre, orchestré par son ministère.
Agé de 57 ans, Driss Jettou est un industriel, qui administre également plusieurs entreprises privées. Après un diplôme d’études supérieures spécialisées de physique-chimie, obtenu à Rabat, il s’est spécialisé en gestion d’entreprises à Londres, avant d’être intégré à diverses entreprises au Maroc, dont la direction générale de l’Office Chérifien des Phosphates, le géant de l’industrie marocaine. Appelé au gouvernement en 1993, il sera ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, puis ministre des Finances, sous Hassan II. Ecarté lors du gouvernement d’alternance de 1998, il reviendra au gouvernement en septembre 2001, succédant à Ahmed Midaoui à l’Intérieur. Une succession qui a sans doute renforcé son image d’homme affable, honnête et travailleur, puisque le Maroc avait connu à ce poste un autre Driss (Driss Basri) devenu le symbole des dérives sécuritaires des «années de plomb».
La nomination de l’un des proches de Mohamed VI à la tête du gouvernement s’inscrit dans la logique de la «nouvelle ère» que connaît le Maroc. Un mode de gouvernement dans lequel le Roi conserve toutes ses prérogatives, limitant le champ d’action de la politique partisane. Après la «lettre royale» de 2001, qui a permis de mettre en place des préfets de région nommés directement par le Roi et ayant les mains libres pour mettre en place des guichets uniques en faveur des investisseurs, la nomination de Driss Jettou est donc cohérente. La priorité étant donnée au redressement économique, la démocratie reste donc très encadrée dans le Royaume chérifien.
par Isabelle Broz
Article publié le 10/10/2002