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Russie

Poutine provisoirement renforcé

Lundi a été décrété journée de deuil dans toute la Russie. Et pour rendre hommage aux victimes de la prise d’otages, mortes pour la plupart à la suite de l’inhalation d’un gaz paralysant utilisé avant l’assaut par les forces spéciales russes, les drapeaux ont été mis en berne, les télévisions ont renoncé à la publicité et annulé leurs programmes de variétés et une minute de silence a été observée dans tous les lieux publics. L’image du président russe Vladimir Poutine, qui s’est immédiatement excusé de n’avoir «pu sauver tout le monde», semble avoir été renforcé par ce que le Kremlin a présenté comme une opération réussie. Mais à mesure que le nombre de victimes augmente, le pouvoir est la cible de critiques de plus en plus virulentes à l’étranger mais également en Russie. Et une issue politique au conflit tchétchène à laquelle aspirait pourtant plus de 60% de la population russe semble désormais plus que jamais compromise.
«Personne ne mettra la Russie à genou», avait affirmé dès samedi soir Vladimir Poutine à l’issue de la prise d’otages qui, selon un bilan encore provisoire, a fait 117 morts parmi les otages dont 116 ont été tués par le gaz paralysant utilisé par les forces spéciales russes avant qu’ils ne prennent d’assaut le théâtre. Et une fois n’est pas coutume, le président russe s’était excusé de ne pas avoir «pu sauver tout le monde». Mais quarante-huit heures après la fin du drame, l’homme fort du Kremlin a repris son discours dur face à ceux qu’il a qualifié d’«ordures» sans les nommer, à savoir les séparatistes tchétchènes. Le président russe a ainsi déclaré lundi la guerre aux terroristes «où qu’ils se trouvent». «Le terrorisme international devient de plus en plus audacieux, plus cruel, ici et là dans le monde et menace d’employer des moyens comparables aux armes de destruction massive», a notamment affirmé Vladimir Poutine à l’issue d’une réunion avec le gouvernement, en précisant que «la Russie répondra par des mesures adéquates contre les terroristes et leurs soutiens idéologiques et financiers, où qu’ils se trouvent». «La Russie ne fera aucune concession aux terroristes et ne cédera jamais au chantage», a-t-il également affirmé.

Quelque soit le bilan des morts parmi les otages, le dénouement du drame de Moscou constitue à n’en pas douter une victoire à court terme pour le président Poutine. En ne cédant pas au commando tchétchène, il a en effet prouvé que même frappée au cœur, la Russie n’avait pas cédé. Ce qui n’a pas été sans déplaire à nombre de ses concitoyens comme en témoigne cette déclaration d’un auditeur russe sur la radio Echo de Moscou : «Pour une fois que la Russie réussit quelque chose !!!». Mais à mesure que le nombre de victimes augmente, les interrogations se multiplient. Comment un commando d’une cinquantaine de rebelles tchétchènes a-t-il pu se déplacer dans une ville où les contrôles d’identités sont théoriquement généralisés ? Quelle est la nature du gaz utilisé par les forces spéciales russes pour maîtriser les terroristes et à l’origine de tant de morts parmi les otages ? Pouvait-on l’éviter ? Et surtout quels effets ce gaz, que les autorités refusent toujours de définir, aura sur les personnes l’ayant inhaler ? Les questions sont nombreuses et pourraient à long terme affecter la cote de popularité du président Poutine.

Quelles conséquences pour le conflit tchétchène ?

Comme à l’accoutumée, le président russe a fait référence au «terrorisme international», refusant d’évoquer une seule fois la question tchétchène, pourtant à l’origine de la prise d’otages de la semaine dernière. Il a ainsi annoncé qu’«en liaison avec la menace croissante du terrorisme international, des ordres vont être donnés à l’état-major pour un changement des plans d’action des forces armées». Si aucune précision n’a été donnée sur le sens donné à ces modifications, cela ne présage rien de bon pour la situation déjà dramatique dans la petite république du Caucase et pour toute la région. Moscou avait en effet menacé de lancer, en septembre dernier, une intervention armée en Géorgie, accusée par les autorités russes d’abriter des combattants tchétchènes et des «terroristes» dans la région des gorges de Pankissi. Et si les autorités russes semblent par ailleurs plus que jamais déterminées à verrouiller toute expression d’un problème en Tchétchénie, elles risquent d’avoir le plus grand mal à empêcher une vague d’hystérie patriotique dont les Tchétchènes vivant en Russie seront à n’en pas douter les premières victimes.

Après les événements de Moscou, la perspective d’une issue politique au conflit tchétchène semble donc compromise. Et le président Poutine, qui semble avoir conforté son image d’ennemi du terrorisme international, n’a aucune raison de changer sa stratégie dans la petite république du Caucase. Sans compter que la prise d’otages de Moscou a porté un coup dur au président indépendantiste Aslan Maskhadov. Si ce dernier a en effet nié tout lien avec le commando à l’origine de la prise d’otage de Moscou, il n’a en revanche pas condamné explicitement cette attaque terroriste. Vladimir Poutine qui a toujours refusé toutes négociations avec les séparatistes tchétchènes pourra donc se prévaloir de l’ambiguïté du chef des indépendantistes pour définitivement le décrédibiliser auprès des rares pays occidentaux qui lui apportaient encore leur soutien.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/10/2002